Icônes de la BD belge et bruxelloise, les Schtroumpfs sont connus dans le monde entier. À l’aube de leurs 60 ans, ils peuvent dire merci à Véronique Culliford, la fille de leur créateur Pierre Culliford, dit Peyo. Depuis plus de 30 ans, elle veille à la bonne utilisation commerciale des petits lutins bleus. Une exploitation dont les revenus se chiffrent en millions d’euros.
Née la même année que les Schtroumpfs, apparus dans le Journal de Spirou en 1958, Véronique Culliford a grandi avec les petits lutins bleus. La légende veut même que ce soit elle qui ait inspiré son père et Yvan Delporte, scénariste de l’époque, dans le dessin et la scénarisation de la Schtroumpfette. Mais si on parle de Peyo comme le papa des Schtroumpfs, elle affirme avoir pris soin d’eux comme si c’étaient ses propres enfants – et c’est pour elle la clé du succès.
Destination Hollywood !
Véronique Culliford vient pour la première fois en aide à son père dans la gestion de droits commerciaux des Schtroumpfs en 1979. À l’époque, Peyo vient d’autoriser les studios Hanna-Barbera d’Hollywood, célèbres pour l’adaptation des Pierrafeu à la TV, à faire de même avec les Schtroumpfs. 256 dessins animés sont alors produits pour la chaîne NBC. Les « smurfs », comme on les connaît outre-Atlantique, deviennent des vedettes en quelques mois.
Puis, dans les années 1980, ces épisodes se diffusent dans le monde entier. C’est le départ d’une réelle « Schtroumpf-mania» ! Pour gérer l’image des Schtroumpfs, Véronique Culliford et Peyo créent International Merchandising Promotion and Services en 1984. Une entreprise qu’elle a petit à petit appris à gérer toute seule. « Mon père était de plus en plus pris par les dessins animés et faisait des allers-retours aux États-Unis, et moi je tenais un peu la boutique », explique Véronique.
« Nous avons appris ce métier en même temps, mon père et moi, tout en le gérant comme on pouvait. Le ‘licensing’ était un nouveau métier à l’époque ; à part Walt Disney, il n’y avait pas grand monde qui faisait une exploitation d’un personnage de bande dessinée de manière aussi forte. Mon père avait donc déjà à ce moment-là un studio de dessin, mais il n’avait plus vraiment de temps pour la bande dessinée tout en s’occupant du merchandising à fond. »
Pour lui permettre de reprendre ses activités de dessinateur, Véronique s’entoure d’une équipe. Avec seulement 4 employés au début, IMPS prend rapidement de l’ampleur jusqu’à compter 40 collaborateurs aujourd’hui, avec des agents dans pas moins de 110 pays.
Du petit au grand écran
Peu à peu, le succès des Schtroumpfs s’étend au-delà des bandes dessinées et de la télévision. Ils font leur apparition sur des objets commerciaux – les compils CD Schtroumpf Party ont également un grand succès dans les années 1990. La popularité des Schtroumpfs ne cesse de grandir jusqu’à l’apothéose : la sortie d’un premier long métrage adapté en 2011 par Columbia Pictures. Classé premier au box-office américain le jour de sa sortie, le film récolte près de 552 millions de dollars de recettes mondiales.
En 2013, les salles de cinéma projettent « Les Schtroumpfs 2 », et là encore les spectateurs sont au rendez-vous. Le film totalise plus 347 millions de dollars d’entrées dans le monde. La projection d’un troisième opus cinématographique, « Les Schtroumpfs et le Village perdu » génère 197 millions de dollars de recettes.
« Je ne peux pas dire si le cinéma est le support qui a le plus de succès, mais c’est le phénomène qui fait que le Schtroumpf recouvre la planète. Le film est diffusé dans le monde entier en trois semaines et les campagnes de marketing sont énormes. Quand la campagne est bien faite, ça donne envie aux gens d’aller voir le film et ils en parlent énormément. Mais les livres restent notre vecteur principal, car ce sont nos racines. C’est de là que le Schtroumpf est né par un beau jour d’automne en 1958. Les dessins animés sont un élément qui garde la marque présente partout, à tout moment. »
Un marketing contrôlé
Les films, en particulier, rapportent gros à IMPS. En année de sortie, les revenus de l’entreprise passent quasiment du simple au double, soit de 10 à 18 millions d’euros. En ce compris les royalties des longs métrages, bien sûr, mais aussi les multiples contrats commerciaux. À la sortie des « Schtroumpfs 2 » par exemple, les petits personnages bleus ont fait leur apparition dans les paquets de bonbons Haribo, sur les vêtements de Zara et H&M… On en trouvait partout !
Chaque jour, l’équipe d’IMPS reçoit près de 200 demandes d’approbation commerciale analysées en profondeur : Qui est la société demandeuse ? Est-elle solvable ? Quel est le projet ? Sur quels territoires ?
Tout est épluché : « Il y a des domaines qu’on ne touche pas car ils ne nous concernent pas : tout ce qui est politique, religieux, tout ce qui est en rapport avec l’alcool, le sexe, la drogue. Bref, tout ce qui ne concerne pas directement l’enfance et le positif, on refuse catégoriquement. On ne va pas faire de préservatifs avec des Schtroumpfs par exemple, mais par contre on pourrait s’investir dans une campagne de prévention du sida, bien que l’occasion ne se soit pas encore présentée », explique Véronique Culliford. D’autant que chaque dessin des Schtroumpfs se doit de sortir des studios officiels de Genval. Avec, bien évidemment, la mention de copyright apposée sur toute reproduction.
2018, une année complètement Schtroumpf !
Au-delà des films, les Schtroumpfs ont également fait leur apparition dans les parcs d’attractions. On retrouve leur univers à la Comic Station à Anvers, mais aussi dans un parc de Dubaï, un autre de Malaisie, et ils arriveront bientôt dans un nouveau parc à Moscou.
Et pour leurs 60 ans, les Schtroumpfs nous feront vivre une toute nouvelle expérience immersive sur 1.500 m². Celle-ci prendra son départ au Heysel le 9 juin prochain et y restera jusqu’en janvier 2019 avant de faire le tour du monde. « Grâce à de nouvelles technologies crées par des entreprises belges, chaque individu se retrouvera à la taille d’un Schtroumpf (1m20), dans un village des petits êtres bleus, pendant une heure environ. » explique Philippe Glorieux, responsable Marketing et Communication chez IMPS.
Avant cela, les fans peuvent déjà découvrir le 36e album, « Les Schtroumpfs et le Dragon du Lac », sorti début mars. Il est toujours co-signé par Thierry Culliford, le frère de Véronique, au scénario depuis la disparition de leur père. On retrouvera aussi les Schtroumpfs dans le centre-ville de Bruxelles, où ils seront le sujet d’une fresque sous les arches de l’hôtel Hilton, à quelques mètres de la Gare Centrale.
« On va également inaugurer des pavés Schtroumpf, pour aller de la fresque jusqu’à une nouvelle statue Schtroumpf qui se trouvera place d’Espagne », révèle Philippe Glorieux. « Les Schtroumpfs seront aussi la mascotte des 20 km de Bruxelles. Et la Belgique a décrété l’année 2018 comme l’année Schtroumpf, comme on a eu l’année Magritte en 2017. On est aussi la mascotte des 17 objectifs de développement durable signés par l’ONU, et cela jusque 2030. On reste vraiment dans notre vision planétaire. »
Encore un bel avenir, grâce à Véronique Culliford
Les Schtroumpfs n’ont donc jamais été aussi populaires qu’aujourd’hui. « Je pense qu’on a un capital de sympathie vis-à-vis du public qui est indéniable aujourd’hui, et une fidélisation des parents car il n’y a pas de violence. Les Schtroumpfs ne sont que joie et bonne humeur dans nos histoires », reprend Véronique Culliford.
La fille de Peyo réfléchit à la suite. Une nouvelle série de dessins animés est déjà en préparation. Il n’est pas impossible que de nouveaux longs métrages soient réalisés. Une chose est sûre, c’est que les équipes sont on ne peut plus motivées. « Nous laissons le temps à nos personnages de progresser et de perdurer. Grâce à cela, le Schtroumpf est devenu un incontournable. Notre aventure ne va faire que s’accentuer ; on verra quelles nouvelles technologies on nous donnera dans le futur, car les Schtroumpfs aiment bien s’adapter aux nouveautés. » À 60 ans donc, les Schtroumpfs ne sont pas prêt de prendre leur retraite.