En cette journée d’automne, les médias annoncent la deuxième vague tant redoutée de la Covid-19. Cette nouvelle crispe le monde de l’entreprise par ses retombées économiques éventuelles, mais également par son impact sur le bien-être du travailleur.
Donner du sens à son travail
Le télétravail « forcé » par les mesures sanitaires lors du confinement au printemps 2020 a pu avoir des conséquences positives pour certains : être chez soi, ne plus subir le trafic routier aux abords des grands axes, gérer son temps de manière autonome, être loin des conflits interpersonnels ou d’une ambiance de travail délétère. Plus important, beaucoup ont été reconnus pour leur implication dans leur travail, leur adaptabilité aux circonstances, leur disponibilité et leur flexibilité. Or, en psychologie du travail, on sait la place essentielle qu’occupe la reconnaissance du travailleur dans son implication, dans son engagement vis-à-vis de son entreprise et même dans sa performance ! Mieux encore, la reconnaissance donne du sens à son travail.
Être isolé en période de covid
Cependant, le télétravail comporte également son lot de conséquences négatives, dont la plus néfaste est l’isolement social. Les collègues, derrière leur écran, sont bien loin. Les salutations du matin, les sourires, les encouragements, les regards, la complicité, le soutien lors de difficultés, une oreille attentive et bienveillante, l’aide concrète, les moments informels, la machine à café, le lunch… Tout cela fait cruellement défaut derrière un écran.
Il manque quelque chose… d’humain. Dans notre quotidien professionnel, les collègues sont des partenaires essentiels à deux égards. Le premier concerne le jugement de beauté du travail accompli : en effet, les collègues partagent une expérience de travail, un terrain professionnel, mais également des règles techniques, éthiques et langagières communes. Ils sont les mieux placés pour évaluer si notre travail a été réalisé selon « les règles de l’art ». Le second a trait au partage social des émotions. « Des émotions, en entreprise ? », me direz-vous. Oui, le travailleur vit des émotions positives et négatives dans son contexte professionnel et dans sa vie privée. Et toute émotion est amenée à être partagée, quelle que soit sa valence (positive ou négative) et son intensité.
La littérature sur le partage social des émotions a montré que les individus partagent leurs émotions à tous les âges, dans toutes les cultures, dans un délai relativement court après la survenue de l’émotion (souvent le jour-même) et avec un certain nombre de personnes. Les collègues font partie de ces personnes, surtout si l’émotion concerne le vécu professionnel.
A qui racontons-nous un dossier compliqué, une réunion pénible, un compliment reçu sur notre travail, une remarque du chef qui ne passe pas, une inquiétude pour l’avenir de l’entreprise, une irritation lorsque les valeurs sont bafouées, une excitation lors d’une bonne nouvelle ? Le ou la conjoint(e), certes, mais les collègues aussi. Plus encore, les collègues vivant des choses similaires aux nôtres vont parfois mieux comprendre la portée de notre émotion et, en ce sens, nous prodiguer une écoute de meilleure qualité. Plusieurs études scientifiques ont d’ailleurs montré qu’un partage social des émotions de qualité était lié à moins de risque de burnout.
Que faire alors derrière son écran ? Les technologies d’aujourd’hui nous permettent de communiquer à distance. On peut se voir ou s’entendre en dehors des réunions, on peut se raconter nos émotions, notre quotidien, nos craintes, nos bons moments, on peut prendre un café ensemble en attendant de se retrouver « en vrai ».
L’auteure
Stéphanie Delroisse, PhD, dirigeante de Sens Stress.