Que vous soyez entrepreneur ou starter, à la tête d’une entreprise en pleine croissance ou en totale mutation, la question du financement s’est sans doute déjà (im)posée à vous. Parce qu’à chaque stade de maturité, une entreprise a besoin de trouver un financement pour un projet ou l’autre. Voici les pistes qui ont été évoquées, le 14 décembre chez Beci, en compagnie d’un panel d’experts.
L’année 2018 annonce de nombreux changements en termes de financement du côté des entreprises. Outre ces actualités à venir, Beci a tenu à rappeler lors d’une soirée spéciale la vaste gamme de solutions de financement qui existent aujourd’hui à destination des entreprises bruxelloises. Pour les passer en revue, cinq acteurs de terrain ont été invités : Sandrine Evrard, Investment Manager à Finance.Brussels (groupe SRIB) ; Louis Devaux, conseiller financier (Devaux Consult) ; Alain Boribon, fondateur de Subsiconseils ; Frédéric Lévy Morelle, CEO de Look & Fin, et Xavier de Trootstembergh, Business Development Manager de la plateforme Bolero Crowdfunging.
Des solutions alternatives
Il y a encore quelques années, les entrepreneurs comptaient exclusivement sur les prêts accordés par le secteur bancaire. Aujourd’hui, la donne a quelque peu changé puisque les porteurs de projet sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des sources de financement alternatives, comme le crowdfunding. « Look & Fin permet aux PME et TPE de trouver du financement directement auprès des particuliers », avance Frédéric Lévy Morelle. « Via le web, Look & Fin cible les sociétés qu’elle est en mesure d’aider. Celles-ci sont majoritairement des PME matures, avec un chiffre d’affaires de plus de 600.000 euros, et qui sont en outre rentables depuis plus de trois ans ». À la clé : des prêts allant de 100.000 à 3 millions d’euros, remboursables entre 6 mois et 5 ans. Dans la même veine, Bolero Crowdfunding, créée par KBC, propose de l’equity crowfunding (co-investissement avec un partenaire professionnel) à destination des start-ups, ainsi que du crowdlending (les particuliers prêtent de l’argent aux porteurs de projet, avec ou sans intérêts) pour les PME et TPE, tous secteurs confondus.
Plus gros introducteur de dossiers de subsides en région bruxelloise, Subsiconseils donne pour sa part un coup de pouce à une large gamme d’acteurs, du restaurant de quartier à la multinationale spécialisée dans l’agroalimentaire. Avec six autres entrepreneurs, Alain Boribon a par ailleurs créé il y a quelques mois Citizenfund, une plateforme d’investissement qui vise « à mobiliser l’épargne bancaire dormante de chaque citoyen pour soutenir les projets liés à l’économie circulaire et collaborative ».
Bien que l’investissement privé ait le vent en poupe ces derniers temps, le recours aux banques constitue encore un passage obligé dans la plupart des cas (69 % des dossiers selon l’étude réalisée par Look & Fin). Devant à la fois être optimiste et réaliste, l’entrepreneur aurait tout intérêt à être fidèle à sa banque, selon Louis Devaux. « Je recommande toujours de s’adresser, entre autres, à la banque qui connaît l’entrepreneur, car la trace laissée dans une banque peut jouer en sa faveur. Après, dans un second temps, le porteur de projet peut évidemment faire le tour du marché. » Quant à l’aide publique (13,7 % des sondés), elle peut, comme c’est le cas pour la SRIB (Société Régionale d’Investissement de Bruxelles), prendre place « sur des segments de marché plus problématiques en termes d’accès au financement », explique Sandrine Evrard. « Notre objectif étant de créer de l’emploi en région bruxelloise, nos investissements sont souvent plus à risque que ceux des banques. »
Des difficultés pour obtenir un prêt bancaire
Toujours selon l’étude de Look & Fin, il apparaît que, depuis 2008, 59 % des PME estiment qu’il est difficile de décrocher un prêt bancaire. Du côté des petites PME, ce chiffre atteint les 80 %. D’après Louis Devaux, « il est clair que le manque d’ancienneté est une cause de plus grande difficulté », car, pour entrer dans les critères des banques, « il faut avoir un business qui ait une certaine profitabilité et des moyens propres qui montrent que l’entreprise et le porteur de projet sont engagés ». Pour Frédéric Lévy Morelle, « le chiffre de 59 % n’est pas une surprise en soi. Les banques continuent à prêter, mais les entrepreneurs doivent montrer plus de garanties (cf. fonds de commerce, caution sur les actifs corporels…), ce qui rend l’exercice plus compliqué, sans compter le manque de réactivité des banques en la matière ». D’après Sandrine Evrard, « plus d’un quart des PME bruxelloises se trouvent dans des situations financières malsaines. Dans ce contexte, obtenir un financement bancaire est compliqué, ou inadapté par rapport au projet ».
Intervenant toujours en aval, les subsides existent sous de nombreuses formes mais sont encore, selon Alain Boribon, trop peu sollicités par les entreprises bruxelloises. « On compte trois catégories de subsides : les softs, les investissements généraux et les investissements spécifiques », énumère-t-il. « La première catégorie concerne la consultance, les études de marché, le commerce extérieur… ; la deuxième est liée aux frais matériels et la troisième à l’économie d’énergie, la mise aux normes, l’intégration urbaine et la protection de l’environnement. »
Vers une combinaison des financements
Plus qu’un seul type de financement, l’ensemble des experts semblent tendre vers une sorte de combinaison en la matière. En effet, face aux exigences des banques qui demandent toujours plus de garanties, Xavier de Trootstembergh observe que de plus en plus de porteurs de projet passent par des « plateformes de crowdlending pour bénéficier d’un emprunt subordonné, qui sera considéré par les banques comme du quasi-capital ». À l’heure où 80,3 % des entreprises sondées ont recouru à l’auto-financement ces cinq dernières années, il faut désormais réfléchir, selon Xavier Trootstembergh, en termes de « mix de financements ». Le CEO de Look & Fin abonde dans ce sens : « On travaille vraiment main dans la main avec des organismes publics ou des banques pour pouvoir réaliser un effet de levier et faciliter l’obtention de prêts bancaires. Le tout, sans demande de garanties et dans des délais très courts ». Louis Delvaux envisage, lui aussi, toute forme de financement lors d’un montage financier : « Les banques ont une logique et un mode de fonctionnement qui leur est propre ; les organismes publics ont une mission encore différente… Pour moi, toutes les formules coexistent. Le crowdfunding a un rôle à jouer et est très dynamique ».
Quelques conseils pour trouver un financement pour un projet
En vue de mettre un maximum de chances de leur côté pour décrocher un financement, Xavier de Trootstembergh conseille aux entrepreneurs d’avoir un plan d’action concret pour conquérir le marché (ressources, actions à mettre en place, segments à attaquer en priorité…), tandis que Louis Devaux recommande « de bien connaître son métier, ainsi que sa plus-value sur le marché (demande à satisfaire…) ». Du côté de Frédéric Lévy Morelle, la manière de répondre aux questions lors d’un rendez-vous aura son importance : « Démontrer sa bonne gestion lors des exercices précédents, nous expliquer comment la personne est passée travers une crise et quelle est sa capacité de remboursement sont les éléments auxquels nous serons très attentifs ».