[Article invité]
Les remboursements de frais effectivement exposés par les travailleurs pour les besoins de l’exercice de leur fonction sont, en principe, exonérés de cotisations de sécurité sociale et d’impôts. Sont ainsi visés les frais de télétravail, les frais liés à l’usage professionnel de la voiture (parking, car wash, etc.) ou encore les frais de représentation (cadeaux d’affaires, frais de participation à des événements professionnels, cafés, etc.).
La pratique de forfaits de frais est possible mais elle doit être envisagée avec prudence.
Dans ce cadre, nombreuses sont les entreprises qui accordent aux travailleurs concernés des indemnités de frais fixées forfaitairement, très souvent sur base mensuelle. En effet, un remboursement sur base réelle, sur présentation de pièces justificatives, peut engendrer unecharge administrative trop lourde pour les employeurs.
Cependant, les employeurs doivent mettre en œuvre leur politique de forfaits de fraisprudemment et divers conseils sont de mise (ventilation des frais, ruling fiscal, règlement, etc.). En effet, l’Inspection de l’ONSS postule régulièrement de l’employeur la régularisation des cotisations patronales et personnelles de sécurité sociale (le cas échéant avec pénalités)sur tout ou partie des forfaits.
Dans ce sens, outre l’existence de doublons avec des remboursements réels via notes de frais,l’ONSS invoque souvent que l’employeur ne prouve pas, en suffisance, la réalité des dépenses professionnelles supportées par les travailleurs et le chiffrage de celles-ci pour parvenir aux montants forfaitaires appliqués pour les couvrir. Ceci vaut surtout pour les frais de représentation. Parfois, l’ONSS postule même, pour le passé, des pièces justificatives de cesfrais (tickets, etc.) alors que l’employeur ne dispose pas légitimement de ces documents puisqu’il a pratiqué des forfaits, d’ailleurs autorisés par la jurisprudence et les « Instructions » de l’ONSS lui-même.
En principe, il appartient à l’employeur de prouver la réalité des frais couverts par les forfaits.
Certes, en la matière, la charge de l’employeur appartient légalement à l’employeur. En effet, la réglementation de sécurité sociale prévoit qu’en cas de contestation quant au caractère réel des frais à charge de l’employeur, ce dernier doit démontrer la réalité de ces frais au moyen de documents probants ou, quand cela n’est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun (sauf le serment). Ceci étant, les exigences de l’ONSS apparaissent souvent démesurées dans le cadre de cette disposition, qui doit être appliquée de façon raisonnable et pondérée.
Toutefois, il convient de tempérer cette charge de la preuve. La jurisprudence le confirme.
La Cour du travail de Mons l’a rappelé, très justement, dans un arrêt du 2 juin 2022. Ainsi, de manière générale, la Cour indique que pour ce genre de frais, peu élevés, ce qu’on demande à l’employeur, ce n’est pas de les prouver pour chaque travailleur, mais en quelque sorte d’expliquer que ce qu’il a établi dans ce contexte est réel, existe effectivement. Pour ce faire, l’employeur peut utiliser tous les modes de preuve à sa portée, à l’exclusion du serment.
Plus spécifiquement, concernant les frais de représentation, tels que des frais de consommations, des frais encourus pour petits cadeaux personnels et attentions à l’égard de clients, etc., la Cour estime qu’il est difficile de les prouver à l’aide de justificatifs à moins d’imposer une charge administrative disproportionnée tant aux travailleurs à titre individuel qu’à l’employeur de façon globale. Selon la Cour, pour les travailleurs assurant une fonction de direction ou de confiance incluant une fonction de représentation ou simplement parce qu’ils sont fréquemment en contact avec divers partenaires externes, de tels frais sont réalistes afin d’assurer l’image et la représentation de la société auprès de ces derniers. De telles dépenses doivent dès lors être considérées comme des frais propres à l’employeur exemptés de cotisations sociales.
En synthèse
De ce qui précède, il convient de retenir que l’employeur, même s’il ne peut pas s’affranchir de la charge de la preuve qui lui incombe, doit avant tout démontrer (sur la base de descriptifs de fonctions, d’agendas, etc.) que les forfaits de frais qu’il applique sont plausibles vu la nature des activités exercées par les travailleurs concernés et des dépenses que cela implique, et que les montants forfaitaires accordés sont raisonnablement en rapport avec la hauteur réelle des dépenses exposées par les travailleurs visés dans l’exercice de leur fonction. Si cette preuve est rapportée d’une manière ou d’une autre, les forfaits de frais sont justifiés. L’ONSS ne peut donc pas en exiger davantage de la part de l’employeur et certainement pas des pièces chiffrées justificatives.
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À propos de l’auteure
Nadège Toussaint, Senior Associate Lawyer at Claeys & Engels
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