Grâce à l’intelligence artificielle, la tech bruxelloise permet aux grands propriétaires immobiliers de monitorer au plus près leur consommation d’eau… et de la réduire.
Quand on l’interroge sur les résultats de Shayp, son cofondateur
et Managing Partner Grégoire de Hemptinne parle d’abord en litres d’eau
épargnés. Treize milliards l’année passée, pour être précis. Une réponse qui en
dit long sur la mission « à impact » que s’est fixée la start-up
bruxelloise fondée en 2017 et labellisée B Corp. Cela n’empêche pas les
ambitions financières. La société ambitionne de quasi doubler son chiffre
d’affaires chaque année d’ici à 2028.
Bénéfices financiers et environnementaux
La technologie de Shayp permet aux propriétaires et exploitants de bâtiments non résidentiels de repérer les fuites d’eau et de monitorer leur consommation pour la réduire. « Un bâtiment sur trois est sujet à des anomalies. Or celles-ci peuvent représenter jusqu’à 20 % des factures d’eau » , pointe le co-fondateur. Un problème majeur quand on sait que 95 à 97 % des fuites sont soit non détectées, soit non rapportées.
Très concrètement, Shayp équipe le compteur d’eau d’un
bâtiment donné d’un système d’enregistrement des données. Relié à une
plateforme, celui-ci permet de monitorer en temps réel la consommation d’eau
et, grâce aux analyses de ses algorithmes, d’identifier les anomalies
éventuelles, puis générer des alertes auprès des gestionnaires de bâtiments. De
quoi déployer rapidement et efficacement les services de réparation quand cela
s’avère nécessaire. « J’aime à nous comparer au Shazam de l’eau car
nous écoutons véritablement les flux pour reconnaitre l’origine des dysfonctionnements
», poursuit Grégoire de Hemptinne.
De Lidl au Paris Saint Germain
La société signe avec ses clients des contrats allant jusqu’à 5 ou 10 ans. Son dirigeant estime qu’en moyenne, l’adoption de sa technologie permet de diminuer de 20 % la consommation et est rentabilisée en moins d’un an. Au-delà de la réduction de facture, Shayp permet de prévenir d’importants dégâts qui pourraient être générés par une fuite.
À son lancement, la société visait d’ailleurs principalement les compagnies d’assurances, une cible qu’elle a élargie depuis aux grands propriétaires immobiliers publics – communes, régie des bâtiments, etc… Elle sert aussi des hôpitaux et universités, gestionnaires de sites industriels ou de réseaux de bâtiments fragmentés, tels les chaines retail, des groupes d’hôtels ou de restaurants. « Nous les aidons dans la priorisation des réparations et la certification des bâtiments afin de préserver leur valeur», explique le dirigeant.
Lidl, ING, plusieurs communes et universités bruxelloises
font ainsi partie de ses clients. Jusqu’au Paris Saint Germain, dont le stade
est équipé de ses capteurs. Shayp a également scellé un deal avec la
Société Wallonne des Eaux, qui distribue sa solution aux utilisateurs finaux.
« Nous serions ravis d’explorer un tel partenariat avec Vivaqua »,
glisse avec malice Grégoire de Hemptinne.
De la détection d’anomalies à l’optimisation des usages
Le CEO se réjouit d’une concurrence assez limitée dans son créneau. Pour autant, il compte encore développer sa plateforme dans les prochaines années, au moyen notamment de partenariats R&D noués avec la VUB, l’ULB ou via des projets européens. « La recherche est encore peu avancée dans notre domaine. Les marges de progrès restent importantes, notamment sur les questions de connectivité en lieux inondés et de désagrégation de flux de données préalable à leur analyse ». De fait, l’ambition est, à terme, de ne pas se cantonner à la détection des anomalies mais bien, à l’image des compteurs intelligents d’énergie, de connaitre et analyser très précisément les flux d’eau dans une installation donnée afin d’en optimiser les usages.
« La recherche est encore peu avancée dans notre domaine. Les marges de progrès restent importantes »
- Grégoire de Hemptinne, co-fondateur
Expansion internationale
Avec le changement climatique, de plus en plus de régions en
Europe vivent une situation de stress hydrique aigu. Pour elles, la bonne
gestion de l’eau devient un sujet absolument majeur. Shayp est ainsi de plus en
plus présente à l’international. Outre la France, l’Espagne et l’Italie,
Grégoire de Hemptinne cite encore l’Angleterre, l’Allemagne et la Suisse, où la
société a décroché des contrats. « Il y a deux facteurs qui
conditionnent notre entrée sur un marché : le coût de l’eau et le manque
d’eau. Aujourd’hui, nous avons réellement éprouvé notre technologie en Belgique
et il nous de plus en plus facile de convaincre à l’étranger »,
précise-t-il. Il vise bien sûr le bassin méditerranéen en priorité. En dehors
de l’Europe, Shayp explore les possibilités d’expansion via l’aide de revendeurs.
ESG
Autre élément favorable au développement de la start-up, la montée en puissance des questions ESG, poussant de plus en plus les sociétés à faire état de leurs efforts environnementaux. Grégoire de Hemptinne voit là aussi un potentiel de croissance mais regrette cependant que les prescrits de la CSRD, la directive qui encadre le reporting de durabilité par les entreprises, n’aille pas aussi loin en matière d’eau que d’émissions carbone. À ce stade, aucune obligation de publication d’ « empreinte eau », mais juste une recommandation de monitoring. « On parle beaucoup du PEB en ce moment. Nous voudrions qu’une approche identique soit adoptée par les autorités pour ce qui est de l’eau », plaide-t-il encore.
Aujourd’hui, Shayp regroupe 9 experts, dont trois sont dédiés au développement de la plateforme. Elle compte au nombre de ses actionnaires les fonds Amavi Capital et Signa Innovation, ainsi qu’IMEC, BEAngels, et finance&invest.brussels.