[article invité]
Aujourd’hui, et surtout depuis la crise du Covid, bon nombre d’entreprises autorisent le télétravail structurel, généralement à concurrence de 1 voire 2 jours par semaine.
Parmi les entreprises qui restent encore réticentes face à l’instauration du télétravail, l’une des raisons invoquées est la difficulté de contrôler les télétravailleurs.
A cet égard, le fait de prévoir des règles simples dans le cadre d’une Policy télétravail permet de cadrer le recours au télétravail et d’éviter les abus.
Comment gérer le temps de travail pour les télétravailleurs ?
Les dispositions légales en matière de durée du travail ne sont pas applicables aux télétravailleurs structurels pour les jours de télétravail. En effet, ces télétravailleurs ne sont pas soumis aux limites journalières et hebdomadaires de la durée du travail. Ils n’ont en principe pas droit au paiement d’heures supplémentaires ou à l’octroi de repos compensatoire lorsque la durée de travail journalière ou hebdomadaire est dépassée (voir ci-dessous). Ils peuvent également travailler les dimanches et jours fériés et ne sont pas non plus visés par l’interdiction du travail de nuit, pour la partie de leurs prestations effectuées à domicile. L’employeur veillera dès lors à imposer certaines limites et un cadre conventionnel par le biais d’une Policy télétravail (voir ci-dessous), en rappelant par exemple aux travailleurs les dispositions applicables en matière de sécurité et bien-être au travail.
Par ailleurs, cela signifie également que le succès du télétravail repose sur une communication constante entre les parties, une confiance mutuelle et des directives claires. Ainsi, il pourrait être convenu que le travailleur doive se rendre disponible pour les réunions et, s’il devait prendre une pause de midi plus longue, il veillera à rattraper ces heures à un autre moment. Il pourrait également être convenu que le travailleur plus productif en soirée, puisse commencer sa journée de travail plus tard, pour autant qu’il preste ses heures.
En pratique, nous constatons toutefois que les entreprises préfèrent demander aux travailleurs d’être disponibles pendant certaines plages horaires déterminées, afin d’assurer une communication et collaboration plus efficace aux heures de la journée où le travail est le plus important (voir ci-dessous, dans le cadre d’une Policy).
Qu’en est-il lorsque le travailleur combine télétravail et travail au bureau ?
Lorsque le travailleur combine télétravail structurel et travail au bureau (ce qui est souvent le cas), il reste soumis aux dispositions en matière de durée du travail pour la partie de ses prestations effectuées au bureau. En conséquence, dans ce cas, les parties veilleront à respecter la limite de durée de travail hebdomadaire applicable.
Est-ce qu’il faut enregistrer les prestations des travailleurs en télétravail, en particulier en cas d’horaires flottants ?
De plus en plus d’entreprises ont également recours à un système d’horaires flottants, dans le cadre desquels le travailleur détermine lui-même le début et la fin de sa journée de travail. L’application d’horaires flottants requiert en principe un système de suivi du temps de travail (classiquement, un système de pointage).
Dans ce cadre, le SPF Emploi a confirmé que les jours de télétravail pouvaient soit être comptabilisés selon les heures effectivement prestées, soit sur la base d’une durée du travail journalière moyenne (même si en réalité les travailleurs auraient presté plus). Les deux solutions sont donc en principe acceptées.
Est-ce que le télétravailleur pourrait réclamer le paiement d’heures supplémentaires ?
Le télétravailleur est libre d’organiser son temps de travail et il ne pourrait donc pas réclamer de sursalaire pour les heures supplémentaires relatives à ses prestations à domicile.
Il faudra toutefois être attentif, si le travailleur combine télétravail et travail au bureau, à ce que la durée de travail hebdomadaire effective au sein de l’entreprise soit respectée.
Policy télétravail : quelles clauses prévoir en vue d’imposer un cadre aux télétravailleurs ?
Dans le cadre du contexte précité, la mise en place d’une Policy peut s’avérer très efficace notamment pour souligner les règles applicables en matière de sécurité et bien-être au travail mais également instaurer un cadre clair en matière de télétravail. Cette Policy n’est pas juridiquement obligatoire (contrairement à la convention individuelle ci-dessous), mais recommandée.
Afin de cadrer au mieux les prestations réalisées en télétravail, les directives suivantes pourraient par exemple être reprises:
Une telle Policy télétravail est également l’occasion de régler d’autres aspects relatifs au télétravail, comme par exemple les conditions pour pouvoir recourir au télétravail (et, par exemple, prévoir une condition d’ancienneté ou déterminer la liste des activités pour lesquelles le travailleur est attendu au bureau), les modalités de fin du télétravail ou le télétravail à l’étranger.
Que faut-il prévoir par rapport au télétravail à l’étranger ?
En pratique, de nombreuses entreprises permettent le télétravail à l’étranger, sans limite de durée. Toutefois, le télétravail à l’étranger peut avoir un impact sur la législation applicable en matière de sécurité sociale et fiscale (voire même de droit du travail !), et impliquer le respect de certaines formalités à remplir par l’employeur.
C’est la raison pour laquelle, lorsque l’employeur permet le télétravail à l’étranger, il est conseillé d’insérer, dans cette même Policy télétravail, la clause suivante : « Le travailleur peut, avec accord préalable de l’employeur, télétravailler de l’étranger pendant une durée maximale fixée à 30 jours (consécutifs ou non) par année calendrier. L’employeur peut, discrétionnairement, refuser le télétravail à l’étranger et/ou réduire le nombre de jours maximum autorisés. En toute hypothèse, le travailleur accepte de supporter toutes les conséquences fiscales d’un télétravail à l’étranger ».
Une telle clause permet à l’employeur de disposer d’un motif de refus s’il constate que le télétravail à l’étranger entraîne des risques dans son chef, notamment en ce qui concerne les retenues fiscales ou de sécurité sociale.
Comment instaurer la Policy télétravail ?
Avant d’introduire une Policy télétravail, l’employeur veillera également à vérifier si d’autres obligations en matière de télétravail sont éventuellement prévues au niveau de la commission paritaire compétente.
Aussi, s’il existe un conseil d’entreprise au sein de la société, celui-ci devra être informé de la mise en place du télétravail structurel. Le comité pour la prévention et la protection au travail devra également être informé sur les aspects liés au bien-être des travailleurs.
Enfin, la Policy télétravail pourra être communiquée aux travailleurs et remise pour réception.
Est-il obligatoire de conclure également une convention individuelle ?
En cas de télétravail structurel et donc régulier, la conclusion d’un accord écrit préalable au télétravail structurel est obligatoire et certaines mentions doivent également y figurer (celles-ci sont reprises à l’article 6, §2 de la CCT n°85 concernant le télétravail).
Ce sera également l’occasion de souligner le caractère éventuellement temporaire du télétravail et les modalités de retour au sein de l’entreprise, par exemple, lorsque la présence des travailleurs sera requise. Pour éviter d’éventuels malentendus, les parties pourront également confirmer la durée de travail minimum (par exemple 35 heures/ semaine) et le fait que la rémunération versée au travailleur couvre toutes les prestations réalisées.
En conclusion, si les clés du télétravail restent la confiance mutuelle et la communication au sein de vos équipes, une Policy télétravail et une convention bien rédigées permettront d’aborder sereinement les mois à venir.
À propos de l’auteur
Oriane Bauchau, Avocate chez Yelaw