La mobilité s’est révélée un élément central dans la campagne électorale que nous venons de vivre. Logique : cette problématique exerce une incidence directe sur la compétitivité des entreprises. Parmi celles-ci, toutes n’offrent pas des possibilités de télétravail ; la question risque donc de subsister tant que les pouvoirs publics ne proposeront pas de solutions structurelles aux défis croissants de la mobilité urbaine. Les parkings de dissuasion récemment ouverts, à Anderlecht par exemple, sont un premier pas, quoique l’on puisse estimer qu’ils se situent à un point trop avancé et qu’ils n’ont donc aucune incidence sur les interminables files matinales aux entrées de la capitale et, par conséquent, sur la pollution de l’air à Bruxelles.
L’idée de cette page est de recenser les idées – bonnes ou mauvaises – glanées autour de nous dans le domaine de la mobilité urbaine. Histoire d’inspirer ceux qui conçoivent et mettent en place les politiques en la matière.
Londres : les basses émissions tiennent le haut du pavé
Deux semaines à peine après avoir lancé une zone d’émissions ultra-basses dans le centre de Londres, le maire Sadiq Khan et l’autorité publique de tutelle Transport for London (TfL) viennent d’introduire des zones de bus à basses émissions dans les faubourgs londoniens de Lewisham, Stratford et Edmonton. Il s’agit d’une phase préliminaire à l’extension d’une telle zone sur le réseau entier, impliquant la transformation de l’ensemble de la flotte à l’horizon 2020. À l’heure actuelle, la capitale britannique présente déjà l’une des zones de bus à basses émissions les plus étendues d’Europe. À l’échéance prévue, 90 % des émissions de NOx auront disparu et la totalité des bus à un seul étage seront certifiés « zéro émission ». Les 9000 bus qui constituent la flotte londonienne, tous opérateurs confondus, le seront également au plus tard en 2037.[1] À signaler que dès l’an prochain, 20 bus à impériale roulant à l’hydrogène seront lancés.
La puce fait sauter le ticket
Oubliez le Navigo parisien, l’Octopus de Hong-Kong, l’Oyster de Londres ou la Mobib bruxelloise. Voici venir le système universel de paiement des transports grâce à votre carte bancaire « contactless » ou votre smartphone NFC (Near Field Communication – communication en champ proche, une puce qui permet l’échange d’informations entre deux appareils équipés). Selon La Vie du Rail (mars 2019)[2], les opérateurs réaliseront une économie de 10 à 15 % sur leurs coûts d’exploitation. Le débit aux heures de pointe s’améliorera, le temps passé à valider son titre de transport étant réduit à une simple identification sur un capteur d’entrée sans que les voyageurs n’aient à ralentir. Les chauffeurs étant désormais libérés de toute vente de billets, la vitesse commerciale sera renforcée. La seule chose qui pourrait freiner la mise en place de ce système entièrement numérique sera la capacité des grands groupes qui fournissent aujourd’hui les portiques et les distributeurs de billets à apprivoiser cette avancée technologique sans que cette mutation n’ait de conséquences sur leur rentabilité actuelle. Une tâche d’autant plus ardue que des start-up comme Mybus, Atsuké ou Airweb pour n’en citer que quelques-unes, n’ont pas attendu que les mastodontes du secteur s’adaptent pour proposer des solutions efficaces, dont certaines présentent pour l’opérateur un coût de développement proche de… zéro. En France, certaines nouent un partenariat direct avec les opérateurs de transport comme Gemalto, associée avec Orange, la RATP et la SNCF dans une JV baptisée Wizway. Cette dernière utilise la norme Calypso (déjà présente dans le Pass Navigo ou la carte Mobib) combinée avec la technologie NFC. Dans la mesure où la plupart des voyageurs gardent leur mobile à la main en toute circonstance, ce système ne manque pas d’à-propos.
Rafraîchir le « train des primeurs » ?
Gouverner c’est prévoir, dit l’adage. À force de ne pas vouloir renouveler périodiquement leur flotte de 82 wagons réfrigérés, les transporteurs Roca et Rey, qui exploitent depuis 2007 le célèbre « train des primeurs » qui livre quotidiennement les fruits et légumes frais au marché péri-urbain de Rungis, ont annoncé vouloir mettre la clé sous le ballast à l’expiration de leur concession, fin juin 2019. Les 400.000 tonnes de produits frais transportés chaque année seraient dès lors livrés par la route, précipitant 25.000 camions annuels dans un trafic déjà saturé, avec les impacts environnementaux que l’on imagine. Roca et Rey ont annoncé ne pas vouloir faire l’investissement total chiffré à 20 millions d’euros pour 82 nouveaux wagons en remplacement des unités en fin de vie, ni celui de les louer, estimant que cela ne serait pas rentable. La levée de boucliers, tant des grossistes de Rungis que des défenseurs de l’environnement, semble avoir provisoirement porté ses fruits. Vendredi 17 mai, le ministère français des Transports a annoncé que le train transportant fruits et légumes de Perpignan à Rungis sera finalement maintenu au-delà du mois de juin. L’idée est de trouver une solution permettant de faire la soudure jusqu’au lancement d’une autoroute ferroviaire entre Barcelone, Perpignan et Rungis, à l’horizon 2022. L’autoroute ferroviaire consiste à mettre des camions entiers sur des trains et les relâcher à proximité de leur destination finale pour « the last mile », comme on dit dans le jargon des pros du fret. Pour paraphraser Henri IV, au pays du bien-manger, « Rungis vaut bien un train »…
Par Yves Kengen, journaliste
[1] https://www.intelligenttransport.com/transport-news/78893/tfl-low-emission-bus-zones/
[2] https://www.ville-rail-transports.com/dossiers/la-revolution-billettique/, article payant