[Article invité]
La rémunération cotisable au sens légal
Légalement, un avantage ne peut être considéré comme de la rémunération à assujettir aux cotisations de sécurité sociale que si quatre conditions sont cumulativement remplies. Il doit s’agir d’un avantage évaluable en argent (1), auquel le travailleur a droit (2), à charge de l’employeur (financièrement et/ou juridiquement) (3), en raison de son engagement (4).
Si l’une de ces conditions légales n’est pas satisfaite, l’avantage est exclu de la notion de rémunération cotisable.
Légalement, l’avantage doit être « à charge de l’employeur »
Ainsi, si un avantage est accordé par une société X (entité tierce) aux travailleurs occupés sous contrat de travail par une société Y – employeur, il est possible de soutenir que le critère « à charge de l’employeur » n’est pas satisfait. C’est le cas si l’employeur des travailleurs bénéficiaires n’intervient d’aucune manière dans le financement de l’octroi de l’avantage en question (ni directement ni indirectement, par exemple via une refacturation) et si les travailleurs ne peuvent pas invoquer un engagement juridique de leur employeur en vue d’obtenir l’avantage concerné.
En substance donc, si l’avantage accordé à des travailleurs n’implique pour leur employeur ni une charge financière ni une charge juridique, cet avantage ne constitue pas de la rémunération en droit de la sécurité sociale et les cotisations « ONSS » ne sont dès lors pas dues sur celui-ci.
L’ONSS invoque la « contrepartie du travail presté »
Or, depuis quelques années déjà, l’ONSS ne prend pas cette règle en considération, par exemple lorsqu’il remet en cause des systèmes de commissionnement mis en place par une entité tierce à l’attention de vendeurs, occupés chez un employeur à d’autres tâches, mais qui proposent les produits de l’entité tierce aux clients. Le plus souvent, dans ce cas, l’ONSS réclame à l’entité tierce (« tiers payant » au sens de la réglementation) le paiement de cotisations sociales calculées sur les commissions, considérées donc comme de la rémunération.
Certes, dans ce cadre, l’ONSS trouve un appui dans un arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 2019 selon lequel dès qu’un avantage constitue la « contrepartie du travail », il ne serait même plus nécessaire de vérifier si le critère « à charge de l’employeur » est satisfait ou pas. Dans ses « Instructions », l’ONSS va même plus loin en mentionnant qu’il suffit que l’attribution de l’avantage ait un lien avec la fonction exercée par le travailleur chez son employeur.
C’est une interprétation extensive, discutable et à baliser
Ces positions sont critiquables à la lumière de la définition légale de la rémunération. Ainsi, à supposer même que l’on puisse considérer qu’un avantage est attribué en contrepartie du travail presté pour l’employeur (par exemple, parce que la vente des produits de l’entité tierce aurait un lien avec les prestations réalisées en vertu du contrat de travail), cela signifie tout au plus (selon une lecture correcte de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation) que les travailleurs y ont droit mais pas que ces avantages sont automatiquement « à charge de l’employeur ». Or, ce critère doit être rencontré et avéré pour que l’on puisse parler de rémunération.
En tout état de cause, les avantages visés ne sont pas ‘nécessairement’ accordés « en contrepartie du travail presté » pour l’employeur. Ils peuvent l’être pour d’autres raisons et notamment dans le cadre d’une relation exclusive, ayant un autre objet et sur base indépendante le cas échéant, entre les travailleurs et l’entité tierce. La jurisprudence évolue favorablement dans ce sens, concernant notamment des actions gratuites attribuées par une maison-mère étrangère à des travailleurs occupés par des filiales belges, et ce, pour d’autres raisons (fidélisation au Groupe, etc.) que la récompense du travail presté dans le cadre du contrat de travail.
En conclusion
Il est critiquable de considérer, comme l’Inspection de l’ONSS a tendance à le faire, qu’une pratique d’avantages accordés par une entité tierce, notamment dans le cadre de systèmes de commissionnement, engendre quasi systématiquement des avantages rémunératoires cotisables. Chaque situation doit être examinée au cas par cas, à la lumière des dispositions légales applicables (en particulier quant au critère « à charge de l’employeur ») et en délimitant correctement le concept de « contrepartie du travail presté ». Ce sont des éléments à garder à l’esprit en cas de questionnements à ce propos lors de contrôles « ONSS ».
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à propos de l’auteure
Nadège Toussaint, Avocat – Senior Associate, CLAEYS & ENGELS Avocats