La signature électronique des contrats de travail n’est pas toujours facile à appréhender. Avec la crise liée au covid-19, la question refait naturellement surface. Pour un nombre croissant de motifs, le « paperless office » n’est plus une tendance, mais devient la norme. En cette période particulière, où les contacts humains doivent être obligatoirement limités, il reste indispensable de pouvoir travailler, de manière numérique, en ce compris de pouvoir recruter. Les questions en la matière restent nombreuses, ce qui s’explique au vu du cadre juridique (inutilement) complexe…
Un cadre spécifique pour la signature électronique des contrats de travail a (enfin) vu le jour avec la loi du 3 juin 2007. Cette loi a introduit, dans la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, la possibilité de signer un contrat de travail au moyen d’une signature électronique, en prévoyant (sous certaines conditions) une assimilation de ce contrat à un contrat papier, signé au moyen d’une signature manuscrite.
Ceci vaut pour les contrats de travail signés (i) au moyen de la signature électronique créée par la carte d’identité électronique (la carte eID), ou (ii) d’une signature électronique « qui satisfait aux mêmes conditions de sécurité que celles présentées par la signature électronique créée par la carte d’identité électronique ». Un arrêté royal doit déterminer ces conditions de sécurité, mais n’a pour l’heure pas encore été adopté.
Cela ne doit pas priver les employeurs d’autres modalités de signature électronique que celle via la carte eID.
En effet, depuis le 1er juillet 2016, le règlement européen n°910/2014, dit Règlement eIDAS, pose un principe d’assimilation totale aux signatures manuscrites pour ce qui concerne les signatures électroniques dites « qualifiées ». La signature électronique qualifiée est celle qui satisfait au maximum des exigences de qualité. Non seulement cette signature est liée au signataire de manière univoque (permet son identification, etc.) mais répond en outre à des exigences de qualité que seuls certains fournisseurs peuvent assurer.
Une loi du 15 janvier 2018 modifie la loi relative aux contrats de travail pour faire explicitement référence à la signature « qualifiée » au sens du Règlement eIDAS. Cette modification n’est toutefois pas encore entrée en vigueur… Vu l’effet direct attaché aux Règlements européens (soit la possibilité de s’en prévaloir directement, sans devoir invoquer une norme spécifique transposée en droit belge), nous ne pensons pas qu’il faille attendre l’entrée en vigueur de cette modification législative pour pouvoir déjà assimiler un contrat de travail signé électroniquement par une signature qualifiée à un contrat de travail papier signé manuscritement.
Mais l’employeur n’est pas au bout de ses peines ! Afin d’offrir une plus grande sécurité juridique aux travailleurs, l’obligation a également été introduite de conserver une copie du contrat de travail signé électroniquement auprès d’un fournisseur « qualifié » de services d’archivage électronique. Mais le marché belge manque de tels prestataires labellisés comme prestataires « qualifiés », ce qui complique le respect de l’obligation légale en matière d’archivage…
En 2020, le souci du législateur de créer plus de sécurité juridique pour les salariés par le biais d’une obligation d’archivage spécifique semble pourtant suranné. Par ailleurs, il n’y a pas de sanction liée au non-respect de l’obligation d’archivage des contrats de travail électronique.
Compte tenu des principes en la matière (européens et belges), la validité juridique d’un contrat de travail signé électroniquement ne pourrait, selon nous, pas être contestée.
Ceci étant, il est grand temps que le législateur assouplisse le cadre juridique concernant la signature électronique des contrats de travail pour disposer de toutes les garanties de légalité. En effet, dans la pratique, de nombreuses entreprises (notamment pendant la crise actuelle) passent temporairement à la signature électronique, et sont désireuses de clarifications.