Si les grandes foires cherchent encore un second souffle, les salons B to B retrouvent des couleurs. Le secteur se transforme, la concurrence internationale s’aiguise…et Bruxelles se positionne.
Les fans belges de quatre roues sont heureux. Le mois de janvier qui vient de s’écouler aura été celui du grand retour du Salon de l’Auto de Bruxelles, après deux ans d’absence. Porté par un marché de la vente au particulier qui a retrouvé des couleurs – il fût en hausse de 15% en 2024 – le salon enregistrait, à l’heure d’écrire ces lignes, une augmentation de plus de 25% des ventes de tickets comparé à l’édition précédente.
Dans les prochaines semaines, ce sera autour de Batibouw, l’autre grand salon bruxellois, d’ouvrir ses portes. L’an dernier, près de 175.000 visiteur·euses avides de construire ou d’aménager leur logement avaient poussé ses portes, soit 10% de plus qu’en 2023. Un bilan là aussi à la hausse, donc, et sur lequel les organisateurs espèrent capitaliser cette année.
Le secteur revient, en vérité, de très loin…. Un coup d’œil aux chiffres portés par nos confrères de l’Echo indique ainsi qu’entre 2006 et 2023, Batibouw a perdu 56% de ses visiteurs. Quant au Salon de l’Auto, sa « version réduite » de 2023 avait connu une fréquentation de 40% inférieure aux précédentes éditions du même type, tenues en 2015, 2017 et 2019.
Nouveaux modèles
Sans surprise, les années COVID en particulier ont porté un rude coup aux organisateur·rices de ces grands rassemblements. Au-delà des annulations de tous les événements de taille entre 2020 et 2021, la pandémie aura profondément accéléré une tendance déjà à l’œuvre. Sous l’effet de la digitalisation, les modes de rencontres, de consultation et de consommation ont en effet bien changé, ringardisant rapidement la façon dont les salons étaient conçus il y a dix ans encore.
Challengés par ces nouvelles réalités, les organisateur·rices d’événements ont fait évoluer leur modèle, testant sans cesse de nouvelles formules afin de réattirer les chalands.
Les changements sont aussi à l’œuvre dans le domaine des salons professionnels dont la société bruxelloise Easyfairs s’est fait une spécialité. Devenue un important acteur international au chiffre d’affaires de 260 millions d’euros par an, elle organise 110 salons par an à travers l’Europe, couvrant une douzaine de secteur. Une trentaine ont lieu en Belgique dont six à Bruxelles. « Aujourd’hui, le succès d’un salon résulte d’une très grande proximité avec sa communauté », explique Anne Lafère, sa CEO. Il s’agit de connaître au mieux les défis des professionnel·les afin de concevoir des contenus – conférences, débats, formations… – et qui répondent réellement à leurs attentes, qu’elles soient commerciales, techniques, politiques ou réglementaires.
Juste dosage
Autre enjeu clé, refléter au mieux les évolutions du secteur. « On doit retrouver parmi les acteurs présents à la fois les leaders de marché et les start-ups innovantes qui permettent aux participants de projeter leur business dans l’avenir », insiste encore la CEO. Sans départir bien sûr le salon de sa vocation commerciale. « A chaque salon correspond un juste dosage entre l’éducationnel, le networking et la vocation purement transactionnelle, car il s’agit aussi de remplir des bons de commandes », précise ainsi Anne Lafère.
Fréquentation au niveau pré-Covid
A cet égard, la dirigeante note que si le digital s’est réellement imposé dans les activités d’information de formation, il n’en va pas de même pour le networking et la conclusion d’affaires. « Ce que le COVID nous a appris de positif, c’est que rien ne remplace le contact physique. Après l’épidémie, le rebond a été instantané », se réjouit-elle. « Les chiffres de fréquentation sont très bons. Nous sommes revenus à des niveaux identique au pré-Covid », confirme Gaëtan Lachapelle, Général Manager Belux de Promosalons, le réseau de promotion internationale des salons professionnels français.
Proposition de valeur
Pour autant, le digital a véritablement changé la donne et le rôle d’un salon ne se conçoit plus exactement comme avant. D’un moment isolé de rencontre et d’échange, ces derniers se sont transformés en points d’orgues de campagnes digitales d’échanges savamment entretenues par les organisateur·rices tout au long de l’année. « Après le COVID, on a vite réalisé que les taux de conversion étaient beaucoup plus élevés auprès des publics dont nous avions maintenu l’engagement par des événements virtuels », confie ainsi Anne Lafère. De quoi pousser aussi les équipes organisatrices à investir plus encore, à la fois dans la création de contenus de qualité et dans les technologies digitales qui améliorent l’expérience utilisateur.
« Aujourd’hui, plus personne ne se rend à un salon par curiosité. Chacun a des intentions précises, que ce soit un investissement, un problème technique à résoudre ou un marché à l’export à développer. Les organisateurs doivent donc faire des propositions de valeurs qualifiées, pertinentes par rapport à cela et qui vont bien au-delà d’une enfilade de stands », explique encore Gaëtan Lachapelle.
Des salons comme des festivals
On l’aura compris, dans un monde qui s’accélère, les organisateur·rices de salons doivent aujourd’hui éviter au maximum de reproduire un même concept année après année et créer de nouvelles expériences. « Les jeunes générations sont aussi avides de face-to-face, mais elles veulent aussi combiner business et moments de détentes. Pour les attirer il faut donc être de plus en plus créatif et « festivaliser » nos salons professionnels », observe Anne Lafère.
Il n’est donc plus rare que les recettes des grands
événements consommateurs soient aussi appliquées aux rencontres
professionnelles. On parle là de bars avec happy hours, de
mini-concerts, de conférences sur des sujets non professionnels ou de stands
relookés pour une atmosphère plus détendue, inspirante ou énergisante….
Et Bruxelles ?
En professionnelle avisée, quel regard Anne Lafère porte-t-elle sur l’attractivité de Bruxelles pour les organisateur·rices ? Pour commencer, insiste-t-elle, le choix de la localisation dépend avant tout d’une présence suffisante d’acteurs – exposant·es ou visiteur·euses potentiel·les - à proximité, plus que les qualités intrinsèques d’une ville. Il en va différemment pour ce qui est des congrès et conférences ou grands salons mondiaux. « Dans ce cas, les éléments clés sont ceux du transport, de l’offre hôtelière et du soutien financier des autorités publiques », rappelle-t-elle.
Si elle se réjouit de l’ouverture récente de nouveaux hôtels à Bruxelles, elle rappelle que la ville a vu, au cours des dernières années, plusieurs salons phares la quitter, notamment au profit de Barcelone. On pense à Seafood, pour les produits de la mer et Label Expo, dédié aux étiquettes et emballages. « Bien sûr, la météo n’est pas favorable mais par rapport à ces concurrentes, on ne met pas non plus les moyens qu’il faut sur la table », déplore-t-elle. Même son de cloche du côté de la Brussels Hotel Association qui s’est émue du départ de Label Expo cet été. Elle rappelle qu’un touriste d’affaires dépense en moyenne trois fois plus qu’un touriste ordinaire, et prône pour un réinvestissement d'urgence dans la rénovation des palais du Heysel et la construction d’un centre de congrès digne de ce nom.
Gaëtan Lachapelle se réjouit aussi des succès de Busworld, le salon de l’autobus et de l’autocar aux 40.000 visiteur·euses, dont la prochaine édition est prévue en octobre cette année. Contacté, le Convention Bureau de visit.brussels rappelle pour sa part qu’il a accompagné 609 dossiers d’événements en 2024, à Brussels Expo mais aussi au Square du centre-ville, notamment. Là encore, on se rapproche peu à peu des chiffres record enregistrés avant le Covid. La capitale est aussi leader mondial en matière de congrès associatifs internationaux – pas moins de 620 furent organisés en 2023.
Parmi les rassemblements phares, il y eut notamment la dernière Conférence Mondiale du Cacao, l’ AMI Plastics World Expos Europe, la Europen Hydrogen Week ou le IAPP Europe Data Protection Congress. Si ce dernier a pris depuis plusieurs années ses quartiers à Bruxelles, beaucoup d’autres voient leur lieu d’accueil changer années après années, au gré des intérêts des participant·es. « Chaque édition d’un salon est l’occasion d’une « remise à zéro » », rappelle judicieusement Gaëtan Lachapelle. Rien n’est donc jamais acquis pour les villes hôtes comme pour les organisateur·rices. Le combat de l’attractivité ne cesse jamais !
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