Martine Tempels dirige Telenet Business. Elle est aussi, ce mois-ci, la rédactrice en chef invitée de Bruxelles Métropole. Elle estime que les entreprises bruxelloises sont confrontées aux défis RH de l’intégration et de la diversité, sans oublier les aspirations de liberté des jeunes travailleurs dans leur carrière.
Quels sont les grands défis d’aujourd’hui, selon vous ?
Je constate le recul progressif du chômage à Bruxelles, d’année en année. De nombreuses initiatives positives guident les jeunes vers le marché de l’emploi. Je pense notamment aux formations numériques très accessibles qu’organisent MolenGeek et BeCode, ou encore les initiatives de mise à l’emploi chez Actiris. Le taux d’emploi est monté de 58 % en 2014 à 61 % l’année passée. C’est bon, mais encore trop lent. Un des défis consistera à gérer l’afflux de millennials et leur procurer de la satisfaction professionnelle.
Il y a pourtant pénurie sur le marché de l’emploi. Les entreprises se démènent pour attirer les talents. Quelle perception en avez-vous ?
Responsabilisons davantage les nouvelles générations, dès le stade du recrutement. À Bruxelles la cosmopolite, on se cramponne encore trop souvent au bilinguisme obligatoire français-néerlandais. Je reverrais ces exigences à la baisse, compte tenu du contexte international et multiculturel de la capitale, avec l’anglais comme ‘lingua franca’ dans de nombreuses entreprises. Je préconise par ailleurs davantage de coaching ‘on the job’ et d’attention pour les compétences des travailleurs. Plus une entreprise opte pour la diversité des profils, des intérêts et des qualités, plus elle gagne en intégration, créativité et innovation.
Les entreprises bruxelloises s’engagent-elles insuffisamment dans cette voie ?
Bruxelles n’exploite pas suffisamment sa belle diversité. Je prends l’exemple de KBC, avec 39 nationalités présentes dans son personnel. Le sait-on suffisamment ? Il a été prouvé que les entreprises qui jouent la carte de l’intégration sont plus performantes. La diversité élargit le champ de vision et ouvre de nouvelles perspectives.
Cela stimule l’innovation et améliore les résultats. Nous essayons, au sein de Telenet, d’intégrer totalement la diversité dans notre culture d’entreprise. Nous nous efforçons, à force de formations, de sensibiliser essentiellement les cadres moyens à la plus-value de la diversité. Ils pourront ainsi faire figure d’exemples et de modèles, et diffuser cette attitude au sein de leur équipe.
La diversité et l’intégration sont donc plus importantes que jamais ?
Oui, même si cela ne se fera pas du jour au lendemain. Un management intégré du personnel commence par une bonne gestion des talents. On les attire idéalement avec une politique de recrutement très ouverte. Des partenariats structurels avec des organisations de promotion de la diversité peuvent faciliter la démarche.
Sensibilisons aussi les recruteurs à cette dimension. Ou faisons appel à des recruteurs eux-mêmes issus de la diversité, ce qui conduit automatiquement à davantage d’ouverture. Par leur implantation dans la métropole, les entreprises bruxelloises détiennent tous les atouts pour tirer profit de cette situation. Je ne peux que le leur conseiller. D’autant plus que celui qui refuse aujourd’hui la diversité et l’intégration, aura le plus grand mal à survivre dans l’avenir.
Mais en soi, cela ne suffira pas à faire la différence ?
Non, les modes de travail doivent changer également, avec plus de flexibilité. Une nouvelle génération envahit le marché du travail. Elle veut travailler et gérer son temps de façon plus autonome. On doit donc lui permettre d’harmoniser au mieux la vie privée et le travail. Je vois des gens qui quittent Bruxelles en raison de problèmes de mobilité.
Les entreprises doivent davantage s’adapter à la façon dont la nouvelle génération perçoit le monde, faute de quoi, le jeune potentiel risque de leur échapper. Je recommande une culture d’entreprise davantage axée sur l’initiative, ainsi qu’un environnement de travail plus souple, avec du télétravail et des bureaux décentralisés, plus proches du domicile. Les start-ups s’alignent sur cette tendance. Elles ont bien compris l’enjeu.
Comment voyez-vous évoluer notre mode de travail, sur le plan des ressources humaines ?
Je vois surtout du potentiel dans le mode de travail ‘agile’, par lequel l’entreprise affecte des petites équipes multidisciplinaires à des projets spécifiques. C’est ce que nous faisons chez Telenet, avec succès d’ailleurs. Du coup, la communication change également ; elle se fait plus concrète. Les collaborateurs reçoivent davantage de liberté et de responsabilités. Ils ont envie de se développer davantage et de rester dans l’entreprise. Voilà où se trouve l’avenir, surtout dans une métropole telle que Bruxelles. Nous avons les atouts. À nous de les exploiter au mieux !
Réunion de rédaction avec, de gauche à droite : Cécile Huylebroeck (Conseillère Emploi Beci), Gaëlle Hoogsteyn (journaliste freelance), Emmanuel Robert (Media Coordinator Beci) et Frédéric Simon (Conseiller Social Beci).
De gauche à droite : Xavier Dehan (Sr Corporate Affairs Manager Telenet), Anaëlle Gokalp (Sr Marketing Manager Telenet), Martine Tempels (VP Telenet) et Peter Van Dyck (journaliste freelance).