[article invité]
Le 12 octobre 2020, la Cour du travail de Gand, division Gand, a clôturé une saga bien connue en matière de discrimination par un anti-climax, après un parcours commencé il y a plus de 10 ans devant les tribunaux du travail d’Anvers et qui prend fin après des interventions de la Cour de cassation et de la Cour de justice de l’Union européenne.
Une travailleuse, agissant avec le support d’Unia, a fait valoir devant le tribunal du travail d’Anvers qu’elle avait été victime d’une discrimination fondée sur sa religion après avoir été licenciée par son employeur parce qu’elle avait soudainement voulu porter un foulard islamique pendant l’exécution de son travail de réceptionniste et ne voulait donc plus respecter le code vestimentaire de l’entreprise. L’employeur avait une politique dite de neutralité forte, combinant le respect de chacun avec l’interdiction, pour les travailleurs qui entrent en contact avec les clients, de porter des signes distinctifs politiques, philosophiques ou religieux visibles sur le lieu de travail. La travailleuse concernée a considéré cette politique de neutralité de son employeur comme une discrimination directe ou au moins indirecte sur base de sa religion.
Au cours de la procédure, il était déjà apparu que l’interdiction ne constituait certainement pas une discrimination directe. Pour conclure, la Cour du travail de Gand a jugé, dans un arrêt particulièrement motivé, que la politique de neutralité forte de l’employeur ne constituait pas une discrimination indirecte, car il n’y avait pas de désavantage particulier pour un groupe bien défini de personnes ayant droit à une protection. À titre subsidiaire, la Cour du travail a également examiné s’il aurait pu être question d’une discrimination indirecte si la Cour avait constaté l’existence d’un désavantage particulier. La conclusion a été qu’il n’y avait pas non plus de discrimination indirecte, étant donné que l’interdiction était dans le cas d’espèce limitée aux membres du personnel qui entrent en contact avec les clients.
Neutralité : Que pouvez-vous retirer de cette jurisprudence en tant qu’employeur privé ?
- Un employeur privé choisit s’il souhaite mettre en œuvre une politique de neutralité forte, c’est-à-dire une politique de neutralité interdisant le port de signes politiques, philosophiques ou religieux visibles sur le lieu de travail.
- Une telle politique n’est pas discriminatoire à l’égard des personnes qui souhaiteraient également pouvoir exprimer leurs convictions religieuses ou philosophiques au travail.
- Un employeur doit effectivement appliquer sa politique de neutralité de manière cohérente et systématique.
- Un employeur peut limiter la neutralité forte aux membres du personnel qui entrent en contact avec les clients.
- Une conséquence logique de cet arrêt est qu’une politique de neutralité forte pour tous les travailleurs de l’entreprise doit également être possible. Une définition appropriée de l’objectif est alors bien sûr recommandée.
À propos de l’auteur
Véronique Pertry, Partner chez Eubelius