Trop souvent, le passage en société est décrit comme une solution obligée parce que fiscalement avantageuse, et qu’il faudrait adopter sans réfléchir. Avec la réforme de l’Isoc attendue pour 2018, l’on annonce à grand fracas que le gouvernement veut décourager les indépendants de passer en société. Qu’en est-il vraiment ?
Le passage en société est une solution complexe. Les matières qui doivent entrer en ligne de compte sont comme les pièces d’un puzzle : chacune a son importance et toutes sont indispensables – citons notamment les droits comptable, commercial, fiscal et social.
Dans la plupart des cas, il est vrai que le passage en société des professions libérales et des indépendants permet de défiscaliser et désocialiser leurs revenus professionnels, tout en optimisant les différentes formes de rémunération possibles. Pourtant, d’autres aspects doivent être étudiés : responsabilité limitée, droit patrimonial, perspectives successorales, cash-flow, etc.
L’avantage le plus apparent résulte de la différence de taux entre impôt des personnes physiques (IPP) et impôt des sociétés (Isoc).
À partir de quel niveau de revenus est-il avantageux de passer en société ? La constitution d’une société permet de répartir les bénéfices ou profits entre la personne physique, devenue dirigeant(e) d’entreprise (seuls ces revenus sont sujets à des cotisations sociales d’indépendants), et la société, qui ne paie pas de lois sociales[1], et qui bénéficie du taux réduit de l’Isoc (sous réserve du respect de la règle dite des 36.000 €[2]). La réponse dépend de la situation personnelle de chacun avant son passage en société :
- La situation patrimoniale privée : il n’est pas rare qu’une personne dispose d’un bien immobilier qu’elle utilise préalablement comme habitation ; pour payer son emprunt (et assurer son train de vie), elle sera obligée de retirer une rémunération en tant que dirigeant de sa société. Si celle-ci absorbait tout le bénéfice de la société, tous les avantages décrits ci-dessous n’existent tout simplement plus ;
- La situation familiale : les taux de taxation moyens d’un contribuable diminuent en fonction du nombre de personnes à sa charge.
Avantages et inconvénients
Il existe de nombreux avantages, fiscaux ou non, liés au passage en société. Ainsi, les sociétés créées à partir du 1er juillet 2013 peuvent bénéficier d’un précompte mobilier de 15 % (au lieu de 33 %) en cas de distribution d’un dividende. En outre, l’un des avantages en nature les plus fréquemment attribués est l’utilisation d’une voiture de société. Tous ces éléments constituent « les formes alternatives de rémunérations ».
Certains éléments méritent toutefois réflexion. Par exemple, la cessation d’une activité en personne physique s’accompagne généralement de la cession des actifs corporels et incorporels investis dans l’entreprise. Faut-il valoriser un goodwill ? Pas nécessairement.
Par ailleurs, il faut se méfier de certains leurres. Ainsi, la dissolution d’une société qui possède des biens immobiliers donne lieu à la perception d’un droit de partage (enregistrement) réduit à 1, voire 0 %. On oublie trop souvent qu’il existera une plus-value, taxable à l’Isoc, souvent au taux plein.
Quant aux inconvénients, rappelons la rigueur du Code des sociétés (dont la réforme est en cours) : un plan financier doit être établi, les sociétés qui ne procéderaient pas à la publication de leurs comptes annuels risquent leur dissolution judiciaire… Les frais de fonctionnement sont plus élevés que pour une structure en « personne physique ». La comptabilité d’une société nécessite souvent de recourir aux services d’un professionnel. Sans oublier certains frais (acte constitutif, inscription à la Banque-Carrefour des entreprises…).
Bref, avant de franchir le pas, faites-vous conseiller…
[1] Sauf la cotisation mise à charge des sociétés de 347,50 ou 822,50 € en fonction du total du bilan.
[2] Avec la réforme Isoc, l’on évoque une rémunération de 45.000 €