Alors que l'enveloppe régionale dédiée à financer une partie des frais liés aux procédures de réorganisation judiciaire (PRJ) arrive à son terme, le tissu entrepreneurial bruxellois pourrait en payer le prix. Fryderyk de Peslin Lachert, avocat associé au cabinet Janson et expert en insolvabilité explique l’importance des PRJs.
Face aux défis financiers que rencontrent les entreprises, la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) se présente comme une alternative, offrant un cadre légal pour redresser la barre. « La PRJ n’est pas un échec, au contraire. Elle vise à garantir la continuité des activités d'une entreprise tout en sauvegardant l'emploi », souligne Fryderyk de Peslin Lachert, avocat associé au cabinet Janson. Cependant, avec l’épuisement des fonds alloués, les petites entreprises pourraient ne plus pouvoir financer leur PRJ. Sans ce filet de sécurité, les entreprises bruxelloises pourraient voir leurs chances de rétablissement gravement diminuées. Mais comment maintenir les ressources nécessaires pour éviter que le tissu entrepreneurial n’en paie les frais ?
La PRJ : le rempart des entreprises en difficulté ?
Lorsqu'une entreprise dépose une requête en PRJ, elle cherche avant tout à maîtriser son passif, c’est-à-dire l’ensemble de ses dettes, qu'elles soient arrivées à terme ou non. L’objectif est alors d’alléger la pression financière de la société et de donner un nouvel élan à son activité. La procédure offre la possibilité d’étaler les paiements sur plusieurs années, ce qui permet de redonner de la trésorerie et de l’oxygène à une entreprise étouffée par ses dettes.
Fryderyk de Peslin Lachert explique : « La loi prévoit jusqu’à
un maximum de 80 % de suppression des dettes. » En
pratique, une société endettée à hauteur de 500 000 euros
pourrait, à l’issue de la PRJ, ne devoir plus que 250 000
euros, avec des paiements échelonnés sur plusieurs années.
De plus, l’entreprise bénéficie d’un sursis de deux à quatre
mois, soit dès l’introduction de la PRJ en cas de procédure publique, soit à la demande sous certaines conditions en
cas de procédures confidentielles. Durant cette période,
toutes ses dettes sont gelées avec un effet immédiat.
« Concrètement, cela veut dire que les créanciers ne peuvent
ni saisir, ni demander de payer la somme qui est due. Cette
période d’accalmie permet à l’entreprise de se recentrer et
de réfléchir sur les mesures à mettre en place pour renouer
avec la rentabilité. Cette période est une bénédiction pour
beaucoup d’entre elles », reprend l’expert en insolvabilité.
Soit un ou plusieurs accords amiables sont conclus,
avec ou sans l’aide d’un mandataire du tribunal, soit
un plan de restructuration est soumis au vote des
créanciers. Il est alors, plus avantageux pour eux de soutenir
ce plan, plutôt que de voir leur débiteur tomber en faillite. En
substance, « les PRJs permettent de négocier plus facilement
avec des créanciers réfractaires, que ce soit pour étaler ou
supprimer une partie de leur créance, ou encore de leur
imposer des mesures destinées à sauvegarder les intérêts
de l’entreprise. »
Fin de l’enveloppe : pourquoi est-ce
une menace ?
Sauf que l’enveloppe régionale dédiée au financement d’une partie des frais des PRJs est épuisée. Pour Fryderyk, cette situation entraine une fragilisation du tissu entrepreneurial bruxellois. « La vague de faillites est déjà en cours, mais elle pourrait exploser dans les prochains mois. Il est évident que cela représente un risque énorme pour les petites structures et pour le tissu PME bruxellois », alerte l’avocat associé.
Les crises successives, notamment la pandémie de COVID-19, ont déjà laissé des traces dans l’économie régionale. Aujourd’hui, la fin des fonds alloués à la PRJ pourrait rendre toute tentative de redressement encore plus difficile pour les entreprises bruxelloises. Dès lors, un travail d’information est nécessaire. « Il y a encore une grande méconnaissance de l’existence des PRJ. Or le point le plus important pour nous, les praticiens de l'insolvabilité, c'est d'agir de manière préventive » insiste le spécialiste en litige commercial, avant de poursuivre : « Au plus vite ces sociétés viennent voir un·e professionnel·le, comme le centre pour Entreprises en Difficulté de BECI, au plus ses chances de redressement sont élevées. Nous pouvons vraiment assurer le sauvetage de l’entreprise ».
Pourquoi réinvestir ?
Pour éviter le naufrage, Fryderyk de Peslin Lachert appelle à réinvestir dans l’enveloppe dédiée aux PRJ. Selon lui, il faut convaincre les acteur·ices du secteur que la PRJ n'est pas un échec, mais plutôt une opportunité de rétablissement pour la santé économique de Bruxelles.
L' ’avocat rappelle l'importance de restaurer la confiance des investisseur·euses et des pouvoirs publics. « Il faut dédiaboliser l’insolvabilité. La PRJ est un outil qui permet de recentrer et de restructurer l'activité de l’entreprise, pour assurer une meilleure rentabilité. »
Des efforts de communication doivent également être faits pour encourager les investissements dans les entreprises en difficulté. « Investir dans une entreprise sous PRJ peut être un atout significatif. Cet investissement n'est pas utilisé pour éponger la dette, mais pour acheter de la croissance. Nous avons besoin de cette enveloppe », conclut-il.
BECI, en tant que porte-voix de
l’écosystème entrepreneurial
bruxellois, soutient les entreprises en
difficulté, que cela soit par la procédure
de réorganisation judiciaire,
la médiation d’entreprise ou
à travers le CEd Relance. Plus
d’infos : Aide & Expertise.