Même mû·e par un désir d’indépendance et une confiance en ses propres moyens, l’entrepreneur·e éprouve parfois un solide sentiment de solitude ou de doutes. Un soutien de ses pairs peut alors s’avérer essentiel.
L’association articule ses activités autour de 5 programmes d’accompagnement dédiés. A Start et Booster s’ajoutent Forward – un accélérateur d’entreprises à impact. Selfmade, lui, aide spécifiquement les femmes à donner vie à leurs ambitions entrepreneuriales. Enfin, le réseau est partenaire du CEd Relance de BECI, à travers son programme Oasis pour les entrepreneur·es en difficulté.
Réseau Entreprendre Bruxelles gère aussi, depuis 2015, un fonds de prêts d’honneur ouvrant aux lauréat·es qui en font la demande l’accès à un montant de 20.000 euros sans intérêt, ni garantie. De quoi favoriser l’accès au financement classique en jouant le rôle d’apport propre, financer des projets opérationnels, ou agir comme une véritable bouffée d’oxygène en attendant de se verser un premier salaire.
C’est via son mari, lui-même entrepreneur, que Séverine Cuvelier a découvert le réseau bruxellois, qu’elle dirige aujourd’hui. Rencontre avec celle qui, après avoir notamment œuvré dans l’entreprise familiale, dit avoir décroché depuis 2016 le job de ses rêves…
Combien d’entrepreneur·es regroupezvous aujourd’hui ?
Nous avons accompagné près de 140 lauréat·es en 2023.
Nous comptons par ailleurs 260 membres, soit autant
d’entrepreneur·es accompagnant, qui payent une cotisation
et donnent de leur temps.
Ce nombre est-il en augmentation ?
Depuis notre création, nous grandissons de façon régulière mais pas exponentielle. Même s’il est riche, l’écosystème entrepreneurial bruxellois n’est pas gigantesque. Par ailleurs, nous limitons l’accès au réseau à celles et ceux qui peuvent se prévaloir d’une réelle expérience entrepreneuriale. Enfin, nous voulons maintenir une taille qui permette à notre équipe d’impliquer tout le monde dans les programmes et animations.
Les entrepreneur·es accompagnant cotisent pour donner de leur temps. Quel est donc leur intérêt ?
Leur implication repose sur un socle de valeurs fortes que sont la gratuité, la réciprocité, le professionnalisme et l’humain. Elle est souvent motivée par l’idée qu’ils ou elles auraient aimé profiter d’un tel soutien en son temps. D’autres souhaitent œuvrer concrètement au développement de leur région. Mais surtout, beaucoup y trouvent l’opportunité d’enrichir leur propre expérience via ces échanges avec des plus jeunes ou qui traversent un autre cycle dans la vie de leur entreprise. C’est notamment le cas en matière de stratégie digitale ou de lancement d’un nouveau business après avoir vendu le premier. Cette implication est purement désintéressée : les membres ont l’interdiction d’investir dans les sociétés en cours d’accompagnement.
Produire un effet miroir grâce à des entrepreneur·es expérimenté·es fait notre singularité
Côté candidat·es, à qui vous adressez-vous en particulier ?
Nous ne sommes pas un incubateur. Les entreprises lauréates disposent déjà d’une certaine traction commerciale. Elles ont typiquement au moins deux ou trois ans d’expérience et un chiffre d’affaires de 100.000 euros ou plus. Mais ces chiffres peuvent varier fortement en fonction du secteur d’activité.
Le réseau dit avoir pour vocation d’« accompagner l’humain plutôt que le projet ». Comment opérez-vous la distinction ?
Avant d’intégrer le réseau, chaque candidat·e s’entretient avec plusieurs membres. L’idée est de regarder réellement les capacités entrepreneuriales de la personne, en particulier son aptitude à pivoter en cas de difficultés, mais aussi ses capacités d’écoute et de remise en question. Par ailleurs, nous pensons que l’accès aux compétences techniques est disponible un peu partout sur le marché. Même si ces compétences existent aussi chez nous, nous voulons, agir en véritable sparring partner de l’entrepreneur·e face à ses difficultés. Notre capacité à produire cet « effet miroir » grâce à des entrepreneur·es expérimenté·es fait notre singularité.
Covid et plans de soutien, crise de l’énergie, inflation et remontée des taux. Comment les soubresauts ont-ils impacté le réseau ?
Sur toute cette période, les sollicitations n’ont jamais diminué. Par contre, le coût du crédit a forcé plusieurs sociétés très orientées « croissance » à se pencher sur leur rentabilité et leur viabilité. Au final, elles sont devenues beaucoup plus saines. Cette « bulle entrepreneuriale » liées à l’argent gratuit suite aux mesures post-covid, ce n’était pas tenable sur le long terme.
A côté du réseau bruxellois, il existe aussi un Réseau Entreprendre Wallonie. Pourquoi cette distinction ?
Nous dépendons en partie de ressources publiques. Or les compétences qui recoupent notre mission sont régionalisées… Nous devons nous engager sur des KPI déterminés par la région, en particulier la contribution à la création d’emplois locaux et durables. Mais, en toute franchise, je serais super fière de voir les réseaux s’unifier sous une seule bannière francophone. Il y aurait là de quoi déployer des synergies tout en conservant des spécificités et objectifs très locaux.
Un mot sur le programme Selfmade, dédié spécifiquement à l’entrepreneuriat féminin…
Nous recevions parfois des échos d’entrepreneures échaudées par notre mission résolument orientée « croissance ». Lors de notre assemblée générale de 2023, j’ai fait la promesse de passer de 20% à 30% de femmes au sein du réseau. En plus de nos autres programmes auxquelles elles participent, nous avons voulu créer un cadre dans lequel les porteuses de projet peuvent échanger entre elles, en toute confiance et sur des sujets qui leur sont propres. Il y a d’une part le sous-programme Foundation, pour passer de l’artisanat ou l’activité passion à l’entrepreneuriat véritable. Et puis Empower, un espace d’échange entre entrepreneures plus établies. Les premiers retours sont très encourageants. A vrai dire, j’ai toujours eu mes doutes sur les réseaux strictement genrés car je pense que les atouts résident réellement dans la mixité. Pour autant, il faut reconnaitre que beaucoup d’entrepreneures sont encore trop souvent victime du « syndrome de l’imposteur ».