Jean-Claude Daoust a rejoint notre conseil d’administration voici près de quarante ans. Il en a pris la présidence de 2010 à 2013. Quel regard porte-t-il sur le rôle d’une Chambre de Commerce, son évolution et ses relations avec le monde politique ?
Dans quelles circonstances avez-vous rejoint notre Chambre de Commerce ?
Cela remonte aux années 1980. À l’époque, la Chambre de Commerce souhaitait faire entrer dans son conseil d’administration des membres un peu plus jeunes. Elle était alors composée de notables d’institutions bruxelloises comme la maroquinerie Delvaux, La Maison du Porte-Plume et autres entreprises de grande tradition. Même si Daoust était membre de la Chambre de Commerce depuis plus de 50 ans, c’était assez innovant de faire entrer dans son C.A. un représentant d’une société de services.
Pourquoi avoir accepté la présidence de BECI ?
J’ai d’abord été président de la FEB entre 2005 à 2008. Ce furent trois années passionnantes de négociations où je représentais le monde patronal auprès du gouvernement fédéral. J’ai eu la chance de fréquenter Guy Verhofstadt, que je voyais au moins une fois par semaine. Puis, Yves Leterme. Je me suis rendu compte que le fédéral était assailli de revendications syndicales. Lors de ces réunions, j’étais tout seul au milieu des trois syndicats qui venaient tour à tour avec leurs différents désidératas. La recherche d’équilibre était une fameuse gymnastique.
« Aujourd’hui, le rôle d’une Chambre de Commerce n’est plus de promotionner, mais de défendre et protéger les entreprises vis-à-vis de décisions qui sont prises sans les écouter et les consulter ».
Après ces trois années de mandat non renouvelable à la FEB, BECI m’a demandé s’il m’intéressait de prendre sa présidence et de représenter le monde patronal bruxellois. J’ai accepté parce que Bruxelles est très mal connue du Fédéral, qui ne voit que la Flandre, et que le monde politique ne comprend pas les entrepreneurs. Ce défi me semblait attirant et utile.
Avez-vous constaté une évolution dans le rôle de notre Chambre de Commerce ?
Son rôle devient de plus en plus politique. On est loin de la promotion du commerce comme on le faisait dans les années 1980. On est beaucoup plus dans la négociation. J’espère me tromper, mais j’ai l’impression que le monde de l’entreprise est presque constamment attaqué. En tout cas sur Bruxelles, avec un nombre important de décisions qui sont prises pour mettre des bâtons dans les roues du développement des entreprises. Le pire, c’est qu’on n’est même plus consulté. Une Chambre de Commerce n’a pas forcément la science infuse, mais il serait bon d’au moins écouter préalablement ses objections afin que des décisions soient prises en connaissance de cause. Même si elles donnent des milliers d’emplois et qu’elles contribuent largement au développement économique, il est bien connu que les entreprises n’ont pas le droit de vote.
La communication passe-t-elle mal entre politique et économique ?
Avec l’expérience, j’ai constaté que les gouvernements successifs, le pouvoir politique en général et les partis, quels qu’ils soient, connaissent mal ou pas du tout le monde de l’entreprise. Ou alors, ils en ont une vision tronquée. Ce sont deux mondes qui ne se comprennent pas, qui se regardent de travers. D’où l’importance d’une Chambre de Commerce qui sert de pont entre les deux.
Que vous ont apporté les présidences de la FEB et de BECI ?
J’ai toujours trouvé que les chefs d’entreprises avaient tort de rester confinés dans leur petit monde à eux. On peut s’enrichir de contacts extérieurs avec des confrères, des concurrents et des gens qui ont des activités professionnelles tout à fait différentes. On apprend énormément en ne restant pas sur son île déserte. On enrichit les autres de ses idées, mais on s’enrichit aussi des leurs. J’ai reçu beaucoup en termes d’inspirations, d’idées et d’échecs des autres. C’est très inspirant. Évidemment, le fait que Daoust soit cité lors de mes prises de position et interviews a rejailli sur la notoriété de l’entreprise que je dirigeais.
Quels messages adresseriez-vous aux (futurs) entrepreneurs ?
Dans ce climat morose, il faut une bonne dose d’optimisme et de courage pour entreprendre et continuer à entreprendre. J’ai un plaisir fou à voir des jeunes qui se lancent dans des projets avec des idées qui me paraissent extraordinaires, dans des nouvelles technologies auxquelles je ne comprends parfois rien du tout. Cela confirme que l’heure est au créatif, qu’on peut toujours rebondir dans un contexte qui n’est pas simple. Quel que soit leur sexe, leur origine, leur niveau de compétence ou de diplôme, je leur dis : ‘Chapeau ! Allez-y, entreprenez et continuez !’
« Il faut absolument tout faire pour les encourager et c’est notamment le rôle d’une organisation comme BECI ».
À propos de l’auteur
Julien Semninckx, Journaliste indépendant chez BECI