La révolution énergétique en marche doit s'accélérer

5 juin 2018 par
BECI Community

Les évolutions technologiques dans le renouvelable vont révolutionner le marché de l’énergie. Le challenge actuel est celui de leur implémentation dans le réseau. Ainsi, la révolution énergétique pourra se développer au mieux ! 

 

Le monde de la recherche est en ébullition ces dernières années pour déclencher la transition énergétique. Les technologies vont continuer à évoluer, mais elles ont déjà atteint un certain degré de maturité qui les rend exploitables dans le domaine industriel.

 

Complexité nouvelle du réseau

Avec cette transition énergétique, les frontières s’amenuisent entre les différents secteurs de l’énergie. L’ensemble des acteurs sont appelés à penser conjointement la complexification du réseau, qui deviendra multidirectionnel et interconnecté.

« La digitalisation de notre société est un grand défi », souligne Menno Janssens, responsable pour l’innovation chez Elia. « Avec toutes les nouvelles technologies, on va devoir changer l’ADN de la société. Les simples flux unidirectionnels vont faire place à un écosystème complexe avec des flux entre voisins et avec les GRD (Gestionnaires de Réseau de Distribution). Il va y avoir une décentralisation de la production énergétique avec les particuliers qui disposent de panneaux solaires, et il y aura des régionalisations avec des parcs solaires dans le sud de l’Europe et des centres de production éoliens dans le nord. Même si la Belgique n’a que 60 km de côte, elle a quand même un site offshore de classe mondiale. »

Dans ce cadre, Elia démarre actuellement un test pour évaluer les apports de la technologie « blockchain », une base de données partagée sans intermédiaire par ses différents utilisateurs, qui contient l’historique de tous les échanges effectués.

 

Gérer les intermittences

« L’avenir du renouvelable est dans les citoyens et dans les petites structures ». Serge Peeters (EnergyVille)

La Belgique abrite par ailleurs l’un des deux seuls systèmes en Europe qui permettent de faire de la simulation hardware « in the loop », pour aider à la gestion des réseaux basse et moyenne tension. L’un se trouve à Aix-la-Chapelle, en Allemagne, et l’autre à EnergyVille (Genk), dans le cadre de la collaboration de recherche appliquée, tournée vers la transition énergétique, qui regroupe les universités de Leuven et  Hasselt  ainsi que les partenaires privés Vito et Imec.

« Il est impossible pour nous, en tant que centre de recherche, d’implémenter de nouvelles technologies et de pouvoir les tester en ‘live’ dans le réseau. Ce qui bloque, c’est la décision politique et la législation en place », pointe Serge Peeters, spécialiste du « e-storage » et responsable Business and Relationship Development pour EnergyVille. « On va devoir travailler avec des vitesses de commutation beaucoup plus élevées. Il nous faut des temps de réaction de l’ordre de la milliseconde et aujourd’hui, on en est très loin. On doit arriver à être au moins 100 à 1000 fois plus rapide pour gérer les problèmes d’intermittence. Imaginez des centaines de milliers de points d’énergie qui se superposent à un réseau, qui disparaissent et apparaissent à des moments non coordonnés et qui varient très rapidement. On doit mettre en place différents mécanismes pour gérer cette variabilité sur le réseau. Pour lisser les crêtes, la solution est de compenser par un apport énergétique extérieur. »

 

Le défi majeur du stockage dans la révolution énergétique

Le gaz ou le nucléaire vont constituer ce back-up dans les prochaines années,  mais le stockage des énergies renouvelables est primordial pour le futur. « Avec le renouvelable, il y a des moments où tout le monde produit et d’autres où personne ne produit », poursuit Serge Peeters. « Quand on est en surproduction, on désaccouple du réseau les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques. Il est donc nécessaire d’avoir des solutions de stockage décentralisées, mais aussi localisées, au pied des éoliennes par exemple. Différentes technologies de stockage sont déjà disponibles – batteries lithium-ion ou encore stockage sous forme d’hydrogène –, mais leur gestion doit encore être développée avec les GRD, qui ne bougeront pas tant que le législateur ne bouge pas, puisqu’ils sont pieds et poings liés à leurs rôle et obligations. En Allemagne, une dérogation à la législation permet tout du moins d’autoriser des batteries pour le solaire au niveau résidentiel. »

Devenir producteur d’énergie implique actuellement d’assurer une garantie de sécurité d’approvisionnement assortie d’une série de contraintes légales. « Les batteries dont on parle aujourd’hui pour la maison ont un stockage limité à quelques heures », remarque Menno Janssens. « La transformation de la production d’électricité en hydrogène est une technologie de stockage longue durée, qui existe mais qui est assez chère. On se doit de se poser la question du coût pour la société. Certaines technologies ne sont pas utilisables parce qu’elles sont encore trop chères, mais on cherche des solutions, et le coût des technologies baisse avec la demande ».

 

Miser sur le microgrid

« La digitalisation est un grand défi. Avec toutes les nouvelles technologies, on va devoir changer l’ADN de la société. » Menno Janssens (Elia)

 

De grands projets verront le jour. Ainsi, la géothermie profonde est une voie d’avenir. Un site pilote à proximité de la centrale nucléaire de Mol permet de travailler dans les zones de chaleur moyenne dont dispose la Belgique. L’hydroélectrique est de plus un moyen de stockage très efficace, mais Serge Peeters est critique quant à l’efficience des projets qui pourraient prendre vie en Belgique, étant donné les faibles dénivelés du territoire – on parle notamment d’un projet de lac artificiel à La Roche-en-Ardenne, au cœur d’une réserve naturelle.

De manière générale, il prêche pour le développement du microgrid : « Le photovoltaïque nécessite de l’espace. On va aller grignoter sur le domaine de l’agriculture ? Le microgrid offre, selon moi, le plus de possibilités. L’avenir du renouvelable est dans les citoyens et dans les petites structures ».  Menno Janssens opine : « Le consommateur doit être au centre de la transition énergétique. C’est une nouvelle philosophie, mais c’est bien que tout le monde soit impliqué ».

Des innovations pourraient modifier le paysage, comme l’intégration du photovoltaïque en façade, mais c’est surtout une multiplication des initiatives qui est plus qu’attendue. « Le photovoltaïque a été vendu au départ comme un produit financier plus rentable qu’un placement banque, et ceux qui se sont permis d’acheter du photovoltaïque n’avaient pas de difficulté à payer leurs factures électriques en fin de mois », remarque Serge Peeters. « Les prix ont chuté. Aujourd’hui, il est nécessaire que des communautés se créent, éventuellement par le biais des entités communales, dans la perspective des ‘smart cities’. Pourquoi ne pas louer des espaces de toiture sur des bâtiments publics, des sites industriels ou auprès de gens ayant de plus faibles revenus ? » Il plaide aussi en faveur du petit éolien : « On peut installer des éoliennes sur de grands axes en milieu urbain. Pour les particuliers, il y a une lourdeur au niveau des démarches administratives et il faut souvent plus d’un an pour obtenir une réponse à une demande de permis d’urbanisme, qui sera négative dans plus de 50 % des cas. C’est pour cela que le photovoltaïque a tellement le vent en poupe ».

 

Impact du boom des voitures électriques

Menno Janssens avance que la démocratisation des voitures électriques est proche : « L’année prochaine, une voiture électrique ne sera pas plus chère qu’une voiture normale, si on prend en compte les prix de l’essence et de l’électricité sur toute leur durée de vie. Et dans quelques années, elles seront au même prix d’achat. On voit aujourd’hui des Shell, Total et autres groupes pétroliers acheter des start-up innovantes actives dans l’installation de bornes électriques. Le retard pris en Belgique dans l’implantation de ce réseau va être rattrapé ». Il remarque que les voitures électriques constitueront aussi une source potentielle d’approvisionnement d’énergie pour les maisons.

Serge Peeters appelle à un changement des mentalités : « Un Chinois va acquérir un moyen de transport (scooter, vélo, voiture…) en fonction de son  travail, qui représente 99 % de ses déplacements. En Europe, on a vécu sous le paradigme ultra-libéral ‘Ma voiture, c’est ma liberté’ et il nous faut un moyen de déplacement pour nos vacances, qui répond à 1 % de notre temps. S’il y a autant de voitures électriques demain que de voitures à explosion aujourd’hui, ce sera ingérable. Avec 50 litres de mazout, on est capable de rouler 800 km ou de chauffer une villa pendant une journée d’hiver. Avec 75 kWh, on fait 350 km mais c’est 15 fois la consommation en électricité d’une maison sur une journée. Les gens doivent cibler l’économie d’énergie parce que l’électrification continuera à croître. Il y a quelques années, on chargeait son GSM une fois par semaine. Aujourd’hui, on est des milliards à charger nos smartphones une fois par jour ! »

 

BECI Community 5 juin 2018
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