Accident de travail en période de télétravail – l’employé est-il assuré ?

7 janvier 2021 par
BECI Community

[article invité]

Les chiffres du SPF Mobilité et Transports démontrent en 2018 que 17% des employés font du télétravail. Sans surprise, ces chiffres sont plus élevés en 2020. À la suite de la crise sanitaire du Covid-19, de nombreuses entreprises ont dû mettre en place le télétravail à domicile.

En pratique, le télétravail soulève certaines questions. Dans cette contribution, la question de la protection des salariés victimes d’un accident pendant leurs heures de travail prestées à domicile sera abordée.

Assurance obligatoire contre les accidents de travail

La loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail répond à cette question. Celle-ci oblige tout employeur à souscrire une assurance contre les accidents qui surviennent à un travailleur dans le cours et par le fait de l’exécution de son contrat de travail.

Afin de répondre à d’éventuels problèmes de preuve, la loi prévoit une présomption selon laquelle l’accident survenu dans le cours de l’exécution du contrat de travail est présumé, jusqu’à preuve du contraire, survenu par le fait de cette exécution. Grâce à cette présomption, l’employé victime d’un accident sur son lieu de travail pourra demander l’intervention de l’assureur relativement facilement.

Présomption légale

Les choses se complexifient lorsque l’employeur télétravaille depuis son domicile. En effet, dans ce contexte, l’employé dispose d’une plus grande liberté : son temps de travail est plus flexible, il a la possibilité de travailler depuis différents endroits, etc. En outre, les témoins sont rares pour confirmer si l’employé a effectivement subi ou non l’accident durant ses heures de travail.

Le législateur a anticipé ces problématiques et a, dès lors, introduit une présomption légale spécifique en faveur des télétravailleurs. Dans le cadre du télétravail, l’accident survenu au télétravailleur est présumé, jusqu’à preuve du contraire, survenu pendant l’exécution du contrat de travail.

Tant le télétravailleur structurel (c’est-à-dire la personne qui travaille en dehors des locaux de l’employeur de façon régulière et non occasionnelle, conformément à la Convention collective de travail n°85 du 9 novembre 2005) que le télétravailleur occasionnel (c’est-à-dire la personne qui travaille en dehors des locaux de l’employeur de façon occasionnelle et non régulière, conformément à la loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable) sont visés par cette présomption légale.

La qualification du télétravail durant la crise sanitaire de la Covid-19

Depuis le 2 novembre 2020, le télétravail à domicile est redevenu obligatoire dans toutes les entreprises, associations et services pour tous les membres du personnel, sauf si c’est impossible en raison de la nature de la fonction, de la continuité de la gestion de l’entreprise, de ses activités ou de ses services.

Un certain débat survient sur la question de savoir si ce type de télétravail prévu par arrêté ministériel est une nouvelle forme de télétravail à domicile ou s’il est couvert par les réglementations existantes relatives au télétravail structurel ou occasionnel.

D’importants auteurs affirment que le télétravail né dans le contexte de la Covid-19 devrait être qualifié de télétravail structurel ou occasionnel, selon les cas. C’est finalement la base sous-tendant le télétravail qui sera déterminante. Selon ces auteurs, le télétravail peut être considéré comme occasionnel s’il repose sur une obligation légale (comme celle imposée par arrêté ministériel par exemple). En revanche, le télétravail sera considéré comme structurel s’il repose sur une politique d’entreprise structurée.

En tout état de cause, il est désormais admis que les télétravailleurs, dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19, peuvent également bénéficier de la présomption légale prévue en cas d’accident de travail.

Document autorisant le télétravail

Toutefois, pour invoquer cette présomption légale, le télétravailleur victime d’un accident de travail doit prouver, par tout document écrit, qu’il avait l’autorisation de télétravailler. Cela vaut également pour le télétravail établi dans le cadre des mesures Corona.

A défaut d’un tel document, le télétravailleur pourra bénéficier d’une assurance contre les accidents du travail s’il démontre que l’accident s’est produit en cours de l’exécution de son contrat de travail et par le fait de cette exécution. Il est, dès lors, préférable d’obtenir un document écrit autorisant le télétravail afin d’éviter de tels problèmes de preuve. Ce document peut être collectif pour l’ensemble des employés (comme un règlement de travail, un règlement de télétravail, etc.) ou individuel pour un employé en particulier (un avenant au contrat de travail, un e-mail, etc.). En outre, l’employeur peut tout à fait conclure des conventions dérogatoires ponctuelles à ce sujet (spécifiques pour le télétravail dans le cadre de la Covid-19 par exemple).

Il est recommandé que cette autorisation écrite précise le lieu et la durée dans lesquels le télétravail doit être effectué. La présomption s’appliquera alors pour ces lieux et périodes spécifiés. A défaut de telles mentions, la présomption s’appliquera à la résidence ou sur le ou les lieux dans lesquels le télétravailleur effectue habituellement son télétravail. La présomption sera également limitée aux accidents qui surviennent pendant les heures de travail que le télétravailleur devrait prester s’il était occupé dans les locaux de l’employeur.

Enfin, pour éviter d’éventuels problèmes ultérieurs en matière de droit des assurances, l’employeur est tenu d’informer son entreprise d’assurance afin qu’elle dispose des informations nécessaires à l’évaluation correcte du risque.

Pas de présomption absolue

Si le télétravailleur victime d’un accident du travail remplit les conditions susmentionnées, la présomption légale prévue pourra être invoquée et une indemnisation de l’assureur pourra être obtenue sans difficulté.

Cependant, cette présomption n’est pas absolue. L’assureur peut toujours refuser son intervention s’il démontre que l’accident n’est pas survenu au cours de l’exécution du contrat de travail et par le fait de cette exécution. L’assureur doit prouver que l’accident était sans lien avec le travail, les conditions de travail ou encore l’environnement de travail.

Les accidents survenus sur le chemin du travail sont également couverts

Le télétravailleur est également couvert pour tout accident du travail. Cela inclut les accidents survenus sur le chemin du travail, c’est-à-dire lors du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution du travail et inversement.

Il n’est pas correct de penser que le télétravailleur ne peut faire de tels déplacement (puisqu’il travaille à domicile). En effet, le télétravailleur peut toujours préférer un autre lieu que son domicile pour télétravailler. Dans ce cas, tout accident qui survient sur le trajet à destination et en provenance du lieu choisi par le télétravailleur peut être considéré comme un accident survenu sur le chemin du travail.

En outre, le législateur assimile explicitement certains déplacements au chemin du travail. Ainsi, le télétravailleur qui télétravaille à domicile sera couvert pour les accidents se produisant sur le chemin de l’école ou lieu de garde de son enfant. Est également assimilé au chemin du travail, le trajet parcouru vers le lieu où le télétravailleur prend ou se procure son repas, et inversement.

Conclusion

L’employeur qui souhaite introduire la pratique du télétravail dans son entreprise doit prendre en compte un certain nombre d’éléments importants. Dans le contexte des accidents du travail, la production d’accords écrits et clairs n’est pas à sous-estimer. Sans autorisation écrite, l’employé risque d’être confronté aux différentes problématiques de preuve exposées ci-avant.

 

À propos des auteurs

Kiandro Lebon, Avocat, Schoups & Sara Cockx, Avocate, Schoups

BECI Community 7 janvier 2021
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