Nés après les années 80, les « digital natives » sont tombés dans la marmite numérique dès l’enfance. On parle d’eux comme des pros du net, chez qui la compréhension des nouvelles technologies serait innée. Mais les jeunes maîtrisent-ils vraiment le numérique ? Plusieurs études en font douter…
Imaginez : nous sommes dimanche et vous passez l’après-midi en famille. Votre ado de 14 ans envoie des photos via SnapChat tout en chattant avec ses copains sur son smartphone. Votre fils aîné vous parle de son nouveau boulot de Community Manager tandis que sa petite fille de 2 ans à peine regarde des vidéos sur YouTube. Vous les voyez un peu comme des grands manitous des nouvelles technologies, qui utilisent intuitivement des outils complexes, sans effort apparent.
Vraiment ? Plusieurs études récentes tendraient à prouver que, au rebours de la croyance populaire, les nouveaux outils digitaux seraient mal utilisés par les jeunes. D’après une étude publiée en juin 2017 dans la revue Teaching and Teacher Education, « les jeunes ne possèdent pas de compréhension particulièrement approfondie et fine de la technologie ». Dans cette étude, les professeurs Kirschner et De Bruyckere expliquent que « leurs connaissances sont souvent très superficielles et se cantonnent à l’utilisation d’applications de bureautique, d’une boîte mail, d’applications de messagerie instantanée, de Facebook et d’un navigateur ». Ils n’auraient pas plus de capacité à maîtriser les objets techniques qui les entourent que la génération précédente.
Un usage très récréatif
Smartphone, tablette, réseaux sociaux, apps… S’il est vrai que les jeunes sont hyperconnectés et utilisent une grande variété de technologies, ils sont surtout intéressés par le divertissement. De Facebook à YouTube, tous reconnaissent avoir un usage très récréatif d’internet. Cela ne signifie pas forcément qu’ils sont des génies du numérique. Des études menées au Canada, en Autriche, en Suisse et aux États-Unis montrent que les étudiants de licence et master ne connaissent pas les fonctions les plus avancées des applications qu’ils utilisent quotidiennement. On peut très bien baigner dans un environnement riche en nouvelles technologies sans pour autant en exploiter tout le potentiel. Aujourd’hui, il est par exemple possible de créer gratuitement et rapidement un site web avec des plateformes telles que WordPress alors qu’avant, sans une connaissance du codage HTML, c’était impossible.
Le concept du « digital native » maîtrisant parfaitement les nouvelles technologies serait donc un mythe, repris et amplifié par les médias au point de devenir une croyance populaire. D’après une étude menée à l’ULB en 2015 par Nicolas Roland et Sophie Vanmeerhaeghe, « Les jeunes présentent en réalité des niveaux de compétences numériques très variés. Et, ce n’est pas une surprise, le milieu social dans lequel ils ont grandi a un impact direct sur leurs compétences. Ceux qui maîtrisent le mieux le numérique sont ceux issus de familles aisées. »
Ce mythe du « digital native » n’est pas sans conséquences: « Les étudiants qui ont du mal à utiliser les outils numériques se sentent humiliés devant les attentes des institutions académiques et des enseignants, qui prennent la maîtrise des ordinateurs et des logiciels pour acquise », expliquent les professeurs Kirschner et De Bruyckere. Pour eux, les nouvelles technologies devraient faire l’objet d’enseignements spécifiques au sein des écoles et des universités. De même, Nicolas Roland et Sophie Vanmeerhaeghe concluent : « Il y a une surévaluation des compétences numériques et techniques des étudiants et peu de pratiques d’accompagnement. »