Portes d’entrées majeures de Bruxelles, les gares sont aussi un levier de développement et de rayonnement économique.
Quelques lignes dans le programme de notre nouveau gouvernement fédéral n’auront pas échappé à celles et ceux qui s’intéressent à l’avenir du rail dans notre capitale. « Bruxelles est reconnue en tant que nœud de connexion international et l’interconnexion entre les différentes lignes ferroviaires. Le gouvernement examinera de quelle manière des investissements pourront être planifiés pour élargir la capacité de passage à travers la capitale », stipule l’épais document.
Affirmant être « en faveur d’une véritable stratégie européenne pour que le rail devienne une alternative à l’avion », le gouvernement considère encore comme « crucial » que l’aéroport national soit mieux desservi. « Nous améliorons la connexion ferroviaire internationale à grande vitesse entre les nœuds du TGV et l’aéroport de Zaventem» explique-t-il. Plus loin, il s’engage aussi « à lever tous les éventuels obstacles techniques et réglementaires au développement des trains de nuit ».
Nouvelles offres
Le statut international des gares bruxelloises pourrait-il ainsi bénéficier d’un « coup de boost » ? C’est tout ce qu’on peut espérer pour elles ! La communauté business n’a de cesse de répéter que la localisation de la capitale – idéalement située entre Paris, Amsterdam, Londres, Luxembourg et Francfort - est un atout sur lequel elle doit absolument capitaliser grâce à une connectivité renforcée.
Ces dernières semaines, la SNCB semble avoir lancé un mouvement avec deux nouvelles offres. S’ajoutant depuis peu à l’Eurostar, un OUIGO relie désormais Bruxelles à Paris trois fois par jour. Circulant sur la ligne classique, il est un peu plus lent, mais aussi beaucoup moins cher que le train à grande vitesse. Lancé en décembre dernier, l’Eurocity Direct assure quant à lui 16 aller-retours quotidien entre Bruxelles, Amsterdam et Schiphol.
Lutter contre l’insécurité
Il reste encore à l’opérateur et aux différentes autorités bruxelloises à faire des gares internationales bruxelloises des lieux véritablement dignes de leur statut. On connait le déficit d’espaces verts, la malpropreté, l’état de quasi-abandon de certains abords et le sentiment d’insécurité dans le couloir couvert des trams à la gare du Midi. Personne n’a oublié les nombreux incidents de l’été 2023. Depuis, un nouveau poste de police a été installé.
« Les gares sont des lieux de flux de populations importants, propices à l’établissement d’activités illicites. Elles abritent aussi beaucoup de personnes en déshérence, toxicomanes ou sans abri », explique Antoine de Borman, Directeur Général de perspective.brussels. « Mais l’insécurité n’a rien d’inéluctable. En plus des logiques de quartiers à moyen et long terme ou des actions ponctuelles de sécurité, il y a d’autres leviers sur lesquels on peut jouer pour transformer le visage d’une gare », pointe le dirigeant du centre, qui a travaillé à l’élaboration de visions stratégiques pour le développement des quartiers Nord et Midi à destination du gouvernement bruxellois.
Valorisation de l’espace public et connectivité
Antoine de Borman évoque en particulier la valorisation des espaces publiques qui entourent les gares et leur lisibilité. Rappelons aussi l’importance de la connectivité afin d’assurer une liaison la plus fluide possible vers les centres d’affaires et touristiques de la capitale. Côté Nord, un projet de ligne de Tram 15, dont les travaux pourraient débuter en 2026, devrait relier la gare au site de Tour et Taxis. Au sud, il reste à voir ce qui restera du projet de métro 3, sensé relier directement la gare du Midi au centre-ville.
Mons, Liège, Namur, Anvers, Ottignies…toutes ces gares ont bénéficié d’importants – voir colossaux – moyens ces dernières années. Pas Bruxelles. « Pourtant, Midi est la principale gare internationale du pays », déplore Antoine de Borman. « Or aujourd’hui, elle est comme une boîte posée au milieu du quartier. Très peu ouverte, elle souffre d’une mauvaise intégration avec son environnement extérieur. Du coup, elle ne peut pas vraiment jouer son rôle d’attractivité et d’activation du quartier », insiste-t-il. Point d’arrivée de nombreux voyageur·ses internationaux – en provenance de Paris ou de Londres notamment – Midi enregistrait en 2023, en semaine, près de 60.000 passager·ères quotidiens d’après la SNCB. Les chiffres de la gare du Nord sont d’ailleurs comparables.
Investissements publics
Dans le quartier Midi, on sait combien le partage des compétences entre la Région bruxelloise et les communes d'Anderlecht et de Saint-Gilles n’ont cessé de ralentir les processus de rénovation du quartier et de ses espaces publics. Peu à peu, les choses semblent pourtant bouger. L’été passé, on apprenait que la SNCB mettait en vente quatre complexes de bureaux autour du site, dont l’important complexe France-Bara, l’immeuble Atrium boulevard de la Porte de Hal et les immeubles Delta-Zennewater, situés à côté des voies ferrées. Préalable au déménagement de tout son personnel bruxellois dans l'ancien tri postal de la rue Fonsny – un autre projet majeur –, la vente ne sera effective qu'après la livraison provisoire du nouveau siège.
Au printemps 2023, le Gouvernement bruxellois a par ailleurs approuvé, via son contrat de rénovation urbaine (CRU), un programme d’investissement de 22 millions d’euros destinés à améliorer les espaces publics, les espaces verts et les équipements aux abords de la gare. Il s’agit notamment de transformer l’esplanade de l’Europe ou d’activer commercialement les quadrilatères sous les voies. Les travaux devraient débuter en 2028, suite à une première phase d’étude, de développement des projets et d’exécution de marchés publics.
Les gares, centres de savoir
Et puis il y a l’important projet Move’Hub porté par Atenor et BPI Real Estate. Fruit d'échanges entre les développeurs, citydev.brussels, les résident·es, les investisseurs et les acteurs de la Gare du Midi, le projet a obtenu son permis environnemental et urbain en décembre dernier. Sis sur la parcelle face à la sortie côté trains internationaux, entre les rues Bara, Blerot et l'avenue P.-H. Spaak, le projet prévoit 38.000 m² de bureaux. « Aujourd’hui, les gares internationales sont devenues des centres de savoir où les grandes sociétés, start’ups et gens connectés se rencontrent et échangent », explique Sandra Gottcheiner, Development & Innovation Director chez BPI Real Estate. « A une époque où la voiture et l’avion sont progressivement remplacé par une mobilité plus douce, être présent sur ces lieux est une évidence », poursuit-elle.
« Aujourd’hui, les gares internationales sont devenues des centres de savoir où les grandes sociétés, start’ups et gens connectés se rencontrent et échangent » Sandra Gottcheiner, Development & Innovation Director chez BPI Real Estate.
Redonner sa place au piéton
Espérant beaucoup du CRU, la dirigeante explique ainsi que si, aujourd’hui, la gare du midi est si « introvertie », c’est sans doute aussi à cause du « tout à l’auto » dans ses abords. « Il faut, comme dans d’autres grandes gares européennes, redonner au piéton le droit d’être roi sur les esplanades autour, où il faut pouvoir se poser », plaide-t-elle. Et à Bruxelles, il y a de quoi faire ! Quand l’esplanade autour des gares de Paris Nord, Lille Flandres et Rotterdam font respectivement 9.000, 12.000 et 15.000 m² … celle de Bruxelles en fait 30.000 !
King’s Cross en modèle
Répondant à un objectif de mixité fonctionnelle, Move’Hub comprend encore 79 logements dont 65 conventionnés citydev.brussels, destinés à faciliter l'accès à la propriété, ainsi qu’un jardin de 1.500 m² de pleine terre. Le projet prévoit d’activer les rez-de-chaussée via 1.000 m² de commerces, qui devraient aussi faire office de connections entre voyageur·ses et habitant·es du quartier. Les charges urbanistiques de plus de 5 millions d’euros financeront, elles, des projets d’équipements. « Le but est d’assurer une vraie connexion entre la dimension locale, la dimension métropolitaine via le transport multimodal, et la dimension internationale. Et d’en faire aussi un lieu qui vivra 24h sur 24 », souligne Julie Willem, Development Director chez Atenor.
Elle cite comme référence la transformation réussie du quartier de la gare de King’s Cross à Londres, soutenue par plusieurs projets publics-privés. Jadis infréquentable, la zone accueille aujourd’hui les 7.000 salariés du siège européen de Google, aux côtés de nombreux logements, - dont un quart réservé aux plus modestes -, des commerces, espaces de co-working ainsi qu’une école d’art.
Portées par cet exemple, les deux dirigeantes espèrent ainsi voir le quartier Midi transfiguré d’ici 5 ans. « Au-delà des qualités intrinsèques du bâti, notamment de durabilité, nous voulons aujourd’hui des projets qui impactent positivement le quartier et la ville tout entière », conclut Sandra Gottcheiner.