Des travaux de voirie à la rénovation d’une école en passant par l’achat de fournitures, l’entretien des parcs, l’élagage des arbres ou la construction de bâtiments administratifs… : dans une commune, tout ou presque passe par les marchés publics. Mais concrètement, comment cela se passe-t-il ? Trois expertes répondent.
Dans une commune, tout ou presque dépend des marchés publics. De l’achat d’ordinateurs à la rénovation d’un gymnase, en passant par les assurances, l’énergie et la gestion des déchets, une commune ne pourrait pas fonctionner sans les marchés publics. Au sein de la commune d’Ixelles, par exemple, 500 marchés publics sont en moyenne passés chaque année pour un montant total d’environ 25 millions d’euros. Et si l’ensemble des communes sont confrontées à la réglementation des marchés publics, toutes ne le vivent pas de la même façon. « À Ixelles, nous avons la chance d’avoir des experts en marchés publics au sein de l’administration. Nous avons une centrale d’achats, un visa en marchés publics et un service de contrôle interne. Ces experts peuvent aider les agents à mener leurs dossiers à bien », explique Isabelle Paiva, Directrice du service Contrôle Interne à la Commune d’Ixelles.
Pour les communes qui ne bénéficient pas de cette expertise, la gestion des marchés publics peut devenir rapidement complexe. Marie-Pascale Fantuzzi, en charge de la Direction des marchés publics locaux de Bruxelles Pouvoirs Locaux (BPL), estime que, pour pouvoir passer convenablement et efficacement un marché public, il faut avoir la formation nécessaire. « C’est en effet une matière très technique et qui évolue en permanence. Il faut sans cesse se mettre à jour par rapport à la réglementation et à la jurisprudence. Il est donc vraiment essentiel que les agents puissent accéder à un maximum de formations. » Pour elle, c’est primordial, d’autant que les risques de recours sont importants, avec parfois de grosses sanctions financières à la clé. « Les communes doivent donc être très vigilantes pour limiter autant que possible le risque de recours. À côté du risque de recours en justice, il existe aussi le risque d’une mesure de tutelle (suspension de l’exécution et/ou annulation) prise dans le cadre de la tutelle administrative exercée par la Région bruxelloise (via BPL). »
D’importants défis à relever
En dehors de la formation des agents, une bonne gestion des marchés publics dans les communes implique aussi de relever un certain nombre de défis.
Le premier, et pas le moindre, est le turnover très élevé des agents. « Nous rencontrons en effet des difficultés à garder des agents formés en la matière », déclare Isabelle Paiva. « Les salaires des pouvoirs locaux ne sont pas suffisamment concurrentiels avec d’autres pouvoirs adjudicateurs et encore moins avec le privé. Quand les agents sont bien formés, ils sont vite débauchés. Nous devons donc sans cesse recruter et réinvestir dans la formation de nouveaux agents. »
Deuxième défi : une charge de travail importante. Si les communes avaient plus de temps, elles pourraient faire davantage de recherches et de consultations préalables pour avoir une meilleure compréhension de ce que le marché peut leur offrir. « Malheureusement, souvent les agents n’ont pas l’occasion d’y consacrer autant de temps que nécessaire et cela se reflète dans la qualité des dossiers », indique Mme Fantuzzi. Et c’est dommage, car la recherche du meilleur rapport qualité/prix et la mise en concurrence effective des marchés publics devraient constituer deux des principaux objectifs des pouvoirs adjudicateurs. À Ixelles toujours, 75 % des marchés publics passés par la commune sont inférieurs au seuil de 30.000 euros et ne doivent donc pas être publiés au Moniteur Belge. « Toutefois, il nous arrive régulièrement de publier les petits marchés sur la plateforme Freemarket », précise Isabelle Paiva. « Nous le faisons pour ne pas toujours interroger les mêmes opérateurs économiques et pour élargir l’accès à la commande publique au plus grand nombre. »
Last but not least, en Région bruxelloise, tout ce qui nécessite une publication officielle doit être disponible dans les deux langues. Dans certains domaines, cela nécessite parfois de maîtriser un vocabulaire spécifique ou très technique.
Vers une mutualisation des compétences
Dans sa pratique, Marie-Pascale Fantuzzi constate qu’on demande souvent à des agents qui ne sont pas spécialistes en la matière de passer des marchés publics. Et cela augmente le risque d’erreur. Pour l’experte, professionnaliser la fonction d’acheteur public pourrait en partie résoudre cette problématique : « C’est un sujet qui est actuellement au cœur des préoccupations de l’Europe et des réflexions commencent à descendre au niveau fédéral. »
En plus de la formation, d’autres pistes de solutions sont à explorer. Les agents d’une commune peuvent soumettre tout marché public dont ils ont la charge à l’avis d’un spécialiste qui travaille en interne ou dans un autre pouvoir local, mais ils peuvent aussi demander conseil auprès des agents de la Direction des marchés publics locaux de BPL. La commune peut aussi décider de confier ses commandes à une centrale d’achats interne ou externe. Une autre possibilité consiste pour plusieurs communes à passer un marché conjoint. Les communes partagent ainsi leurs ressources, leur expertise et leurs compétences.
Un Groupe de Travail et d’Information pour vous aider
Le partage des connaissances et de bonnes pratiques est aussi le but poursuivi par le Groupe de Travail et d’Information en marchés publics (GTI MP). Depuis 2009, à l’initiative d’Ixelles, en collaboration avec la commune d’Evere et avec le soutien de la Région bruxelloise via BPL, le GTI MP rassemble les personnes en charge de la gestion des marchés publics de l’ensemble des communes, des CPAS et des zones de police bruxellois. « Nous nous adressons à tous les travailleurs du secteur qui sont confrontés à des questions dans le cadre de l’exercice de leur fonction », explique Martine Draps, Coordinatrice du GTI.
« Quatre fois par an, nous organisons des réunions plénières durant lesquelles des spécialistes interviennent à propos de thématiques en lien avec notre métier. Lors de la dernière séance, par exemple, nous avons abordé la problématique liée aux marchés de services juridiques. » Ces exposés sont toujours suivis d’une séance de questions-réponses et, pour Martine Draps, c’est à cette occasion que l’on sent un réel besoin d’information de la part des participants. « Ceux-ci apprécient de pouvoir échanger à propos des difficultés qu’ils rencontrent mais aussi de partager les bonnes pratiques. » Dans ce cadre, les communes, CPAS et zones de police peuvent notamment demander au GTI MP des exemples de cahiers des charges, afin de ne pas partir de zéro et de gagner du temps. « Nous nous positionnons comme un grand réseau d’experts en marchés publics qui s’entraident pour les mener à bien », avance la coordinatrice, qui constate par ailleurs que les demandes augmentent continuellement. À noter également qu’un colloque portant sur un thème d’actualité se tient chaque année vers le mois d’octobre. Isabelle Paiva confirme que l’aide apportée par le GTI MP est très précieuse : « Aujourd’hui, nous ne pourrions plus nous en passer », conclut-elle.
Du nouveau !
Suite à l’ordonnance conjointe à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Commission communautaire commune sur la transparence des rémunérations et avantages des mandataires publics bruxellois du 14 décembre 2017 (art. 7, § 1er, al. 2), un rapport comprenant un inventaire de tous les marchés publics conclus par la commune, précisant pour chaque marché les bénéficiaires et les montants engagés, devra être publié annuellement sur le site internet communal, dans les six mois de la fin de chaque année civile.