Recul de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, limitation des possibilités de prépension, plan d’emploi pour les 45 ans et plus : aujourd’hui, le travail des « seniors » est au cœur des préoccupations. En effet, recruter et maintenir l’emploi des salariés de 50 ans et plus est une nécessité démographique et économique. Quelques conseils pour une fin de carrière harmonieuse.
Sortir du prisme de l’âge
Bonne nouvelle : les Belges vivent de plus en plus vieux – et en meilleure santé. Mais si la moyenne d’âge de la population augmente, celle des travailleurs aussi. Aujourd’hui, à 50 ans (voire à 45 ans), un travailleur est considéré comme ‘senior’. Pour Joëlle Iland, anthropologue, formatrice et coache professionnelle, c’est une aberration. « À 45-50 ans, on est à peine au milieu de sa carrière et généralement en forme. Il faut arrêter de discriminer les 50+ et sortir des clichés affirmant qu’ils seraient moins performants, réticents aux changements, plus lents, qu’ils apprendraient moins vite…»
Capitaliser sur les atouts des seniors
La proportion des 50+ va augmenter progressivement dans l’entreprise. L’enjeu est de capitaliser sur la valeur de ces travailleurs d’expérience, plutôt que de chercher à s’en débarrasser. « Les 50+ ont de nombreux atouts à offrir aux entreprises. Ils sont en général plus fidèles à leur employeur et ont un sens des valeurs et un rapport à la hiérarchie très différent de celui des jeunes. Ils sont souvent plus patients et plus engagés. Les travailleurs plus âgés peuvent ainsi apporter un certain équilibre à la pyramide des âges. Par ailleurs, lorsque les enfants sont partis de la maison, les travailleurs, en particulier les femmes, voient souvent leur disponibilité augmenter », explique notre experte.
Lever les barrières à l’emploi
Les seniors en recherche d’emploi, fragilisés par la crise, rencontrent de plus en plus de difficultés à signer un contrat de travail. Certaines entreprises estiment leur salaire a priori élevé, d’autres craignent de recruter plus compétent que le futur supérieur, ou encore que les seniors n’aient pas ou plus les compétences nécessaires. « Or, on peut encore tout à fait changer de job à 50 ans. Le senior doit vendre sa maturité et son expertise. Il apporte un savoir-faire, la connaissance d’un métier, d’une clientèle, d’un process de fabrication, du management de projet… Sa force réside dans son vécu qui le rend opérationnel », assure Joëlle Iland, qui constate d’ailleurs dans sa pratique que l’envie de changement ou de reconversion arrive aujourd’hui plutôt vers 50 ans que vers 40. « À 50 ans, on a encore 10 à 15 ans de carrière devant soi. De plus, un senior plus âgé cherchera généralement une fin de carrière stable. » Face à un nouveau job, le senior y restera sans doute jusqu’à la fin de sa carrière, contrairement à un travailleur de 30 ans qui risque d’aller voir ailleurs dans un délai de 3 à 5 ans. Joëlle Iland confirme que le coût salarial peut être un frein à l’engagement. « Les entreprises qui mettent des jeunes à l’emploi bénéficient de nombreux avantages. Il pourrait être intéressant de développer ce type de mesure pour les 50+ », suggère-t-elle. En Belgique, le taux d’emploi des plus de 50 ans n’est en effet que de 57,1 % en 2020.
Mieux vieillir au travail
Un défi reste toutefois de garder ces travailleurs motivés et performants. « Ces deux points dépendent fortement de la nature et de la pénibilité du travail », avance Joëlle Iland. Ainsi, des mesures touchant à la nature de la fonction et à l’ergonomie doivent parfois être prises. Un travail sur l’ergonomie a bien sûr un coût pour l’employeur, mais ce dernier peut être vite rentabilisé grâce à une augmentation de la productivité. Du côté du travailleur, à partir d’un certain âge, il peut être difficile de rester debout, de porter des charges lourdes ou encore de travailler devant un écran toute la journée. « Si l’on veut que l’employé ait envie de continuer à travailler, il faut que ses conditions de travail soient supportables », ajoute-t-elle.
Formation et tutorat
L’idée est la même pour la formation continue : patrons et employés en tirent tous deux des bénéfices. Bilan à mi-carrière, bilan des compétences… sont autant d’outils qui permettent d’envisager une fin de carrière plus stimulante. D’après le Baromètre Retraite, 63 % des salariés de plus de 45 ans aimeraient que leur employeur leur propose un bilan individuel. Joëlle Iland met toutefois en garde : « Ces bilans et évaluations de doivent pas rester lettre morte. Il faut que des actions concrètes en découlent. Si le senior sent qu’il est mis sur une voie de garage, il ne pourra pas rester motivé au travail. »
Une autre piste à creuser est celle du tutorat. Les salariés expérimentés ont un rôle essentiel à jouer dans la transmission de la mémoire, des valeurs, des savoir-faire opérationnels et des savoir-être au sein de l’entreprise. « Un 50+ est riche d’une expérience irremplaçable et souvent prêt à transmettre ses savoirs aux jeunes générations », assure l’anthropologue. « Mieux que tout autre salarié, les seniors peuvent ainsi faciliter l’intégration des plus jeunes, former du personnel qualifié, une main-d’œuvre compétente qui pourra prendre le relais et assurer la pérennité de l’entreprise. Le must est que ce tutorat aille dans les deux sens et que les plus jeunes puissent par exemple partager leurs compétences du digital », ajoute-t-elle. Avoir une pyramide des âges harmonieuse au sein des entreprises est un atout. Ce qui fait la richesse d’une entreprise, c’est sa diversité.
Enfin, la reconnaissance et le plaisir au travail sont primordiaux. « Avoir du plaisir au travail, être en accord avec ses valeurs, travailler dans une ambiance et un lieu de travail agréables, avoir des possibilités de formations et d’évolution de carrière… sont autant de choses qui permettent aux travailleurs plus âgés de rester engagés et performants. Par ailleurs, continuer à travailler, c’est garder une vie sociale et une fierté, tant pour soi que dans le regard des autres », conclut Joëlle Iland.
Quelques chiffres
Source : Enquête SDWorx 2021 « A Worker’s Journey » |
À propos de l’auteure
Gaëlle Hoogsteyn, Journaliste spécialisée en finances, RH et entrepreneuriat