Liberté chérie

13 mars 2023 par
BECI Community

Le nombre de starters et d’indépendants est en hausse constante en Belgique. De nouvelles plateformes d’intermédiation se disputent leurs faveurs.

Coté entreprises : transformation digitale, travail hybride et collaboration agile sont de mise. Pour leur part, les collaborateurs, eux, assument aujourd’hui de plus en plus ouvertement leur désir de diversification, de liberté et d’équilibre vie professionnelle – vie privée. En bouleversant le rapport au travail, ces évolutions ont aussi boosté un mouvement de fond qu’est le passage au statut d’indépendant. Déjà observée depuis plusieurs années, la tendance s’est encore accélérée depuis la COVID (voir encadré). Au point de parler aujourd’hui de « freelancisation » de l’économie.

 

Tendance globale

De fait, ces dernières années, le nombre de freelances a grimpé en flèche, jusqu’à représenter 20 % des entrepreneurs actifs en Belgique. Dans notre pays, ils exercent essentiellement des professions libérales ou sont actifs dans le conseil, les services IT, les activités créatives et de communication ainsi que les prestations artistiques et de spectacle. La tendance est globale. On trouve trois fois plus de freelances en France aujourd’hui qu’il y a dix ans. Et ils représentent près de 50 % de la population active aux États-Unis.

Cest sur la base de ce changement profond que plusieurs plateformes ont développé leur business model, se fixant pour mission de mettre en contact entreprises et talents souhaitant travailler à leur propre compte.

 

Nouveaux acteurs

Malt est de celles-là. Lancée en France en 2013, la plateforme a depuis grandi pour devenir la plus grande place de marché française de travailleurs indépendants dans le conseil et le digital. En Belgique, elle joue des coudes avec des recruteurs traditionnels qui « plateformisent » leurs activités et de nouveaux acteurs plus ou moins spécialisés comme FreelanceNetwork.be, bevopr.io, CreativeSkills.be ou Beelance. La course est donc lancée et la concurrence est rude.  

En 2021, Malt levait 80 millions d’euros lui permettant d’étendre ses activités dans plusieurs pays européens, dont la Belgique. En collaboration avec le Boston Consulting Group, la plateforme publie chaque année un rapport sur le freelancing en Europe.

 

Priorités

Dans sa dernière livrée, on y apprend notamment que l’âge moyen des freelances européens est de 40 ans. Ils choisissent ce statut pour des raisons d’indépendance, de flexibilité d’agenda et de lieu de travail et pour la liberté de choix de leurs clients.  À cet égard, c’est d’abord le contenu du job qui motive un freelance à dire « oui » à une proposition, avant la rémunération, la préservation de son équilibre quotidien, l’opportunité d’apprentissage et l’environnement et les conditions de travail. Un ordre de priorités différent de celui des employés, qui citent en premier lieu l’équilibre travail-vie privée et les bonnes relations avec les collègues, d’après l’étude.

Enfin, précisons qu’une très grande majorité des freelances n’envisagent en aucun cas un retour vers le salariat. Le freelancing a donc de beaux jours devant lui.

 

  1,2 million d’indépendants

  La Belgique compte aujourd’hui plus d’1,2 million d’indépendants, dont un bon quart en activité complémentaire. C’est l’Inasti qui nous l’apprenait dans son dernier rapport à ce sujet, résumant les chiffres de 2021.

  En augmentation régulière depuis 10 ans, le nombre de starters se fixait, lui, à 128.000, contre 116.600 en 2020 et 126.500 en 2019.

  On compte aujourd’hui encore pratiquement 2 starters masculins pour une starteuse. Mais le nombre de celles qui lancent leur activité principale en tant qu’indépendante croît pratiquement, au même rythme que celui deleurs homologues masculins.

  A côté de l’expansion des professions libérales et entreprises unipersonnelles, l’Inasti pointait aussi une augmentation du nombre d’« étudiants indépendants » (9,114) et des indépendants actifs après l’âge de la pension(130,117) .

 

 

Interview – Malik Azzouzi, Country Director Malt

On parle beaucoup du freelancing aujourd’hui, mais Malt existe déjà depuis 10 ans…

Malik Azzouzi : « Nos fondateurs, un serial entrepreneur et un développeur, devinaient déjà qu’un gap dans le marché allait s’ouvrir entre une population grandissante de talents indépendants – notamment dans les métiers IT – et des PME ne pouvant s’offrir les services de grands consultants en transformation digitale. Les premiers clients de la plateforme, née en France, ont été des entreprises de taille moyenne. Mais on a vite constaté que les talents pouvaient aussi répondre aux besoins de plus grandes, comme celles du CAC 40 en France ou du Bel 20 ».

Après un an et demi de présence en Belgique, quelles sont vos premiers enseignements ?

« En 2022, nous avons enregistré une hausse de 40 % d’inscriptions sur la plateforme au niveau européen. En Belgique, la tendance est encore plus forte. De 2.500 freelances belges inscrits, nous sommes passés à plus de 13.000. Avec 3 millions d’euros de volume de missions, nous avons atteint deux fois plus que nos objectifs et visons entre 20 et 25 millions pour 2023 ».

Comment expliquer ce succès ?

« D’abord, il faut dire que le marché belge du freelancing est significatif. Il y a quelques années, une étude commanditée auprès de Roland Berger estimait son volume à 14 milliards d’euros. C’est seulement 3 fois moins qu’en France, un pays à la population 6 à 7 fois plus grande que la nôtre. La Belgique est aussi une terre de PME avec un maillage de très nombreuses entreprises. Tout cela constitue, pour nous, un terreau très favorable. La Flandre, en particulier, recèle énormément de freelances. Cela reflète le très fort esprit d’entreprise qui y règne. Au-delà de cette importante présence, nos bons chiffres confirment que les freelances belges adhèrent à notre modèle ».

Comment le décrire ?

« Nous répondons aux deux besoins essentiels des freelances. D’abord trouver des jobs. Nous avons donc des équipes commerciales dédiées chargées de récolter des missions auprès des entreprises pourvoyeuses. Ensuite, le payement rapide. Nos freelances sont payés dans les 48 heures qui suivent la validation de leur timesheet.J’ajoute que tous nos prestataires sont couverts par une assurance Responsabilité Civile quand ils sont en mission. Enfin, nous essayons d’apporter de la valeur aux freelances, au-delà de la mission même ».

Sous quelle forme ?

« Nous souhaitons maintenir une grande proximité avec la communauté de nos membres. Notre philosophie, c’est « freelancers first ». Nous organisons pour eux 6 à 8 événements par mois. Par exemple des webinaires pour les aider à améliorer leur profil et leur visibilité. Nous nouons aussi des partenariats avec d’autres acteurs intéressés par ce public. Comme avec lizy, pour aider les freelances à optimiser leurs frais de mobilité. Ou avec Accountable, pour les aspects comptables ».

Une bonne plateforme ne suffit donc pas ?

« Sa qualité demeure essentielle. Ps de 100 personnes continuent à travailler tous les jours sur son développement, notamment en ajoutant de nouvelles fonctionnalités. Mais ce qui a fait le succès des meilleurs recruteurs spécialisés, c’est la dimension humaine et nous voulons nous en inspirer ».

Pour attirer de bons prestataires, il faut de bonnes entreprises pourvoyeuses de missions. Et vice-versa… Par où commencer ?

« Sans freelances, pas de business. Nous veillons donc avant tout à constituer une communauté de talents diversifiés tant en termes de background que de métiers. Pour la Belgique, nous en sommes à 35 % dans le tech and data, 35 % dans la communication et le design, 10 à 15 % de consultants et le même chiffre pour des fonctions de support RH, comptable, etc… D’expérience, il faut une plateforme d’au moins 6.000 profils pour atteindre la masse critique nécessaire.  Sur cette base, on peut alors contacter les donneurs d’ordre et leur proposer la plateforme comme un réservoir de compétences de premier choix. L’idéal est d’atteindre les 15.000 profils. À partir de ce seuil, le volume de missions atteint un rythme de croisière propre important. On peut encore trouver des relais de croissance en se concentrant alors sur le recrutement de profils en pénurie que les entreprises cherchent tout particulièrement. Notre promesse, tant aux entreprises qu’aux prestataires, c’est la possibilité de travailler avec le partenaire de son choix ».

Une plateforme digitale est intrinsèquement sans frontières, pourquoi un Malt Belgique ?

« Cet aspect local est important pour nous. De 2 collaborateurs en Belgique, nous sommes passés à 19 en un an et demi. Malt est une plateforme mais il y a beaucoup d’humain derrière ce que nous faisons. Nous voulons être au plus proche de la réalité des freelances – juridique, commerciale… Et nous voulons accompagner les entreprises dans leur recherche de profils autrement qu’avec des algorithmes. Notre équipe est donc appelée à grandir encore en Belgique ».

Quel est le profil type du freelance belge ?  

« Nous avons interrogé 300 membres belges. Ils ont en moyenne 40 ans. C’est un peu moins qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas, mais plus qu’en France ou en Espagne.  Par ailleurs, les freelances belges disposent le plus souvent d’à peu près 7 ans d’expérience dans leur secteur. Seul 1 % d’entre eux sont prêts à devenir ou redevenir employé.  C’est 3 à 11 fois moins qu’en France, en Allemagne ou en Espagne. Quand on parle de freelances en Belgique, on parle donc de gens qui connaissent leur métier et pour lesquels ce statut est un choix parfaitement conscient. Autre particularité belge, les missions y sont parfois très longues. Le cadre réglementaire le permet peut-être plus qu’ailleurs ».

BECI Community 13 mars 2023
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