En cette année d’élections communales, des discussions sur l’organisation de Bruxelles resurgissent du passé. Il est question de réviser les rouages institutionnels pour décomplexifier cette machinerie qui s’est alourdie avec le temps. Quel que soit l’angle envisagé, la fusion des communes bruxelloises s’invite dans le débat.
Pour
Zakia Khattabi, co-présidente d’Ecolo
On finalise avec Groen un projet sur l’organisation institutionnelle de Bruxelles, car elle ne reflète plus la réalité bruxelloise. Les pères fondateurs qui ont rêvé Bruxelles ont fait de la dentelle pour répondre à ce qui bloquait en Belgique. En trente ans, ce travail d’orfèvre est devenu une tuyauterie grossière à laquelle personne ne comprend plus rien. Il faut commencer par supprimer les commissions communautaires et faire remonter les matières comme la formation personnalisable à la Région, pour que francophones et Flamands soient sujets des mêmes politiques. La régionalisation de l’enseignement crispe le débat, mais la Région pourrait prendre la main, à travers une plateforme qui permettrait à tous les acteurs de réfléchir ensemble aux spécificités de l’enseignement bruxellois.
Certains Flamands vont vouloir imposer une discussion institutionnelle. N’est-il pas temps d’avoir un projet plutôt que de subir le leur ? On est ouverts à une réflexion sur la fusion des communes au nom des principes de solidarité, d’égalité de traitement et de subsidiarité. Le principe d’égalité entre les citoyens dans les communes, c’est par exemple l’uniformisation de la fiscalité sur toute la Région. En tant qu’écologiste, je reste bien sûr opposée à la suppression des communes, où les citoyens ont la prise la plus directe, mais il y a sûrement un travail de redécoupage et de rationalisation à faire. Est-il normal que la Ville gère des projets d’intérêt régional comme le bois de la Cambre, le plateau du Heysel ou le stade ? Ces charges ou celles d’infrastructures collectives comme les piscines sont aussi exorbitantes pour les communes.
Quand je parle de page blanche, les réticences viennent surtout d’élus locaux qui s’assoient sur leurs territoires comme sur un trésor. Il y a des querelles de chapelle avec certains, qui disent Bruxelles trop forte, et la Ville réagit comme une citadelle assiégée. Notre vision est détachée de ces enjeux de pouvoir et poursuit l’intérêt des Bruxellois.
Contre
Philippe Close (PS), bourgmestre de la Ville de Bruxelles
Ce débat veut cliver et simplifier. Or, gérer une ville est complexe et rassembleur. Dire qu’on repart d’une page blanche, c’est charmer les gens qui ne connaissent pas le droit institutionnel. C’est une bonne punchline, mais c’est tromper les citoyens. La Belgique est le fruit d’une histoire complexe et notre fédéralisme repose sur des équilibres. Dans l’équilibre bruxellois, la Région a été sous-financée durant ses 25 premières années. Maintenant qu’elle a des moyens, le fait régional n’a jamais été aussi fort. Il va continuer à émerger et ce débat sur la fusion des communes vers un seul Bruxelles devrait doucement s’éteindre.
Il ne faut pas non plus être conservateur. Je ne suis pas pour un statu quo mais pour une voie médiane qui tient d’un certain pragmatisme. Il y aura sûrement des avancées institutionnelles et il faut miser sur l’efficacité. Tant mieux si elle consiste en une simplification, mais elle peut aussi passer par des mécanismes complexes qui concertent tout le monde, comme pour les hôpitaux bruxellois.
Je trouve intelligent de rediscuter des frontières des communes et de continuer à renforcer le fonctionnement intercommunal, ainsi qu’entre les communes et la Région. Pour Néo, la Ville et la Région ont d’ailleurs bien avancé ensemble. Les partis flamands et néerlandophones défendent la fusion parce qu’ils sont sous-représentés dans les communes par rapport au poids relatif qu’ils peuvent avoir au niveau régional. Des listes bilingues pourraient améliorer les choses. Depuis la scission de BHV, à part à la N-VA, ces élus se voient comme des Bruxellois néerlandophones, non plus comme des ambassadeurs de la Flandre. Les francophones représentent 20 % de la majorité fédérale. Il faut arrêter de les pousser dans le coin et dépasser les clivages communautaires. Bruxelles est une ville-monde avec 184 nationalités. Avant de décumuler, ma dernière proposition de loi en tant que parlementaire soutenait la participation aux élections régionales des 35 % de résidents non-Belges.