Après les soft skills, c’est au tour des green skills de déferler dans les offres d’emploi. En effet, pour répondre à l’urgence climatique, les entreprises misent sur les compétences vertes. Mais les green skills, qu’est-ce que c’est ? Quels sont les enjeux pour les entreprises ? Et quel rôle l’enseignement supérieur a-t-il à jouer ? Le point.
La prise en compte de la transition écologique n’est plus une option pour les entreprises. « Nous sommes confrontés au besoin urgent de transformer notre société et de développer une économie verte pour répondre à la menace du changement climatique », explique Ryan Roslansky, CEO de LinkedIn, dans le rapport 2022 sur les compétences vertes et le verdissement de l’économie. Les impératifs environnementaux et sociétaux imposent un « changement radical dans l’économie mondiale », changement qu’il nomme « The Great Reshuffle. »
L’emploi est bien sûr au cœur des discussions sur les moyens de parvenir à cette transition verte. Au cours de la prochaine décennie, des millions d’emplois devraient être créés à l’échelle mondiale pour répondre aux nouvelles politiques climatiques et aux engagements en la matière. La transition vers une économie neutre pour le climat entraine déjà – et de plus en plus – une transformation radicale dans un large éventail de secteurs.
Au-delà des emplois, les compétences
Au-delà des emplois, il faut surtout prendre en considération les compétences qu’ils mettent en jeu : les compétences vertes. « Elles sont essentielles à la transition vers une économie durable. Elles représentent la clé qui déverrouillera le capital humain à la source de cette transition », poursuit le CEO. S’il n’existe pas encore aujourd’hui de définition officielle des compétences vertes, on peut toutefois les définir comme des compétences qui assurent la durabilité environnementale des activités économiques. Les emplois verts sont ceux qui requièrent une excellente maitrise des compétences vertes. Le talent vert, de son côté, se définit comme quelqu’un qui a des compétences explicitement répertoriées comme étant vertes, et/ou qui travaille dans un emploi vert ou dans un emploi verdissant.
Pour le Dr. Audrey-Flore Ngomsik, Corporate Social Responsibility & Sustainable Development Strategist, la première compétence verte à intégrer en entreprise est le leadership durable. « Que cela soit une équipe dans une entreprise ou une entreprise dans son écosystème, on n’est pas durable tout seul. Il faut mobiliser ses équipes. Et pour cela, l’approche doit absolument être top down. Si les équipes et les travailleurs ne sentent pas une réelle volonté de la direction de devenir plus durable, la transition ne pourra pas avoir lieu. » Ensuite, elle estime qu’il faut arrêter de segmenter les choses. « Le développement durable, c’est l’humain, la planète et l’économie. Il faut travailler sur les trois piliers de façon concomitante. Avoir un responsable du développement durable, cela n’a pas de sens. Ce qu’il faut, c’est que les responsables de chaque service ou département incluent le développement durable dans leur travail. »
Green skills : des offres d’emploi verdissantes
Sur LinkedIn, on assiste déjà à une croissance des compétences et des emplois verts. Le nombre de profils « verts » dans la population active mondiale est en hausse. Entre 2015 et 2021, leur part a connu une progression de 38,5 %. L’année dernière, près de 10 % des offres d’emploi répertoriant une liste des compétences requises incluaient au moins une compétence verte. Ce chiffre concordait, de manière générale, avec le taux de recrutement enregistré pour les emplois verts ou les emplois verdissants.
À l’heure actuelle, l’offre et la demande de compétences vertes sont relativement équilibrées. La moitié des 10 compétences vertes les plus demandées correspondent aux compétences les plus répandues parmi la main-d’œuvre verte. Toutefois, une dizaine de compétences vertes ont connu une croissance à deux chiffres au cours des cinq dernières années. Le phénomène ne va faire que s’accentuer et il faudra que l’offre puisse répondre à la demande. Et le Dr. Audrey-Flore Ngomsik de poursuivre : « Les green skills, c’est aussi réussir à penser out of the box. Certaines des solutions qu’il faudra mettre en œuvre pour réduire notre empreinte carbone ne sont pas encore connues. Dans certains secteurs, penser d’ores et déjà aux possibilités de reconversion est essentiel. »
L’enseignement, un levier du changement
La part des talents verts augmente parmi les travailleurs de tous les niveaux d’éducation, mais plus rapidement parmi les travailleurs titulaires d’un master ou d’un diplôme de niveau supérieur. Sans surprise, le secteur de l’enseignement joue un rôle primordial dans le développement des green skills.
En janvier 2022 déjà, la Commission européenne a présenté un nouveau cadre européen de compétences vertes : « les GreenComp », par lequel elle invite les enseignants et formateurs à placer la durabilité au cœur du système éducatif, et par extension, du monde professionnel. L’enjeu ? Proposer un « modèle général de référence qui s’appuie sur l’enseignement d’une pensée écologique et durable la plus complète possible. » Sur cette base, le cadre GreenComp propose de cultiver une série de compétences pour évoluer dans la complexité d’un monde durable : l’esprit critique, l’inventivité, l’adaptabilité, la capacité de résoudre un problème, de penser son environnement de façon systémique ou encore d’envisager des futurs possibles.
« Devenir durable, c’est du travail. Parfois, les entreprises ont du mal à s’y mettre car elles pensent que cela va ralentir leurs opérations », déclare le Dr. Audrey-Flore Ngomsik. Pour avancer, investir dans l’éducation et la formation est primordial. « Beaucoup de gens veulent faire du développement durable, mais ne savent pas réellement ce que c’est. Il faut éduquer. » Notre experte estime toutefois qu’il ne faudra pas attendre l’arrivée de la jeune génération sur le marché du travail pour avoir davantage de green skills en entreprise. « Ces compétences vertes, les travailleurs actuels sont déjà en train de les acquérir. Aujourd’hui, tenir compte du changement climatique n’est plus une bonne pratique, mais une absolue nécessité. Les transformations ont lieu, pas toujours assez vite c’est vrai, mais elles ont lieu. »
Objectiver les green skills
Les green skills vont-ils devenir les nouveaux soft skills ? C’est possible, mais à certaines conditions. « Dire qu’on est inclusif, cela ne signifie rien. Il faut pouvoir le prouver. L’enjeu est de réussir à lier le caractère soft des green skills à des résultats probants. Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra faire valoir leur importance. »
Quant au devenir des entreprises, trois écoles s’affrontent aujourd’hui : celles qui disent qu’il faut produire et consommer moins, celles qui veulent faire la même chose, mais avec moins et celles qui veulent continuer au rythme actuel, mais en innovant davantage. « Faut-il les opposer ? En ce qui me concerne, je pense qu’elles peuvent être complémentaires », conclut le Dr. Audrey-Flore Ngomsik.
Compétences vertes les plus demandées par les employeurs en 2021
Part d’offres d’emploi exigeant la compétence
Durabilité
Dépollution
Conseiller en sécurité et santé au travail
Climat – Gestion des écosystèmes
Énergie renouvelable
Sensibilisation environnementale
Environnement, santé et sécurité (ESS)
Énergie solaire
Responsabilité sociale des entreprises
Recyclage
Part d’offres d’emploi exigeant la compétence
27.6 %
8.8 %
8.6 %
5.6 %
5.4 %
4.9 %
3.7 %
2.6 %
2.5 %
2.1 %
Top 5 des compétences vertes recherchées au niveau mondial
1. la dépollution
2. le recyclage
3. le conseil en sécurité et santé au travail
4. le climat
5. l’énergie solaire