Bruxelles, terre de starters

3 décembre 2024 par
Philippe Beco

Malgré les obstacles, Bruxelles reste un lieu favorable à l’épanouissement des jeunes pousses. Chiffres et témoignages à l’appui…

Un débat anime régulièrement les esprits bruxellois : la capitale perdrait-elle ses entrepreneur·es à vitesse accélérée, victime d’un environnement défavorable à l’épanouissement des affaires ? Réel, le malaise dénoncé par certains s’illustre dans les chiffres du baromètre des indépendants et PME. Mené par Brupartners auprès de plus de 300 porteur·ses de projets, sa levée de l’automne 2023 indiquait que pas moins de 39% envisageaient de transférer leur entreprise hors de la région de Bruxelles-Capitale. Mobilité et parking, charges et taxes, propreté et insécurité : leurs doléances sont connues.

Des chiffres nuancés

Jusqu’à quel point ces sentiments se traduisent-ils en actes ? On sera curieux de découvrir les nouveaux chiffres dans quelques mois mais ceux dont on dispose déjà incitent à la nuance. Ainsi, en 2022, l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse dénombrait un peu moins de 3.000 départs de sociétés – dont 2.000 vers le Brabant Wallon et Brabant Flamand – pour 2.000 arrivées. Des chiffres similaires à ceux enregistrés un an plus tôt et qui traduisent donc une certaine stabilité. Par ailleurs, ce solde migratoire négatif est perçu par plusieurs comme naturel et pas forcément inquiétant, beaucoup de ces sociétés continuant d’évoluer dans l’hinterland économique bruxellois. 

D’autant que coté créations d’activité, on assiste à une légère croissance, à en croire l’Atlas du Starter publié par Graydoncreditsafe, l’UCM et l’Unizo l’été passé. Entre 2017 et 2023, Bruxelles a accueilli chaque année entre 12 et 13.000 nouvelles entreprises, « en personne physique » y compris. Avec un taux de 9,7 créations pour 1000 habitants, la capitale affiche aussi une belle densité de starters, à peine inférieure à celle de la Flandre.  

Bruxelles semble donc receler encore de nombreux atouts. Rencontre avec deux entrepreneurs qui expliquent pourquoi ils l’ont choisi pour lancer leur business.


Alexander Stevens a créé Greenomy en 2021. Sa plateforme accompagne les sociétés et leurs investisseurs dans la production, l’analyse et la transmission de données et rapportage ESG, permettant notamment de se conformer à la règlementation européenne CSRD. Fin 2022, la scale-up a accueilli Euroclear comme actionnaire de poids, lui permettant d’attaquer résolument le marché européen.

Bruxelles plutôt que Londres ou Amsterdam

« Il n’y a pas de meilleur endroit pour lancer une regtech. On est au cœur des institutions où les législations ESG sont adoptées et là où siège l’EFRAG, le groupe consultatif auquel la Commission a confié l’élaboration des normes de reporting. Beaucoup de conférences et de réunions se tiennent ici. Nous rencontrons les acteur·rices et sommes informés des développements très rapidement. Et nous sommes idéalement situés entre Paris, Londres, Luxembourg, Amsterdam et Francfort – des villes qui comptent commercialement pour nous ».

Présence du Venture Capital plutôt limitée : un handicap ?

« Pas de mon point de vue. A notre lancement, nous avons trouvé un très bon partenaire financier en finance&invest.brussels, en plus d’une série de business angels et family offices belges et luxembourgeois. Aujourd’hui, Euroclear est notre actionnaire de référence mais nous sommes approchés par des VC et des sociétés de Private Equity de partout en Europe et des Etats-Unis. Un élément clé est que dès le départ, nous avons pris soin de nous positionner comme une entreprise européenne plutôt que belge ».

Attirer des talents

« En vraie entreprise européenne, un petit tiers de notre équipe est dispatchée à travers le continent. Mais notre centre de gravité demeure à Bruxelles et très franchement, cela a plein d’avantages. Le coût de la vie fait qu’il est beaucoup moins cher de monter une boite ici qu’à Londres. Il y a aussi moins de concurrence. Le grand handicap - belge plus que bruxellois – est celui du régime fiscal des stocks options, qui nous pénalise véritablement face aux autres pays européens ».

Ecosystème local : suffisamment riche ?

« Avec LHoFT, Luxembourg a pris l’initiative inspirante de rassembler toutes ses fintechs et regtechs sous un même toit. On pourrait s’en inspirer. Cela dit, le BeClimate Hub, qui rassemble des entreprises du climatetech est très prometteur. Il y a aussi fintech Belgium, les acteurs publics et les mastodontes financiers que sont Euroclear et Swift. Les startups innovantes peuvent travailler avec tous ces acteurs. Au-delà, je crois qu’un écosystème est vraiment en train de se constituer avec une foule de créateur·rices, de studios comme efounders, et des exemples à suivre comme Collibra. C’est très vertueux »


Thibault Vanhaelen a créé foodiz avec Quentin Walravens en 2020. Sa cantine en ligne pour entreprises a installé ses cuisines à Laeken. Elle livre aujourd’hui près de 800 repas par jour dans 80 entreprises et étend désormais sa présence en Wallonie.

Bruxelles, choix stratégique

« Peut-être aurions-nous rencontré le même succès en nous lançant ailleurs mais Bruxelles était une évidence au regard de notre business model, axé à 100% sur le BtoB. D’une part, la ville regroupe des grandes concentrations de bureaux - quartier européen, zone Zaventem/Diegem/Evere, plein centre, Anderlecht, gare du Nord… Ensuite, nous avons trouvé un lieu à la fois proche de nos client·es et de nos fournisseurs, ce qui est absolument clé. Enfin, nous avons pu bénéficier du dispositif d’aides financières, notamment via Hub.brussels et finance&invest.brussels.

Mobilité, obstacle majeur ?

« Nous avons pu le déjouer grâce à des livraisons décalées par rapport aux heures de pointe, un dispatching étudié de nos livreurs et une technologie qui nous permet d’informer rapidement nos client·es en cas de retard. Nous voulons voir les challenges comme des opportunités de développer des solutions innovantes.  Mais à terme, si rien n’est fait, le coût du travail en Belgique sera un énorme obstacle à notre croissance. »

Ecosystème perfectible

« Beaucoup de producteur·rices food ont développé une présence bénéfique au nord de Bruxelles, qui nous permet de valoriser le circuit-court. Coté tech, l’expertise est aussi présente. Aujourd’hui, notre plateforme est conçue par une agence. Nous aimerions engager un·e développeur·se en interne mais ne pourrons le faire que quand Bruxelles établira un dispositif d’aide au développement technologique comparable à celui qu’on trouve en Wallonie. »


        ​Alexander Stevens, ​  Quentin Walravens (gauche) et Thibault Vanhaelen (droite),
  ​CEO Greenomy​ ​Co-fondateurs de Foodiz
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Philippe Beco 3 décembre 2024
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