À l’instar d’un TripAdvisor pour l’Horeca, certains sites proposent aujourd’hui de donner une note aux avocats. Pour ou contre des avocats étoilés ? Deux avis au sein du Barreau de Bruxelles…
Pour
Xavier Gillot, avocat et fondateur de la plateforme uLaw
Tant les avocats que les clients souffrent du manque de transparence de l’avocature. Les études montrent que les clients ne savent pas comment choisir un avocat ni où le trouver. Cela engendre une fracture du marché, avec pour conséquence que certains cabinets ‘connus’ monopolisent les honoraires.
La notation permet de rééquilibrer le marché sur la base de critères bien plus légitimes que la réputation. Il s’agit principalement de la confiance et des compétences, qui sont les éléments centraux de la relation avocat-client. Mais cette notation doit rester objective. Il faut encadrer l’évaluation pour éviter les dérives de toutes sortes. En effet, les compétences et le cadre de travail sont souvent inconnus et incompris des clients. Les notations basées sur les contributions financières des notés, le nombre de procès gagnés ou autres critères peu fiables doivent être écartées, car elles faussent l’information.
Ces raisons ont notamment mené uLaw à développer un algorithme de notation composite unique, qui garantit l’objectivité au départ d’informations techniques propres à la carrière de l’avocat (volet ‘compétence’) et d’avis des clients sur la base d’un questionnaire axé sur la relation client (volet ‘satisfaction client’), modéré par la plateforme.
Un autre argument ’pour’ réside dans le fait que l’avocat n’est pas formé à la relation avec le client. Avec ces évaluations, tant l’avocat que le client bénéficieront des retours d’une notation. Trop d’avocats sont incompris, éloignés de leurs clients, et trop de clients sont mécontents. Les avocats perdent des parts de marchés, se paupérisent, s’isolent. La notation objective amènera les avocats à ‘satisfaire’ leur client et non plus seulement à leur rendre des services juridiques. Qu’on soit pour ou contre, c’est là l’attente des marchés.
Contre
Xavier Van Gils, Président d’Avocats.be
Les ‘legal awards’ existent depuis longtemps. De plus en plus de sites permettent d’attribuer des notes à des avocats, mais aussi à des médecins, des notaires et autres professions. Il suffit d’ailleurs de taper le nom d’un avocat ou d’un cabinet d’avocats sur Google pour trouver une note étoilée avec les commentaires d’internautes. On ne peut pas les valider car il n’existe aucun contrôle sur ces notations.
Il faut veiller à éviter de s’embarquer nous-mêmes dans une forme de certification des sites (sorte de sites de notation qui seraient agréés en fonction d’un certain nombre de critères). De même, il faut éviter de créer nous-mêmes une notation.
Le souci, c’est de savoir ce que l’on veut noter. Il est quasi-impossible pour un particulier d’évaluer un avocat sur la compétence juridique de son travail. Quant à un tiers certificateur, il lui faudrait analyser tout le dossier et c’est un travail très complexe. Le client a tendance à donner une note en fonction des honoraires, de la rapidité avec laquelle il a été reçu, de l’accueil, s’il a eu un café… Et puis, surtout, la note va être influencée par le fait qu’il a gagné ou perdu son procès – et chacun se rend compte qu’il y a aussi des bons et des mauvais dossiers, ou des victoires ou des échecs partiels. L’intérêt d’une notation s’avère dès lors très limité.
S’opposer aux sites non contrôlés qui existent est excessivement compliqué. Le mieux serait de disposer de critères objectifs et évaluables pour fixer ces notations. À l’époque du numérique, il faut peut-être aussi rebondir et en profiter pour inviter les avocats à s’évaluer ou se faire évaluer par leurs clients, pour ainsi améliorer les qualités de leurs services. Car finalement, nous sommes aussi des entrepreneurs.