L'absentéisme lié à des incapacités de travail est un phénomène qui préoccupe bon nombre d’employeurs et d'employeuses. Cet absentéisme peut considérablement perturber l’organisation et la productivité de leur entreprise. Face à des absences prolongées ou répétées, les entreprises sont souvent amenées à se demander si le licenciement de leur(s) travailleur·euse(s) malade(s) ne serait pas une option à envisager.
Le licenciement d’un·e travailleur·euse en incapacité de travail est permis en Belgique mais présente le risque de voir la personne licenciée invoquer une discrimination fondée sur l’état de santé. Pour éviter ce risque, l'entreprise précise souvent que le licenciement était motivé par la « désorganisation » engendrée par les multiples absences du ou de la salarié·e en question. S’il y a deux ou trois ans, la jurisprudence validait encore ce motif et écartait ainsi l’existence d’une discrimination, la jurisprudence actuelle en la matière s’est durcie et il est devenu très difficile en pratique de démontrer cette désorganisation.
Deux critères généraux
En principe, afin d’écarter l’existence d’un licenciement discriminatoire, il faut être capable de démontrer le respect des deux critères suivants :
- Le licenciement est fondé sur un but légitime. En d’autres termes, dans le contexte qui nous occupe, l’entreprise doit prouver que le licenciement du travailleur ou de la travailleuse malade avait pour but de mettre fin à la désorganisation subie, ce qui suppose de prouver que les absences entravaient effectivement le bon fonctionnement de l’entreprise ;
- Le licenciement est un moyen nécessaire et approprié pour atteindre ce but légitime. En d’autres termes, l’entreprise doit prouver qu’aucune autre solution que le licenciement n’était satisfaisante pour mettre fin à la désorganisation subie.
A défaut d’être capable d’apporter la preuve de ces deux éléments, l’entreprise encourt une sanction équivalente à 6 mois de rémunération, qui peut être limitée à 3 mois si elle parvient à démontrer que le licenciement aurait tout de même eu lieu en l’absence de discrimination.
L’exigence de preuves concrètes et détaillées
La jurisprudence actuelle analyse en détail, au cas par cas, si l’entreprise apporte concrètement la preuve de la désorganisation. Nous vous partageons ci-dessous des exemples de pièces essentielles à rassembler pour limiter le risque de condamnation pour licenciement discriminatoire d’un travailleur ou d'une travailleuse malade :
- Tous les certificats médicaux : La jurisprudence a déjà admis que plusieurs absences de courtes durées sont parfois plus gênantes que de longues absences prévues depuis longtemps. A cet égard, l’indice Bradford peut être utilement mobilisé mais il ne suffira pas, à lui seul, à prouver la désorganisation.
- Preuves de tentatives de remplacement : Le recourt à des intérimaires, à des travailleur·euses sous contrat à durée déterminée, sous contrats de remplacement, ou encore la réaffectation des tâches en interne sont autant de tentatives de remplacement auxquelles la jurisprudence accorde une grande importance. Certaines fonctions sont difficilement remplaçables. Dans ce cas, des refus d’offres ou des emails avec des agences d’intérim pour demander si une personne qualifiée est disponible pourront, par exemple, être utilisés.
- Réaménagement des horaires : Ceci permet de démontrer que l’entreprise a dû se réorganiser pour pallier les absences répétées.
- Surcharge de travail des collègues : Ceci peut être démontré via la prestation d’heures supplémentaires ou l’impossibilité de prendre des congés par exemple.
- Plaintes liées aux absences : Toutes plaintes, de collègues, de clients, ou de supérieurs hiérarchiques sont des pièces importantes pour prouver la désorganisation.
- Preuve d’accumulations et de retards du travail : Ceci peut ressortir, par exemple, de plaintes ou de documents statistiques en interne.
- Information en dernière minute des absences : Un·e travailleur·euse qui prévient constamment l'entreprise en dernière minute de son absence est également un élément de désorganisation validé par la jurisprudence.
Prudence et anticipation
Licencier un·e travailleur·euse malade et dont les absences causent une désorganisation est en principe permis mais tout employeur·euse amené·e à prendre une telle décision s’expose au risque d’avoir procédé à une discrimination fondée sur l'état de santé. Pour limiter ce risque, un dossier complet, détaillé et bien documenté qui prouve la désorganisation est un prérequis indispensable. La préparation de ce dossier ainsi qu’une extrême prudence, en amont de la décision de licencier, sont de mise afin d’éviter les litiges coûteux et les risques de discrimination.
Par Zoé Harles, Associate NautaDutilh et Thierry Duquesne, Partner NautaDutilh
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