[Article invité]
Une manière de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs
Dans le cadre de la crise actuelle, beaucoup de sociétés souhaitent récompenser leurs travailleurs de manière simple et (para)fiscalement avantageuse.
Dans ce contexte, une piste intéressante peut consister à faire voter par l’assemblée générale de la société, qui se tient généralement au printemps, l’octroi aux travailleurs de tout ou partie du bénéfice de l’exercice comptable 2022 sous la forme d’une « prime bénéficiaire ».
Cette prime est intéressante, car elle est exonérée de cotisations sociales patronales et fait l’objet d’une taxation réduite dans le chef des travailleurs. Il est donc temps de l’envisager !
Le concept de prime bénéficiaire
La prime bénéficiaire est réglementée par la Loi du 22 mai 2001 relative aux régimes de participation des travailleurs au capital et aux bénéfices des sociétés. Elle est définie comme « la prime qui est octroyée en espèces dans le cas où la société (…) souhaite octroyer une partie ou la totalité du bénéfice de l’exercice comptable aux travailleurs (…), dont les modalités spécifiques sont en adéquation avec les prescrits de cette loi et sont repris dans une décision de l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire ».
Une prime qui exige un bénéfice
La définition qui précède implique l’existence d’un bénéfice. A défaut de bénéfice, il n’est donc pas possible d’accorder une prime bénéficiaire. Précisons aussi que les A(I)SBL, qui ne sont pas assujetties à l’impôt des sociétés pour les résidents ou les non-résidents (mais bien à l’impôt des personnes morales), ne peuvent pas octroyer une prime bénéficiaire en vertu de la Loi du 22 mai 2001.
Une prime collective
La prime bénéficiaire est une prime collective. Elle doit être instaurée au profit de tous les travailleurs de l’entreprise. Toutefois, l’ouverture du droit à cette prime peut être soumis à une condition d’ancienneté d’un an maximum. Les travailleurs démissionnaires et licenciés pour motif grave durant l’exercice comptable considéré peuvent en principe être exclus. D’autre part, à certaines conditions, la prime peut être proratisée en fonction des prestations effectives de travail. Enfin, le mécanisme de la prime bénéficiaire est réservé aux travailleurs salariés. Les dirigeants d’entreprise indépendants en sont donc automatiquement exclus.
Deux formes de prime bénéficiaire sont possibles
En pratique, la prime bénéficiaire, payée en espèces, peut prendre deux formes distinctes :
– Soit une prime dite « identique », dont le montant est égal pour tous les travailleurs ou correspond à un pourcentage égal de leur rémunération. Il suffit alors que l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire (dont le procès-verbal contient certaines mentions obligatoires) décide à la majorité simple des voix de l’octroi de la prime. L’employeur informe ensuite par écrit les travailleurs de cette décision (par exemple, par e-mail). Les syndicats n’interviennent pas.
– Soit une prime dite « catégorisée » accordée à tous les travailleurs, mais dont le montant dépend (dans une tension maximale de 1 à 10) de critères objectifs déterminés par la Loi (par exemple : l’ancienneté, la fonction). Dans ce cas, outre une décision de l’assemblée générale, la prime doit notamment faire l’objet d’une convention collective de travail spécifique (ou un acte d’adhésion en l’absence de délégation syndicale dans l’entreprise) répondant à certaines conditions.
Une initiative de l’employeur, avec quelques balises
Chaque employeur est libre d’allouer ou non une prime bénéficiaire, mais celle-ci ne peut pas venir en remplacement d’une rémunération ou de tout autre avantage. De plus, le montant total des primes bénéficiaires ne peut pas dépasser 30% de la masse salariale brute totale.
Les atouts de la prime bénéficiaire
La prime bénéficiaire n’est pas assujettie aux cotisations ordinaires de sécurité sociale. Fiscalement, seule une taxe de 7% est due. La prime est toutefois soumise à une cotisation de solidarité de 13,07% à charge du travailleur et n’est pas déductible, dans le chef de l’employeur, à l’impôt des sociétés.
Outre son traitement (para)fiscal avantageux, la prime bénéficiaire a d’autres atouts : elle n’est pas intégrée dans le calcul de la norme salariale et peut être octroyée de façon non récurrente.
Pensez-y !
à propos de l’auteure
Nadège Toussaint, Avocat – Senior Associate, CLAEYS & ENGELS Avocats