Séduire pour mieux recruter

26 janvier 2019 par
BECI Community

Trouver la perle rare est un parcours du combattant pour les entreprises. En cause, entre autres : l’accès à Bruxelles, le bilinguisme et la digitalisation des emplois. Pour mieux recruter, les entreprises doivent se montrer plus séduisantes.

 

Karsten De Clerck, Managing Partner chez Egon Zehnder

« L’une des premières questions posées par un employeur à un candidat est désormais de savoir si venir tous les jours à Bruxelles est un problème. » Ce constat est posé par Karsten De Clerck, Managing Partner chez Egon Zehnder, cabinet spécialisé dans le recrutement des cadres dirigeants. En effet, la mobilité n’est plus seulement un problème pour les employés, c’est aussi une épine dans le pied du recruteur.

Aujourd’hui, dénicher la perle rare ne se résume plus à opérer un screening de CV pour embrayer vers les traditionnels entretiens d’embauche. Il faut être réactif et innover dans la manière de « vendre » un poste. « Cette difficulté de recruter la bonne personne se remarque assez fort pour les entreprises bruxelloises », assure Grégory Renardy, directeur de Michael Page Belgique. « Cela s’explique par trois raisons. D’abord le bilinguisme, voire le trilinguisme, relativement complexe à trouver, surtout si ce critère s’ajoute à un profil déjà rare. Citons également l’accessibilité de Bruxelles. C’est particulièrement vrai pour des candidats néerlandophones, qui ont du mal à accepter de venir tous les jours à Bruxelles, surtout que leur Région est économiquement forte. Enfin, l’ouverture internationale de Bruxelles et la forte taxation de l’emploi peuvent pousser certaines entreprises à délocaliser plutôt que d’engager localement. À valeur égale, un employeur va toutefois toujours privilégier un candidat résidant déjà en Belgique. » Ajoutez à ces difficultés la baisse du chômage et une véritable complexification du marché du travail. « En dix ans, le marché s’est énormément complexifié, notamment avec la création de jobs qui n’existaient pas au début des années 2000 », poursuit Grégory Renardy. « On ne cherche pas un simple responsable marketing ou informaticien, il y a désormais différents profils pour un même métier. Le marché est particulièrement tendu depuis trois ans environ. »

Grégory Renardy, directeur de Michael Page Belgique

70 % des employeurs estiment qu’il y a pénurie

Une étude publiée fin 2018 par le bureau d’intérim Tempo-Team annonce que « 70 % des employeurs en Belgique estiment qu’il y a une pénurie sur le marché du travail. » Selon les spécialistes que nous avons interviewés, il ne s’agit pas d’un ou deux secteurs en particulier mais d’un problème plus général. Parmi les fonctions problématiques, citons la gestion des risques, les top managers ou encore les services d’aide à la personne, comme les médecins ou les infirmières. Sans oublier les métiers liés aux nouvelles technologies et à la digitalisation. Face au manque de main d’œuvre qualifiée en Belgique, des candidats d’Asie ou d’Inde viennent régulièrement gonfler les rangs des entreprises.

Tous ces facteurs entraînent une situation paradoxale : « Le chômage baisse, mais nous nous retrouvons face à un chômage structurel », explique Karsten De Clerck. « Il existe un ‘mismatch’ entre l’offre et la demande. Pour une annonce publiée, nous recevons énormément de candidatures, mais les compétences sont rarement en rapport avec ce qu’on demande. » Comme l’explique Michel Verstraeten, spécialiste en gestion RH et professeur à l’ULB, « Les bons candidats sont beaucoup plus sollicités qu’avant car ils sont visibles sur les réseaux sociaux, tel LinkedIn. Ajoutez-y une certaine lenteur du processus de recrutement des entreprises, ce qui complexifie encore le processus. »

Michel Verstraeten, spécialiste en gestion RH et professeur à l’ULB

En parallèle, les motivations des candidats ont évolué. « Voici dix ans, ils avaient des exigences encore traditionnelles », estime Grégory Renardy. « Les motivations pour intégrer une entreprise tournaient autour de l’évolution de carrière, des responsabilités ou du salaire. Aujourd’hui, les futurs employés sont en quête de sens. Ils se posent des questions sur les valeurs de l’entreprise, l’équilibre entre vie privée et professionnelle, ou encore la possibilité de faire du télétravail. Ces exigences ne sont pas uniquement posées par les millennials ; elles concernent les candidats de tous âges. »

 

Offrir de la flexibilité

Comment trouver la perle rare dans un marché si étriqué ? « Il faut apprendre à connaître les exigences du candidat, en résumé le séduire », estime Karsten De Clerck. « Un futur employé recherche généralement plus de flexibilité : réduction du temps de travail, possibilité de démarrer la journée plus tôt pour terminer plus tôt. Aménager les horaires permettra par exemple d’attirer des candidats résidant en périphérie bruxelloise. »

Autre atout à valoriser dans une offre d’emploi : le transport. Pas seulement en proposant une voiture de fonction, mais aussi un leasing vélo ou un abonnement de train, par exemple. À Bruxelles, la question du logement n’est plus non plus à négliger. « Le coût du logement à Bruxelles devient également un problème majeur, surtout pour des jobs avec des salaires pas forcément élevés », précise Karsten De Clerck. « À Londres, les employeurs payent une prime pour les personnes qui logent en ville, prime qui peut être déplacée vers le transport en commun pour ceux qui habitent hors de la ville. »

Il n’y a toutefois pas de recette toute faite pour trouver le bon candidat. Nos experts l’assurent : le bouche-à-oreille ou le réseautage n’ont pas perdu en efficacité, pas plus que l’appel à un cabinet de recrutement. « Les agences de recrutement auraient pu disparaître avec l’arrivée de LinkedIn et des autres réseaux sociaux, mais je constate l’inverse, car nous avons une vraie plus-value, essentiellement basée sur l’humain », affirme Grégory Renardy. Selon l’étude Tempo-Team déjà citée, l’une des solutions pour résorber la pénurie serait de voir si l’employé a le profil de l’entreprise plutôt que si le candidat correspond au poste ou à la fonction (37 % des répondants). Une autre solution serait, pour le recruteur, de se concentrer davantage sur les talents ou les compétences que sur le diplôme (35 % des répondants).

 

Des robots qui facilitent le recrutement

Il n’est pas rare qu’une offre d’emploi publiée sur internet génère plus de 500 candidatures, dont 80 % sont souvent peu pertinentes. Pour accélérer le traitement des candidatures, certains responsables RH s’aident désormais de robots. Il s’agit plus concrètement de programmes qui examinent les CV grâce à des algorithmes et qu’on appelle généralement OSC (Outil de Suivi de Candidature). Ces programmes analysent les CV et écartent ceux qui sont trop éloignés de la fonction, en se basant par exemple sur les diplômes ou les compétences. Ils notent les profils pour fournir un classement au responsable RH. Le recruteur peut ainsi accorder plus d’importance à un facteur en particulier. « Le futur du recrutement serait ainsi de combiner le ‘big data’ avec ces programmes », estime le professeur Michel Vertsraeten (ULB). « Une grande entreprise pourrait analyser des infos dans un CV et les croiser avec des informations reprises dans d’autres bases de données. Un type de hobby pourrait par exemple mettre en avant la qualité d’un candidat. » Attention toutefois : selon une étude récente menée par l’agence d’intérim Tempo-Team, plus d’une entreprise belge sur dix utiliserait des robots pour évaluer les lettres de candidature… mais la moitié des candidats désapprouveraient ce système.

BECI Community 26 janvier 2019
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