Tout droit venus des États-Unis, les ‘fablabs’ – contraction de Fabrication Laboratory – poussent à Bruxelles plus vite que les maisons-champignons au pays des Schtroumpfs. Mais que fait-on réellement dans ces laboratoires ? En quoi sont-ils un outil complémentaire aux formations pour les étudiants ? Nous sommes allés voir sur place.
En 2012, iMal, situé Quai des charbonnages à Molenbeek, a été l’un des premiers fablabs de Bruxelles. Le succès a rapidement été au rendez-vous et d’autres fablabs ont fleuri un peu partout dans la capitale, tels OpenFab, MicroFactory, et plus récemment Cityfab1, un fablab public lancé à l’initiative de la Région bruxelloise. Début 2019, la VUB et l’ULB ont aussi officiellement inauguré leurs nouveaux fablabs communs au sein des anciennes casernes de la gendarmerie. La formation en sciences industrielles y est notamment enseignée. Les étudiants peuvent s’y concentrer sur leurs compétences techniques et acquérir une expertise pratique. La recherche y joue également un rôle important.
Qu’est-ce qu’un fablab ?
Le concept est né au MIT à Boston. Un fablab, « laboratoire de fabrication » en français, est un lieu mettant à la disposition du public des machines et des outils utilisés pour la conception et la réalisation d’objets de toutes sortes. Le public-cible des fablabs est varié : on y trouve aussi bien des entrepreneurs qui souhaitent passer plus vite du concept au prototype que des designers/artistes, des étudiants désireux d’expérimenter et d’enrichir leurs connaissances pratiques, ou des citoyens retraités à l’âme de « bidouilleurs ». Chaque fablab est différent, mais tous sont réunis par une charte qui impose un certain nombre de points à respecter : chaque fablab doit compter au moins quatre machines (une imprimante 3D, une découpeuse vinyle, une découpeuse laser et une fraiseuse numérique) ; il doit être ouvert à tous et doit stimuler le partage des connaissances. Les fablabs font en effet partie d’un réseau mondial d’ateliers locaux open source. « Il y a des fablabs de diverses tailles et aux orientations variées pour répondre aux besoins des différents publics-cibles. La charte garantit une ouverture d’esprit et une ouverture au public. L’un des objectifs de cette charte est aussi que si on fabrique un objet ici, à Bruxelles, on puisse le reproduire à l’identique dans l’un des autres 1.500 fablabs qui existent de par le monde », explique Nicolas de Barquin, fondateur d’OpenFab.
Etudier et pratiquer
« En tant que fablab public, notre mission est de démystifier le fablab, de le rendre plus accessible à tous, notamment aux écoles », explique Maïté Dupont, Fablab Manager chez Cityfab1. « Dans les fablabs traditionnels, le public est souvent déjà averti. Nous souhaitons faire connaître les fablabs au grand public et faire venir des gens qui ne viendraient pas naturellement. Pour ce faire, nous donnons des cours et des modules d’initiation à l’utilisation des machines. On va beaucoup vers les écoles de quartier avec une offre spéciale pour ce public. Les écoles supérieures artistiques et techniques nous contactent d’elles-mêmes car elles ont besoin de solutions pour leurs étudiants, lorsqu’ils doivent créer des maquettes par exemple. »
En effet, les écoles n’ont pas les moyens d’investir dans les machines dont disposent les fablabs : y faire venir leurs étudiants est donc une bonne alternative. Les labs sont un outil d’autonomisation important permettant aux étudiants et aux jeunes porteurs de projets de se mettre en situation d’apprendre par eux-mêmes. OpenFab accueille ainsi occasionnellement des indépendants ou des jeunes entrepreneurs qui veulent créer un prototype afin de pouvoir lancer leurs produits sur le marché ou trouver des investisseurs.
Les écoles se rendent par ailleurs de plus en plus compte de la nécessité d’allier théorie et pratique. « Les jeunes d’aujourd’hui ont envie d’apprendre différemment, d’être actifs dans leur formation. Se réunir dans un fablab, où l’on travaille par petits groupes autour d’un vrai projet, c’est bien plus motivant que de rédiger un devoir théorique à la maison », avance Maïté Dupont. Cityfab1 compte d’ailleurs beaucoup d’habitués qui reviennent régulièrement, par exemple des étudiants en architecture.
Pour Nicolas de Barquin aussi, les fablabs sont un lieu d’apprentissage, mais non structuré. « Je vois plus notre fablab comme un lieu d’expérimentation. Ici, on souhaite que les gens se sentent à l’aise pour essayer de nouvelles choses. Un fablab, on peut tout y faire. C’est une boîte à outils. » En partenariat avec Innoviris et 5 autres labs, OpenFab se rend dans des écoles secondaires avec un « FabLab Mobile ». « Nous nous rendons dans les écoles pour des ateliers d’une demi-journée. Cela nous permet de faire connaître les fablabs et de montrer aux jeunes que c’est aussi une possibilité d’apprentissage, notamment pour ceux qui sont plus portés sur la mise en pratique », explique le fondateur.
En collaboration avec la Flop Academy, OpenFab organise aussi des stages pendant les vacances. La Flop Academy a pour mission de contribuer à la croissance de l’entreprise de demain en formant la mentalité d’entreprise d’aujourd’hui. En pratique, elle aide les jeunes générations à canaliser leurs propres solutions innovatrices en organisant et en animant des ateliers expérientiels qui permettent aux jeunes de comprendre comment les entrepreneurs pensent, parlent et agissent. « Les FlopCamps sont des jeux d’entreprise dans lesquels les jeunes entre 12 et 16 ans forment une équipe pour avoir une expérience directe des phases de la création d’une entreprise émergente, de la conception à l’élaboration d’un prototype, des essais à la modélisation de son fonctionnement. Durant le stage, nous les accueillons au sein d’OpenFab pour réaliser leurs prototypes », précise Nicolas de Barquin.
Une demande croissante
Un an après son ouverture, Cityfab1 est très content de ses premiers résultats. « Nos formations sont généralement complètes et de plus en plus de gens viennent chaque mois. Il y a une vraie demande. On développe actuellement des nouveaux types de workshops pour répondre aux demandes du public. Nous avons aussi pour projet de collaborer avec des institutions comme Bruxelles Formation pour aussi ouvrir notre fablab aux chercheurs d’emploi, les faire venir ici avec leur formateur. Quand on cherche un job, avoir une idée de comment fonctionnent ce genre de machines est vraiment un atout », assure Maïté Dupont.
Un fablab, c’est aussi une communauté, des gens qui sont là pour s’entraider, qui partagent leurs connaissances et leurs compétences. « Entre Fablab Managers, on se rencontre régulièrement pour échanger sur les pratiques, les tendances, etc. », explique Maïté Dupont. « C’est un métier encore relativement nouveau, où il est donc intéressant de pouvoir apprendre les uns des autres. » Chaque fablab possède un ancrage dans son quartier et des spécificités qui lui sont propres. De plus en plus de gens sont intéressés, et pour nos experts, le marché est donc loin d’être saturé. À terme, l’un des grands objectifs de Nicolas de Barquin est aussi de faire reconnaître les compétences acquises en fablab, via des mini-certifications octroyées par les Communautés par exemple. « Il faut trouver un moyen d’évaluer l’expérience acquise et que le portfolio des réalisations puisse devenir un complément, ou même un substitut au CV. J’aimerais que la pratique en fablab devienne quelque chose de pertinent pour trouver un job », conclut-il.