Voici peu, l’idée d’une taxe kilométrique suscitait beaucoup de réticences, mais de plus en plus d’entreprises entrevoient les atouts d’une taxe définie en fonction de l’endroit, du moment, de la distance parcourue et du niveau de pollution du véhicule. Faudrait-il la combiner à une taxation zonale ?
Pour
Tim Cassiers, collaborateur mobilité et qualité de l’air à l’ASBL Bral
Nous estimons qu’il faut taxer tout déplacement motorisé, aussi court soit-il, dans un environnement urbain. Il ne s’agirait pas d’un cordon qui n’imposerait que ceux qui rentrent dans Bruxelles, les navetteurs donc. Nous considérons qu’une taxation zonale est une priorité absolue pour la mobilité dans une ville telle que Bruxelles, où il est aisé d’utiliser d’autres modes de transport. Celui qui veut éviter cette taxe urbaine laissera par exemple son véhicule sur le parking d’une station RER.
La gestion de la taxation zonale incombe à la Région bruxelloise, qui peut instaurer cette taxe même si la Wallonie et la Flandre n’emboîtent pas le pas. Nous ne sommes pas a priori opposés à une taxation kilométrique intelligente, pour autant qu’elle se combine à la taxation des déplacements au sein même de la ville. Le bien-être et la qualité de l’air ont autant d’importance que la résolution des encombrements routiers.
L’engorgement du trafic sur le Ring de Bruxelles pourrait inciter à taxer lourdement, mais il ne faudrait pas provoquer un détournement du trafic via les quartiers résidentiels. La combinaison avec une taxation zonale empêchera les gens de s’infiltrer dans la ville. L’usager de la route doit comprendre ce qu’on attend de lui. Il ne peut donc être question d’un modèle dont la multiplicité des paramètres sème la confusion. Or, une taxation zonale a l’avantage de la clarté : nous voulons moins de déplacements motorisés en ville. Nous constatons d’ailleurs qu’une telle taxation zonale exerce un impact positif sur le commerce de détail à Stockholm. Nous pensons en outre qu’il deviendrait plus attrayant pour les entreprises d’investir en ville si nous nous attaquions à la prédominance écrasante de l’automobile.
Contre
Joost Kaesemans, directeur de la communication à la Febiac
Plus de 50 % des taxes automobiles ont trait à la possession du véhicule, sans tenir compte de sa fréquence d’utilisation. Cela doit changer. Si les gens comprennent qu’ils font des économies quand ils délaissent leur voiture, une rationalisation devient possible. Dans les zones et aux heures où il y a suffisamment d’alternatives, la taxe kilométrique intelligente doit rendre l’usage de la voiture peu attrayant. Il est logique de payer davantage quand on circule en voiture en ville pendant la journée, mais il n’est pas indispensable de décourager totalement l’usage de la voiture. Il faut le tolérer en heures creuses.
Le concept d’une taxation zonale nous semble par ailleurs moyenâgeux. Une ville n’est une ville que si elle combine diverses fonctions : habitat, travail, commerce et détente. Environ un tiers des automobilistes ont plus de 60 ans. N’attendez pas d’eux qu’ils fassent tout à vélo, a fortiori dans le trafic bruxellois. Et puis, les transports en commun ou le vélo ne sont pas toujours idéaux pour faire du shopping.
Le péage urbain est une complication inutile. Si des habitants du Pajottenland veulent se garer en périphérie et prendre les transports en commun pour éviter le péage, qui aménagera les infrastructures nécessaires ? Je me désespère du manque de places de stationnement au terminus du métro, à l’hôpital Érasme. Une taxe kilométrique intelligente me laisserait le choix d’entrer en ville jusqu’à un endroit où je pourrais prendre le tram ou le bus. En cas de péage urbain, je serai en revanche traité de la même façon que celui qui traverse toute la ville en voiture. L’exemple de Londres démontre qu’une taxation zonale revient à construire un mur autour de la ville. Avec pour corollaire d’avoir souvent besoin de plus de temps pour rejoindre la destination finale.