Emploi : entre difficultés des entreprises et attentes des chercheurs d’emploi

30 juin 2021 par
BECI Community

Près d’un an et demi après le début de la pandémie de Covid-19, comment se porte le marché de l’emploi à Bruxelles ? Si beaucoup de travailleurs sont au chômage temporaire, le taux de chômage reste limité grâce aux mesures de soutien mises en place par le gouvernement

Pour Gregor Chapelle, directeur général d’Actiris, comme pour Clarisse Ramakers, directrice du service d’Études et de Lobby UCM pour la Région de Bruxelles-Capitale, le pire reste à venir. Entre les difficultés des entreprises et les attentes des chercheurs d’emploi, sortir de l’impasse prendra du temps.

Du côté des chercheurs d’emploi

« Sans reprise des activités économiques à partir de cet été, le chômage va fortement augmenter »

Grégor Chapelle, directeur général d’Actiris

Les jeunes, grandes victimes du Covid

« Depuis le début de l’année, le chômage à Bruxelles augmente, mais on ne peut pas encore parler de catastrophe. En 2020, le chômage a augmenté de 0,9 % et cette tendance continue en 2021 (augmentation de 2,6 % en janvier, 1,9 % en février et 2,8 % en mars en comparaison avec le même mois en 2020). Les mesures de soutien gouvernementales (droit passerelle, chômage temporaire, moratoire sur les faillites) ont évidemment un lien avec cette hausse relativement faible. Cela étant dit, nous avons vu une forte hausse du chômage chez les jeunes, et cette tendance se poursuit en 2021. Avec une hausse exponentielle de 6,9 % en janvier, 7,6 % en février et 10,4 % en mars, les jeunes de moins de 25 ans sont les premières et les plus grandes victimes de la crise, qu’ils soient hautement ou faiblement qualifiés. Cette tendance se vérifie depuis plus d’un an maintenant. Il y a, en ce moment, moins d’offres destinées aux jeunes (emplois, formations ou stages) et les secteurs qui recrutent généralement des jeunes (horeca, secteur de l’événementiel) subissent la crise de plein fouet.

Exception faite des jeunes, l’impact du Covid sur le chômage reste donc limité pour l’instant. Nous pouvons toutefois d’ores et déjà prévoir que lorsque les mesures d’aide du gouvernement prendront fin, il y aura un gros afflux de nouveaux chercheurs d’emploi. La dernière étude de view.brussels, l’observatoire de l’emploi bruxellois d’Actiris, prévoit une augmentation d’environ 5 500 chercheurs d’emplois en plus entre décembre 2020 et décembre 2021 s’il y a une reprise progressive des activités économiques à partir de cet été. » 

Un taux de recrutement en baisse

« Les employeurs continuent globalement à recruter dans la plupart des secteurs d’activités (à l’exception des secteurs les plus touchés comme l’horeca et le commerce), mais à des niveaux bien inférieurs à ceux des années précédentes. Les secteurs qui recrutent encore sont l’administration publique, l’enseignement, les soins aux personnes, les services aux entreprises, l’informatique, la construction… et ce pour tous les profils (administratifs, commerce, construction, gestion, informatique, médical, paramédical, enseignement, sécurité, nettoyage, etc.). Cette baisse des recrutements a pour effet de réduire les sorties du chômage. Il est important de diriger les chercheurs d’emploi vers des secteurs encore porteurs d’emploi.

L’une des principales difficultés à Bruxelles est qu’il n’y a pas assez d’adéquation entre l’offre d’emploi et la demande. La Région, avec ses grosses entreprises et ses institutions européennes, recrute essentiellement des personnes qualifiées, voire très qualifiées, alors qu’un pourcentage élevé des chercheurs emploi est peu ou pas qualifié. »

« Een job, c’est aussi un job »

C’est notamment dans ce cadre que nous avons, en collaboration avec le VDAB, lancé la campagne « Een job, c’est aussi un job ». Cette campagne vise à convaincre les chercheurs d’emploi bruxellois d’élargir leurs recherches à la périphérie bruxelloise. 

Nous constatons que, bien souvent, les chercheurs d’emploi ont des freins à l’idée de travailler en Flandre. Notre campagne vise donc aussi à casser certains mythes. Non, il ne faut pas être parfait bilingue pour travailler en Flandre. Une offre d’emploi sur trois ne demande pas spécifiquement de connaissance linguistique. Ceux qui veulent apprendre le néerlandais peuvent le faire gratuitement avec notre application linguistique Brulingua et nos chèques langues. Et non, la Flandre n’est pas si loin. Il est même souvent plus pratique et rapide d’aller travailler à Tervuren ou à Wemmel que de traverser toute la ville aux heures de pointe. 

La périphérie bruxelloise, du côté flamand en particulier, ouvre d’importantes perspectives d’emploi aux Bruxellois. Elle est non seulement caractérisée par une croissance de l’emploi plus marquée qu’à Bruxelles, mais elle est également confrontée à un vieillissement plus important de sa population. Ce vieillissement a pour conséquence d’accroître les tensions sur le marché du travail. Le nombre d’entrants sur le marché du travail n’est pas suffisant et cette tendance ne fait qu’augmenter. Les besoins en main-d’œuvre devraient continuer à y croître dans les années à venir. Fin mars, il y avait encore 5 439 offres d’emploi ouvertes en Brabant flamand et 48.589 dans toute la Flandre. 

53.823 chercheurs d’emploi bruxellois n’ont pas de diplôme du secondaire ou ont un diplôme étranger sans équivalence en Belgique, cela équivaut à 60,6 % de tous les chercheurs d’emploi bruxellois. La Flandre est justement à la recherche de ce type de profil pour renforcer sa force de travail, principalement dans les secteurs du transport et du commerce de gros. Il y a donc là une opportunité de faire baisser le chômage à Bruxelles. Le nombre de Bruxellois qui vont travailler en Flandre augmente d’ailleurs d’année en année. Entre 2014 et 2019, ce nombre a augmenté de 20 %. Nous espérons donc que cette campagne permettra de continuer à avancer sur cette voie et constituera une partie de la solution face à la hausse du chômage qui ne manquera pas d’arriver. »

Du côté des entreprises

« Ce n’est qu’après la suspension des aides gouvernementales que nous pourrons réellement mesurer l’étendue des dégâts »

Clarisse Ramakers, directrice du service d’Études et de Lobby UCM pour la Région de Bruxelles-Capitale.

Retrouver du personnel qualifié

« Au niveau des entreprises, en matière d’emploi, l’une de nos priorités est de les aider à trouver les personnes dont elles ont besoin pour relancer leur activité. Certaines entreprises ont continué à fonctionner normalement, voire à performer, notamment dans le domaine de la logistique, de l’IT, de la digitalisation, et ont engagé malgré la crise. D’autres par contre, notamment au niveau de l’horeca et de l’évènementiel, ainsi que des petites entreprises, sont (ou ont été) à l’arrêt très longtemps. Une partie du personnel de ces entreprises, au chômage temporaire depuis des mois, a entre-temps fait le choix de trouver un emploi ailleurs. Pour les entreprises, cela implique la nécessité de retrouver du personnel qualifié. Nous avons actuellement du mal à objectiver ce besoin par des chiffres, mais le phénomène est bel et bien réel. À noter également que beaucoup d’entreprises avec lesquelles nous sommes en contact prévoient de changer leur business modèle pour rester viables. Cela implique parfois de trouver des profils assez spécifiques ou de former ses employés. Une mise en place par les pouvoirs publics de formations accélérées serait donc la bienvenue. Bruxelles Formations a d’ailleurs déjà créé un certain nombre de formations en ligne, ce qui est très positif. 

Un autre point délicat lié à l’emploi et qui touche les entreprises est celui du licenciement. Certaines entreprises (surtout les plus petites) ont besoin de licencier pour rester rentables, mais ne peuvent pas le faire car le coût du licenciement les mettrait en faillite. Pour nous, c’est un vrai sujet, d’autant que le tissu économique bruxellois est majoritairement composé de petites et moyennes entreprises. Nous avons d’ailleurs interpellé le gouvernement à ce sujet. 

Le télétravail et ses impacts sur les petites entreprises

La généralisation du télétravail a aussi un effet négatif sur les petites entreprises. Plus que dans les autres régions, l’effet domino est très important à Bruxelles. La ville comptant beaucoup d’institutions et de grosses entreprises, tous ces travailleurs sont en télétravail. Et cela a un impact direct sur toute une série d’autres entreprises (horeca, sandwicheries, livraisons, sécurité…). Cela explique en partie le taux de chômage en forte hausse chez les jeunes, surtout peu qualifiés. Par ailleurs, d’autres entreprises qui avaient prévu d’embaucher du personnel n’ont pas pu le faire ou ont décidé de reporter ces recrutements. 

À l’UCM, nous nous inquiétons aussi pour le futur. En effet, nous sommes loin du pic de la crise économique. Ce n’est que lorsque toute l’activité économique reprendra et que les aides gouvernementales cesseront que nous pourrons réellement mesurer l’étendue des dégâts et voir quelles entreprises sont encore viables. C’est à ce moment-là qu’il y aura une augmentation importante du chômage. Dans les 12 à 18 mois, nous devrons être très vigilants car c’est aussi en limitant le chômage que l’on pourra relancer la croissance intérieure.

Oser faire face à la situation

Enfin, il ne faut pas oublier que derrière chaque entreprise ou entrepreneurs, il y a des personnes. Et quand on est au cœur de la tourmente, même si on sait qu’il faudrait agir, on peut être tétanisé. Notre conseil aux entreprises est d’avoir le courage de ne pas faire l’autruche. Mieux vaut savoir où on en est et agir en conséquence, même si les décisions sont difficiles à prendre. Consulter son secrétariat social et faire le point avec son comptable ou son banquier est très important. De même, ne pas rester seul et oser demander de l’aide à temps est la meilleure façon de ne pas couler. Plus que jamais, les entreprises devront être créatives pour rebondir le mieux possible. Et l’UCM est là pour les aider !

BECI Community 30 juin 2021
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