[article invité]
À compter du 10 novembre 2022, les employeurs du secteur privé sont tenus de remplir de nouvelles obligations en termes de formation du personnel, découlant de la transposition, en droit belge, de la Directive européenne relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles.
D’une part, les employeurs devront fournir des formations gratuitement aux travailleurs, lorsque celles-ci sont nécessaires à la fonction et imposées par la loi ou la réglementation, d‘autre part, ces formations ne pourront pas faire l’objet d’une clause d’écolage.
Ces nouvelles dispositions sont l‘occasion de jeter un coup de projecteur sur la clause d’écolage et d’interroger son rôle dans la rétention des talents, particulièrement pour certaines fonctions critiques.
Qu’est-ce qu’une clause d’écolage?
Une clause d’écolage est une clause insérée dans le contrat de travail (ou dans un avenant à celui-ci) par laquelle le travailleur bénéficiant d’une formation aux frais de l’employeur, s’engage à rembourser à ce dernier une partie des frais de formation, en cas de départ avant l’expiration d’une période convenue.
Concrètement, elle permet, au travailleur de bénéficier d’une formation payée par l’employeur, et à l’employeur de s’assurer un certain « retour sur investissement », particulièrement dans un marché du travail en tension.
Pour pouvoir s’appliquer, une telle clause doit toutefois répondre à une série des conditions très strictes, définies à l’article 22bis de la loi du 3 juillet 1978, parmi lesquelles:
- Un contrat à durée indéterminée, entamé depuis plus de 6 mois,
- Faire l’objet d’un écrit, comportant des mentions obligatoires,
- Une rémunération annuelle (salaire, double pécule, primes et avantages) supérieure à 36.785 EUR brut (montant 2022),
- Une formation d’au moins 80 heures et dont le coût est supérieur à deux fois le revenu minimum mensuel moyen garanti, soit 3.612,32 EUR (montant 2022),
- Une durée de la clause proportionnelle à la formation, de maximum 3 ans,
- Un montant du remboursement plafonné à certains seuils suivant le moment du départ,
- Le travailleur démissionne ou est licencié pour motif grave.
De plus, la clause ne peut porter sur une formation qui se situerait dans le cadre réglementaire ou légal requis pour l’exercice de la profession pour laquelle le travailleur a été engagé.
Professions en pénurie
Une exception importante à cette dernière condition (et à celui du seuil de rémunération annuelle) est toutefois prévue pour les professions en pénurie dont la liste est établie par les Régions. Dans ce cas, la clause pourrait s’appliquer quand bien même la formation se situerait dans le cadre réglementaire ou légal requis pour l’exercice de la profession pour laquelle le travailleur a été engagé.
Prenons l’exemple d’un cabinet comptable bruxellois qui manquerait en interne d’un expert-comptable et proposerait à l’un de ses collaborateurs d‘évoluer vers cette fonction, moyennant prise en charge complète de sa formation. Les parties pourraient conclure une clause d’écolage, même s’il s’agit d’un accès à la profession «réglementé», que la formation est nécessaire pour la fonction, et la rémunération du travailleur est inférieure à 36.785 EUR brut par an, puisque la fonction est reprise sur la liste des professions critiques d’Actiris. Il en irait de même pour une formation d’infirmier ou d’électricien, par exemple.
Nouvelles conditions de travail transparentes et prévisibles
La loi du 7 octobre 2022 transposant partiellement la Directive européenne 2019/1152 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles, publiée au Moniteur Belge du 31 octobre 2022, a introduit une série de changements importants en droit du travail belge.
Parmi ceux-ci, l’obligation pour l’employeur, à l’article 21 de cette loi, de fournir des formations gratuitement au travailleur, en principe pendant les heures de travail, lorsque ces formations sont:
- Nécessaires à sa fonction et
- qu’elles doivent être organisées par l’employeur en application d’une loi ou d’une convention collective de travail.
Ces nouvelles dispositions ajoutent un paragraphe 9 à l‘article 22bis de loi du 3 juillet 1978 relative les contrats de travail, lequel précise que ces formations ne pourront faire l’objet d’une clause d’écolage.
À titre d‘exemple de telles formations nécessaires à la fonction imposées par une loi ou une convention collective de travail, on pourrait citer une formation à la sécurité de base pour un travailleur de la construction (en CP n° 124) ou un certificat ADR (transport de marchandises dangereuses) pour un chauffeur routier.
Mais en pratique, les formations à une profession critique et dont l’accès est réglementé (électricien, expert-comptable, infirmier, etc.) pourraient être également tomber dans le champ de cette interdiction de la clause d’écolage, dès lors que ces formations sont également nécessaires à la fonction et requises par la réglementation.
Dans ce cas, la clause d’écolage prévue dans le contrat de travail ne serait plus applicable au travailleur qui, par exemple, déciderait de démissionner une fois sa formation terminée.
Conclusion et recommandations
La loi du 7 octobre 2022 apporte une limitation supplémentaire à l’application des clauses d’écolage, à laquelle les employeurs doivent être attentifs.
Il n’est pas exclu que l’application d’une clause d’écolage portant sur une formation à une profession critique et dont l’accès est réglementé puisse être contestée par le travailleur, sur base de ces nouvelles dispositions.
Les parties qui envisagent l’inclusion d’une telle clause d’écolage dans le contrat de travail devront faire preuve de la plus grande prudence, d’autant que le non-respectdes nouvelles obligations découlant de la loi précitée peut faire l’objet de sanctions.
À propos de l’auteur
Johan Collard, Associate Osborne Clarke
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