La France va établir dès 2020 une écotaxe sur les billets d’avion (de 1,5 à 18 € selon la classe et le parcours), dans le sillage du Royaume-Uni, de l’Allemagne, l’Italie, la Suède et la Norvège. En Suède est même né le mouvement ‘flygskam’ (la ‘honte de prendre l’avion’). Alors, faut-il taxer plus le transport aérien ?
Pour
Philippe Lamberts (Eurodéputé belge Ecolo)
Oui, il faut taxer le transport aérien et bien plus qu’il ne l’est aujourd’hui. Le transport aérien est outrancièrement favorisé fiscalement, puisqu’il ne paie notamment pas de taxe sur le kérosène ou de TVA sur le prix des billets. Le souci, c’est que l’alternative du train est plus chère et que l’offre n’est pas là.
Il faut que le produit des taxes sur les transports aériens serve à financer les investissements dans les transports en surface, et plus particulièrement le train. Certes, le ferroviaire constitue un investissement lourd, mais il est durable et utilisable sur des décennies. Maintenant, cela n’a pas de sens que cette taxe soit levée en ordre dispersé par différents pays. L’idéal serait qu’elle soit prise à l’échelon mondial, mais cela me semble impossible. Le mieux serait déjà que les pays de l’UE s’accordent pour taxer le transport aérien. Malheureusement, il y a des réticences. D’abord, il y a la résistance du secteur aérien. Ensuite, au niveau de la société, il reste dans l’inconscient collectif que le vol collectif à bon marché constitue une des dernières conquêtes sociales et qu’on ne souhaite pas que cela redevienne un privilège de riches. Et puis, il y a l’obstacle de l’unanimité des États membres de l’UE, lorsqu’on aborde un point lié à la fiscalité. On pourrait cependant contourner ce souci de l’unanimité avec l’article 116 du traité FUE, qui stipule qu’en cas de décision engendrant une distorsion du marché intérieur, une décision peut se prendre à la majorité. Ce qui sera le cas lorsque la France taxera le kérosène en 2020.
De toute façon, il est urgent d’agir. Il est grand temps de taxer le transport aérien. Cela reste un sujet délicat, mais comme on dit à Bruxelles, « ça ne peut pas quand même pas continuer à rester durer ».
Contre
Assita Kanko (Eurodéputée belge N-VA)
Au sein de la N-VA, nous sommes opposés à une taxe environnementale sur les billets d’avion si celle-ci est purement nationale. Sur le principe, nous sommes favorables aux mesures visant à rendre le transport aérien plus respectueux de l’environnement. Mais cela doit être organisé au niveau européen. Le transport aérien est par définition supranational.
Selon une étude de la Commission européenne, seuls sept pays ont mis en place une telle taxe. Si vous comparez, par exemple, avec les États-Unis ou l’Australie, l’échelle de grandeur est importante. L’UE peut également le faire, mais seulement si cela est accepté par tous les États membres.
De plus, j’estime qu’une telle taxe ne peut être discutée que si la position concurrentielle des compagnies aériennes ou des agences de voyages n’est pas compromise. Dans la même étude, l’UE a cependant admis qu’une telle taxe pourrait entraîner des pertes d’emplois. Soyez assuré que des compagnies aériennes comme Ryanair n’hésiteront pas à quitter notre pays si elles sont confrontées à une taxe nationale imposée unilatéralement.
L’UE veut agir avec force pour notre climat. Mais elle doit le faire avec le réalisme nécessaire, non pas en proclamant « l’état d’urgence pour le climat » ou en prenant des mesures qui perturbent l’équilibre social. À cet égard, j’attends de connaître des dispositions et implications que pourrait avoir le ‘Green Deal’ que nous prépare la présidente Ursula von der Leyen. Au sein de la N-VA, nous interviendrons le cas échéant, comme nous l’avons fait pour empêcher l’UE d’adopter un amendement considérant l’énergie nucléaire comme une source d’énergie médiocre. Pour nous, le nucléaire constitue une solution énergétique durable, à la fois en termes d’approvisionnement et de climat.