Bruxelles, avec les institutions européennes et les nombreux sièges internationaux d’entreprises et d’organisations, est une capitale de la traduction. Un service qui s’exporte et qui aide les entreprises à s’exporter. Comment les bureaux belges sont-ils reconnus à l’étranger ? En quoi leurs services peuvent-ils aider les entreprises belges ? Quels sont les défis du secteur de la traduction ? Le point avec trois experts.
En Belgique, la traduction est un secteur qui marche. Tout d’abord, parce que notre pays lui-même est multilingue. Ensuite, parce que notre capitale compte de nombreuses institutions européennes et les sièges internationaux de multiples sociétés internationales. C’est d’ailleurs souvent via celles-ci que les bureaux de traduction belges se font connaître à l’étranger. « Mon premier gros client était une société multinationale de télécommunications. J’ai beaucoup travaillé pour celle-ci et ensuite le bouche à oreille a fait son œuvre. Quand je travaille pour une filiale belge, je suis contacté tôt ou tard par des filiales étrangères du même groupe », commence Erik Buelens, du bureau Litteris.
Pour les entreprises belges qui souhaitent conquérir un marché étranger, faire appel aux services d’un traducteur est une étape indispensable. « Même si on considère l’anglais comme la langue véhiculaire, il est clairement établi que les personnes préfèrent être informées dans leur propre langue », explique Ania Barbé, d’Ubiqus Belgium. Sites web, manuels d’utilisation, fiches produits, contrats, textes rédactionnels… sont autant de textes qui doivent être traduits lorsqu’une entreprise veut s’adresser à une autre communauté linguistique. Cela va aussi dans l’autre sens, quand une entreprise reçoit des textes d’une filiale étrangère et qu’elle souhaite les réutiliser sur son propre marché.
Des services de plus en plus larges
Nos trois experts s’accordent sur le fait que le temps où l’on se contentait de « traduire » est révolu depuis longtemps. « Les traducteurs et interprètes sont le trait d’union entre l’entreprise et ses différents interlocuteurs (clients, fournisseurs, partenaires, prospects, etc.) », assure Ania Barbé. Aujourd’hui, les bureaux de traduction se positionnent comme de véritables partenaires des entreprises et leur proposent des services de plus en plus variés.
Raphaël Choppinet, de l’agence Beelingwa, explique ainsi que ces dernières années, il a adapté son offre afin d’accompagner au mieux les entreprises dans leur processus d’internationalisation et de mieux répondre aux besoins de ses clients. « Outre nos services de traduction, nous proposons désormais des services de webmarketing international et de communication multilingues au sens large, tels que le SEO international, la gestion multilingue des réseaux sociaux, le marketing de contenu à l’international, etc. », explique-t-il.
Lorsqu’on s’adresse à un marché étranger, traduire ne suffit pas. « Il faut adapter sa stratégie de communication au marché que l’on vise », explique Raphaël Choppinet. En effet, ce qui fonctionne sur le marché belge ne va pas forcément fonctionner sur un marché italien ou asiatique. Par ailleurs, pour séduire un public étranger, il faut connaître ses valeurs, sa façon de communiquer, ses canaux préférentiels de communication, son humour… et adapter sa communication en fonction de tout cela. « Dans ce cadre, connaître la culture du pays dans lequel on veut s’implanter est très important et la présence sur place de nos traducteurs est un atout majeur », ajoute-t-il.
Ania Barbé confirme que les missions confiées à Ubiqus sont très variées : « Nous faisons bien sûr de la traduction de textes pour tous types de support et du sous-titrage (pour les films d’entreprise par exemple), mais nous proposons aussi des services d’interprétation qui sont de plus en plus demandés. »
Qualité et crédibilité
Erik Buelens, de son côté, estime que le premier service à offrir au client est un regard critique sur ses textes : « Je constate que les compétences en expression écrite – pour ceux dont ce n’est pas la spécialité – sont en baisse de façon généralisée, quel que soit le niveau de fonction de la personne. L’orthographe, le style, la structuration du contenu… tout cela a régressé. » Un produit ou service peut être génial, si la communication est maladroite, c’est cette impression qui rejaillit et prévaudra dans la tête du client potentiel. Pour lui, proposer au client des améliorations du texte, en amont de la traduction, constitue une valeur ajoutée.
Une communication de qualité pour une meilleure crédibilité de leur entreprise, voilà bien ce que les traducteurs veulent garantir à leurs clients. Cette qualité, tous la cherchent via différents moyens. « Lorsque l’on sous-traite des textes, nos linguistes les vérifient toujours. Cela permet de garantir la qualité de nos services et d‘offrir au client un service après-vente. Nos traducteurs sont par ailleurs tous des ‘natives speakers’ », assure Ania Barbé. « Pour certains domaines qui nécessitent de maîtriser un vocabulaire spécifique, comme le droit ou la médecine, nous faisons aussi appel à des linguistes spécialisés », poursuit Raphaël Choppinet. Et Erik Buelens d’ajouter : « Plus la relation avec le client est personnelle, plus le travail fourni sera bon. J’essaye donc toujours d’apprendre à connaître le client pour mieux cerner ses attentes. Cela crée un climat de confiance. »
Vers une automatisation des traductions ?
Si le secteur de la traduction est en pleine expansion, les défis à relever sont toutefois nombreux. La multiplication des canaux d’information, tout d’abord. Avec la numérisation, les supports digitaux sont de plus en plus utilisés et représentent une part importante des demandes de traduction. Mais on n’écrit pas pour le web comme pour le papier. « Les textes destinés à Internet doivent être rédigés différemment et respecter certaines règles de la lecture sur écran. Il faut tenir compte des habitudes des internautes. Par ailleurs, on nous demande aussi souvent de respecter des règles SEO », explique Ania Barbé.
Un constat partagé par Raphaël Choppinet qui précise : « À l’ère du numérique, les agences de communication multilingues ne doivent pas se contenter de traduire du contenu. Elles doivent accompagner leurs clients afin d’améliorer la visibilité et le taux de conversion de ce contenu ». Ania Barbé souligne aussi que les délais souhaités par les entreprises sont de plus en plus courts et les formats informatiques de plus en plus variés. « Cela nous oblige à nous former pour pouvoir continuer à répondre aux attentes de nos clients », explique-t-elle.
L’autre grand défi est celui de l’automatisation des traductions. En effet, grâce à l’intelligence artificielle, de nombreux outils de traduction automatique se développent et se perfectionnent. Doit-on dès lors craindre une disparition du métier de traducteur ? Pour nos trois experts, la réponse est clairement non. Mais s’adapter sera sans aucun doute nécessaire… Et Ania Barbé d’expliquer : « On va de plus en plus aller vers un service de traduction qui combine le travail de la machine à celui de l’homme. »
Pour certains textes très factuels, les logiciels de traduction peuvent en effet fournir une bonne base de travail. Pour d’autres, pas du tout. « L’intervention humaine sera toujours nécessaire. Il y a, dans les textes rédactionnels et littéraires, des exigences stylistiques qu’aucune technique ne rencontre. La numérisation a ses limites », estime Erik Buelens. Il faudra cependant veiller à en convaincre les entreprises. « Certaines sociétés n’arrivent plus à percevoir la valeur ajoutée de l’intervention humaine et cela crée une pression importante sur les délais et les prix », conclut Ania Barbé.
Les big data au service du secteur de la traduction
De Google Translate à des outils professionnels payants, de plus en plus de programmes permettent d’automatiser une partie des traductions… avec des résultats plus ou moins concluants. Une partie de cette automatisation est rendue possible par l’utilisation des big data, notamment les textes des pouvoirs publics accessibles à tous.
Erik Buelens explique : « On utilise des modules statistiques pour dégager des tournures de phrase et des choix terminologiques pertinents. Plus le module travaille, plus il développe et affine ses algorithmes. La machine apprend à choisir les mots les plus appropriés plutôt que d’utiliser le premier synonyme venu. » L’exercice a ainsi été fait récemment sur le thème du RGPD avec de très bons résultats.