[article invité]
Depuis la crise sanitaire que nous avons traversée, les modalités d’exécution du travail ont considérablement évolué. Certains travailleurs salariés ont ainsi émis le souhait de travailler depuis l’étranger, dans la mesure du possible. Il est sans doute plus agréable d’exercer ses activités professionnelles en télétravail depuis une villa située dans le sud de l’Europe que dans un appartement bruxellois. Depuis le 1er juillet 2022, les règles applicables en la matière ont changé et évolueront encore très prochainement. Nous faisons ici le point sur la réglementation.
Sécurité sociale
Au sein de l’Union européenne, le travailleur salarié est redevable de cotisations de sécurité sociale dans l’État où il/elle (télé)travaille. Dans l’hypothèse d’une occupation simultanée dans plusieurs États membres, le travailleur salarié reste redevable des cotisations dans son État de résidence, dès lors qu’il y preste au moins 25 % de ses activités professionnelles.
Depuis 2020, les autorités belges et européennes ont adopté des accords aux termes desquels l’impact des mesures relatives au télétravail obligatoire est neutralisé. Durant une période de transition (qui s’achève au 30 juin 2023), les cotisations de sécurité sociale du pays où les prestations auraient en principe dû être acquittées restent dues.
Dès le 1e juillet 2023, le travailleur salarié qui preste ses activités professionnelles depuis l’étranger (en dehors de l’hypothèse du détachement temporaire) sera en principe redevable des cotisations de sécurité sociale du pays depuis lequel il travaille réellement. À condition de travailler au moins 25 % depuis l’État membre de résidence, il serait soudain assujetti à la sécurité sociale de cet État.
Un accord-cadre entre États membres de l’UE vient toutefois d’être conclu aux termes duquel le travailleur qui le souhaite (pour autant que son employeur marque son accord) resterait assujetti à la sécurité sociale du pays où l’employeur est établi. Pour ce faire, il devrait remplir un document A1 spécial de confirmation.
Selon le nouvel accord-cadre, les travailleurs frontaliers qui travaillent à distance pourraient rester assujettis à la sécurité sociale du pays d’emploi, à condition de prester à distance moins de 50 % de leur temps de travail dans leur État de résidence. S’ils travaillent à distance plus de 50 % du temps, ils sont assujettis à la sécurité sociale de leur pays de résidence.
Sous réserve de la signature des États concernés, les règles de cet accord-cadre européen entreront en vigueur le 1er juillet 2023.
Fiscalité
Sur le plan fiscal, il n’est malheureusement pas question d’un accord global, de sorte que le télétravail des travailleurs frontaliers entraîne dans de nombreux cas des conséquences fiscales pour ces derniers.
Sur pied de la convention préventive de la double imposition applicable, le travailleur salarié est en principe imposé dans le pays où il (télé)travaille. Cette règle peut imposer à l’employeur de retenir à la source un impôt étranger conformément aux dispositions fiscales internes de ce pays. Les avantages doivent alors suivre le traitement fiscal prévu par la législation locale.
La Belgique a conclu des accords avec les pays limitrophes (France, Allemagne, Pays-Bas et Luxembourg) afin de neutraliser les effets fiscaux de ce télétravail. Aux termes de ces accords, les jours de télétravail depuis l’étranger restent imposables dans l’État au sein du quelles prestations auraient en principe dû être acquittées, malgré le fait que le travailleur n’y travaille pas physiquement. Ces mesures de neutralisation fiscale ont toutefois pris fin au 30 juin 2022. En vertu des règles habituelles, l’employé résident belge d’une société belge qui télétravaille moins de 183 jours par an depuis l’étranger restera normalement redevable de l’impôt en Belgique.
Assurance accidents du travail
Le travailleur qui exerce son contrat de travail depuis les locaux de l’employeur ou qui se rend sur son lieu de travail est couvert par l’assurance accident du travail conclue par son employeur. S’il est convenu que le travailleur preste ses activités professionnelles depuis l’étranger, l’employeur avisé contactera son assureur accident du travail afin de s’assurer que le contrat couvre également les risques survenus en télétravail (à l’étranger).
Droit du travail
En matière de contrat de travail, le principe applicable demeure celui de l’autonomie de la volonté : les parties peuvent choisir de commun accord le droit applicable à la relation de travail. Si les parties s’accordent concernant le télétravail depuis l’étranger, les dispositions du contrat de travail (qui ne contredisent pas l’avenant relatif au télétravail) restent en principe d’application. L’employeur averti prévoit de préciser sa politique de télétravail par le biais de directives internes ou d’une convention collective de travail. Il est important de souligner que les règles impératives (considérées comme étant à ce point importantes que les parties ne peuvent y déroger conventionnellement) du droit du travail de l’État depuis lequel les activités professionnelles sont prestées restent d’application.
À retenir
Le télétravail depuis l’étranger peut avoir des conséquences sur le plan de la sécurité sociale (une fois que les mesures de neutralisation pour les travailleurs transfrontaliers en télétravail auront expiré), sur le plan fiscal, ainsi que sur le plan des relations du travail. Il convient d’attirer l’attention des employés sur les conséquences d’un changement de résidence fiscale ou de l’exercice substantiel des activités professionnelles depuis l’étranger. L’employeur avisé conclut alors des accords clairs avec les travailleurs concernés (par exemple : nombre de jours pendant lesquels ceux-ci peuvent télétravailler depuis l’étranger). Dans la mesure où le travailleur salarié devient imposable à l’étranger, l’employeur devra éventuellement prévoir une forme de « retenue à la source » (précompte professionnel) dans l’autre pays, conformément aux dispositions fiscales locales.
À propos de l’auteur
Nicolas Tancredi, Avocat associé chez DWMC
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