Panneaux solaires à prix cassés, certificats verts, communautés d’énergie, tiers payants…. A Bruxelles, les incitants à l’installation photovoltaïques sont aujourd’hui nombreux. Tendances et décryptage avec Alexandre de Beukelaer, directeur du pôle photovoltaïque de l'EFP Bruxelles et dirigeant de Trust Elec
L’année dernière fût une année record pour le marché belge du photovoltaïque. Avec 4,4 millions d’unités, notre pays a vu le nombre de panneaux solaires mis sur le marché s’envoler de 37% en 2023. Un résultat qui suit une année 2022 aux chiffres déjà sans précédent.
La raison principale de cet emballement : l’effondrement des prix, conséquence d’un marché mondial inondé par la production chinoise. Un déferlement qui est d’ailleurs appelée à durer. Selon nos confrères d’Alternatives Economiques, la Chine disposait à elle seule, en 2023, d’une capacité de production de 800 GW quand la demande mondiale de panneaux photovoltaïques, elle, s’élevait à 450 GW. Un marché hyper concurrentiel, donc, où la demande européenne s’élève à 56 GW alors que les producteurs du vieux continent ne produisent que 11 GW de capacité et tentent péniblement de survivre.
Et à Bruxelles, quel est l’état du marché ? Est-ce le bon moment pour investir - voire réinvestir - dans l’énergie solaire ? Et quels sont les facteurs à prendre en compte ? Réponses avec Alexandre de Beukelaer, directeur du pôle photovoltaïque du centre de formation EFP Bruxelles et fondateur du spécialiste électrique Trust Elec.
L’année 2024 s’annonce-t-elle aussi comme une année record en Belgique ?
On n’a pas encore les chiffres mais probablement pas. Je vois pas mal d’installateurs qui réduisent très fortement la voilure ou, même, qui disparaissent. Il faut dire que la fin 2023 fût une période exceptionnelle. L’annonce de la fin du « compteur qui tourne à l’envers » à parti de 2024 en Wallonie a boosté les achats d’aubaine et incité les clients à faire le pas avant le 31 décembre. Forcément, les ventes de 2024 ont ensuite souffert de ces anticipations. En 2025, le marché se sera probablement stabilisé. De fait, même sans certificats verts ou de compteurs inversés, l’investissement en Wallonie s’avère toujours rentable à 7 ou 9 ans.
Comment se présente le marché bruxellois ?
Les installateurs qui y travaillent ont été moins impactés qu’en Wallonie. D’une part, ils sont moins nombreux car les chantiers y sont plus complexes, avec des maisons de villes très hautes et des accès difficiles. Par ailleurs les certificats verts, toujours d’application, continuent à produire leurs effets. De même que les communautés d’énergie qui permettent aux propriétaires de valoriser encore mieux leur énergie produite (voir encadré).
Comment expliquer cette omniprésence des panneaux chinois ?
Ils ont toujours été là mais ce qui a changé, ce sont ces prix plus bas que jamais. J’ai divisé le coût d’achat de mes panneaux chinois par trois en trois ans ! Aujourd’hui, il est vrai que la Chine est en surcapacité. Mais derrière, il y a aussi une stratégie qui vise à casser le marché au niveau mondial pour, à terme, mieux y régner encore. Avec leurs énormes sites et les économies d’échelles, les producteurs en ont les moyens. D’ailleurs, malgré ces prix très bas, il semble qu’ils restent à l’équilibre. Leurs panneaux sont donc vendus à prix quasi coutant, mais pas à perte…
Y a-t-il des alternatives ?
Si l’on veut qu’il en subsiste dans les prochaines années, il faut acheter des panneaux européens. Ils sont plus chers mais ils intègrent les externalités à leur juste valeur alors que, on le sait, les panneaux chinois sont fabriqués dans des conditions sociales et environnementales discutables. Tout cela est question de moyens et de sensibilités du client. Nous sommes en tous cas très heureux d’avoir conclu il y a peu une grosse installation de panneaux belges Belga Solar…
Qu’en est-il de la qualité ?
Les fiches techniques fournies par les plus grands fabriquant chinois sont validées par laboratoires avant d’entrer eu Europe. Ils indiquent de très bonnes performances, même si elles demeurent inférieures à celles des panneaux américains et de certains européens. Cependant, les tests aléatoires effectués par des installateurs donnent des résultats chinois bien en dessous de ceux annoncés. Difficile, donc, de répondre avec certitude. Ce qui est sûr, c’est qu’un matériel chinois n’est pas couvert par les mêmes garanties. En cas de panne, il ne sera pas remplacé.
Quelle est la durée de vie d’un panneau ?
Aujourd’hui, les garanties des fabricants sont passées de 10- 12 ans à 25, 30 ou 40 ans. Leur taux de dégradation est très faible et d’ailleurs, ils se recyclent très bien. Ce qui amènera au remplacement, ce n’est pas tant la fin de vie que l’évolution incroyable des performances, qui va accélérer l’obsolescence. On a déjà multiplié la puissance des panneaux de première génération par deux ou trois. Qui sait où nous en serons dans quelques années, sachant que les acteurs continuent à investir énormément en R&D.
Que penser des batteries que l’on propose de plus en plus avec les installations de panneaux ?
Tout comme celles des voitures, elles sont le plus souvent d’origine chinoise et fonctionnent au lithium. Hautement toxique et inflammable, celui-ci est extrait dans les conditions qu’on imagine. Les batteries permettent d’éviter que toute l’énergie produite ne soit injectée dans le réseau en même temps, ce qui simplifie la tâche du gestionnaire. Mais elles sont en porte à faux avec le principe d’une transition énergétique verte partagée… La rentabilité de certains modèles reste aussi à prouver. Je suis donc mitigé. Ici encore, les développements technologiques pourraient changer la donne. On annonce des batteries à l’eau salée pour les prochaines années.
Rentabiliser son installation : en combien de temps ?
Chaque installation est différente et il n’y a pas de réponse absolue à la question du rendement financier d’une installation. D’autant, relève Alexandre de Beukelaer, que les prix de l’électricité changent. En moyenne, à Bruxelles, les certificats verts diminuent la durée d’amortissement à plus ou moins cinq ans pour une maison particulière. Dans le cas d’une co-propriété qui intègre une communauté d’énergie (voir encadré), on peut même rentabiliser une installation de 80 panneaux en moins de 4 ans…. « Une société ou un commerce qui consomme 100% de sa production la valorisera au prix du marché dans ses comptes. On arrive alors à une durée d’amortissement de 2 à 5 ans », précise-t-il encore.
A partir de quand le jeu en vaut-il la chandelle ?
Ceux qui veulent passer au solaire mais ne disposent pas de la trésorerie nécessaire se tourneront probablement vers Brusol. Ce tiers payant assume tous les coûts d’installation et se rémunère via les certificats verts. Evidemment, pas question ici de faire d’autres gains que ceux générés par la réduction de sa facture d’électricité courante. Pour tous ceux qui veulent, en revanche, faire aussi de leur installation solaire un judicieux placement financier, quelle taille minimum d’installation faut-il viser pour assurer une rentabilité acceptable ? Et ce, sachant que certains toits bruxellois ne peuvent accueillir qu’un très petit nombre de panneaux ?
Sécurisation du toit, placement des câbles et de l’onduleur, formalités administratives…L’installation suppose des coûts fixes incompressibles qui, selon Alexandre de Beukelaer ne rend une installation intéressante qu’à partir de 6, et même plutôt 8 panneaux. « En dessous, on passe à des micro-onduleurs mais leur performance est basse et la production devient coûteuse. Ça n’en vaut plus vraiment la peine », conclut-il.
Partage d’énergie : le bon plan bruxellois
Depuis avril 2022, le cadre légal bruxellois a institué les communautés d’énergie. Celles-ci mettent en relation des propriétaires de panneaux photovoltaïques avec des consommateur·rices. Le système permet aux premiers d’augmenter leurs revenus d’injection et aux seconds de réduire considérablement leur facture en journée. Il suffit, pour en faire partie, de créer ou d’identifier une communauté près de chez soi s’il y en a une. Si ce n’est pas le cas, on peut toujours se tourner vers l'ASBL "Illuminons notre quartier", qui s'étend à toute la Région de Bruxelles-Capitale. Le consommateur qui n’en dispose pas encore devra aussi s’équiper d’un compteur intelligent, installé gratuitement par Sibelga. energysharing.brugel.brussels
Les certificats verts en deux mots
Installer des panneaux photovoltaïques équivaut à devenir producteur d’électricité verte. La Région bruxelloise vous octroie alors des « certificats verts » d’une durée de 10 ans. Ces titres immatériels ont pour vocation de valoriser l’économie de C02 produite par une nouvelle installation.
On peut revendre ses certificats sur le marché de l’énergie afin d’amortir plus rapidement son investissement. Grâce à des ajustements annuels, à la hausse comme à la baisse, du taux d'octroi, le système des certificats est calibré pour assurer un retour sur investissement au plus tard endéans les sept ans (d'où de ces CV).
Le prix plancher d’un certificat vert – qui est aussi son cours actuel – est de 65€. Disposer d’un tel taux permet aussi aux candidat·es et celleux qui les conseillent de faire des plans d’investissement qui tiennent la route, explique encore Alexandre de Beukelaer.