Au-delà de premiers résultats mitigés, le Belgian Beer World incarne une mise en valeur inédite d’un chef
d’œuvre architectural. En combinant astucieusement patrimoine matériel, immatériel et événements,
Bruxelles peut cependant attirer bien au-delà des fans de bières ou de chocolat.
Le verre (de bière) à moitié plein, ce sont ces plus de 2,3
millions de visiteur·ses qui, on l’apprenait il y a peu, ont
arpenté le bâtiment de la Bourse un an après sa réouverture
en septembre 2023. Le verre à moitié vide, c’est que trop
peu ont poussé les portes du Belgian Beer World expérience
(BBW) qu’il abrite, échouant à devenir un relais de croissance
touristique immédiat pour la capitale.
Pas question pour autant
de s’affoler à la Ville de
Bruxelles qui, soutenue
par la Région, le
Fédéral et l’Union
Européenne, a investi
90 millions d’euros
dans la rénovation de la
Bourse. A la publication
Marvin Weymeersch
des résultats, le bourgmestre
Philippe Close rappelait
que d’autres sites rénovés,
comme le Palais 12 ou la Madeleine, ont mis 4 à 5 ans pour
atteindre la rentabilité. Reste que seul 150.000 curieux·ses
auront visité le BBW après un an d’exploitation. Lors de son
inauguration, le mayeur avait dit en espérer plus de 300.000.
Haut lieu en devenir
300.000, c’était justement – à peu de choses près - le nombre d’entrées enregistrées par la Heineken Experience d’Amsterdam en 2009. Cette année-là, Dirk Lubbers en a repris les rênes pour en faire en quelques saisons l’une des attractions les plus courues de la ville, avec plus d’un million de billets annuels.
Opportunément, le Brussels Beer Museum en a fait son nouveau dirigeant ad interim, dans l’espoir de booster sa fréquentation. A charge pour lui d’assumer les ambitions des autorités bruxelloises, qui veulent hisser le BBW au 3eme rang des attractions après l’Atomium et la Grand Place. Partenariats avec les compagnies aériennes et aéroports, campagnes de visibilité, horaires modifiés… Interviewé par nos confrères du Soir, Dirk Lubbers semble fourmiller d’idées.
Exemples européens
Plusieurs chiffres ont de quoi lui donner des raisons d’espérer. Emblème de la culture brassicole bavaroise, la Hofbräuhaus de Munich dit recevoir 35.000 visites…par jour. A Dublin, la House of Guinness revendique 1,5 millions d’entrées par an. Réouvert après rénovation en décembre 2023, le Musée Carlsberg de Copenhague enregistrait déjà, fin septembre 2024, 220.000 visites. Interrogée par nos soins, sa directrice Tine Kastrup-Misir mise sur des partenariats avec les autorités touristiques régionales et nationales, TripAdvisor et GetYourGuide, mais aussi les réseaux sociaux.
Investir dans des événements
L’institution ne compte pas que sur les touristes étrangers d’un jour. « Nous investissons dans des événements afin d’assurer des visites répétées du public danois », confie Tine Kastrup-Misir. « Il peut s'agir d'une visite historique spéciale ou d'une conférence sur la science de la bière. Nous avons expérimenté différents formats d’activation et constaté de nombreuses revisites ».
Le BBW devrait, lui aussi, pouvoir compter sur des événements publics comme privés dans son environnement direct afin d’augmenter l’affluence. Cet été, le palais de la bourse a accueilli le festival de danse urbaine Détours et la présentation de la délégation belge des Jeux paralympiques et de ses médaillé·es. Il abrite par ailleurs des espaces de coworking, salles de réunion, conférences, séminaires, ainsi qu’un café, une brasserie, un musée archéologique en sous sol et un rooftop bar.
Achevé en 1873, l’édifice - avec sa coupole centrale, ses colonnes corinthiennes et ses bas-reliefs de Rodin - témoigne du rôle passé de la place financière de Bruxelles. Écrin exceptionnel, il est sans doute un des principaux atouts sur lequel le BBW doit encore capitaliser.
Patrimoine matériel et immatériel
D’autres ont d’ailleurs réussi avec brio à développer des évènements en s’appuyant sur le patrimoine architectural. On pense en premier au spectacle de l’Ommegang sur la Grand Place, accueillant 2.000 spectateur·ices assis·es chaque été.
Dans une veine différente, il y a aussi Hangar, l’organisateur de concerts de musique électronique. Son histoire d’amour avec les lieux iconiques bruxellois commence lors du confinement COVID-19. Forcée de mettre entre parenthèse ses rassemblements, l’équipe pivote et imagine des livestreams mis en image dans des cadres exceptionnels. Ses premiers DJ’s invités mixent ainsi au beau milieu de la Grand Place ou du Cinquantenaire…désertés. « Ça a directement marché. Dès le déconfinement, on a poursuivi sur cette lancée, mais cette fois avec le public » se souvient Marvin Weymeersch, le fondateur. Les artistes, aussi, apprécient. « Ils et elles sont ultra motivé·es à l’idée de mixer dans de tels environnements », ajoute-t-il.
Depuis, Hangar a déployé ses différents événements sur la Place des Palais, à l’Atomium, sur la place Rogier ou la Cité administrative. Pour les prochains, l’organisateur imagine la Place du Palais de justice et même – on peut rêver - les serres de Laeken.
Bruxelles, terre électro
Marvin Weymeersch explique avoir reçu un soutien immédiat de visit.brussels, conscient du potentiel touristique de tels événements. « Rien qu’en 2024, nous aurons attiré 80.000 personnes. Et un quart du public sur nos gros concerts vient de l’étranger, ce qui représente beaucoup de nuits d’hôtels », précise celui qui se réjouit de voir la capitale, déjà portée par l’énorme Tomorrowland, associer de plus en plus son image à la musique électronique.
Police, communes, SIAMU, CoAMU, Régie des bâtiments,
Urban Brussels, Bruxelles environnement, URBAN, … le
fondateur ne compte plus les autorités – aux intérêts divers - avec lesquelles il doit composer pour mener à bien ses
projets. « Il faut anticiper très longtemps à l’avance mais
avec l’expérience et les contacts, nous avons appris à
maitriser la cascade d’autorisations nécessaires ». Au final,
souligne-t-il, Bruxelles reste un endroit idéal pour ce type
d’événements. « Les autorités restent très ouvertes si on fait
les choses professionnellement. A moins de disposer de
budgets colossaux, répliquer de telles expériences à Paris
serait complètement impossible ».