Comment améliorer le taux de pénétration des entreprises bruxelloises dans l’attribution des marchés publics régionaux ? Le ministre de l’Économie, Didier Gosuin, soutient le programme d’information, de sensibilisation et d’accompagnement des PME bruxelloises de Beci et de ses partenaires.
Small Business Act
Bruxelles Métropole : Depuis le début de votre mandat, quelle a été votre action en faveur des PME bruxelloises ?
Didier Gosuin : La priorité a été de rattraper le retard pris par rapport à la Flandre et la Wallonie en se donnant un Small Business Act (SBA), sans qu’il ne soit qu’un copier-coller. Ce fut une démarche très participative, raison pour laquelle il aura fallu un an pour aboutir. C’est que Bruxelles possède un tissu très PME, avec un taux de création plus fort qu’ailleurs en Belgique. En même temps, il faut être lucide quant à la mobilité des entreprises. Bruxelles est le laboratoire de la Belgique. Dans ce contexte, j’ai aussi rationalisé les institutions publiques et revu les aides économiques pour créer des stimulants au développement.
Didier Gosuin se déclare inquiet de la loi fédérale stimulant les mini-jobs, qu’il considère comme « une menace bien plus grande (que l’économie sociale, ndlr) pour nos entreprises ». Un avis que ne partage pas Beci : selon une récente étude de l’Université de Linz et du think tank IAW sur le travail au noir en Europe, le recul de l’économie souterraine observé en Belgique serait essentiellement dû à l’essor des chèques-services et des flexi-jobs. |
Un premier bilan du SBA et quelques perspectives avant les élections ?
Le SBA a bientôt deux ans et je note que le 1819 est une réussite qui ne se dément pas. En regard, la peur du risque reste trop présente dans la tête des gens, même si les esprits évoluent. Regardez les nouvelles promotions qui sortent de Solvay Business School notamment ! On y pense désormais autant à se lancer qu’à filer dans une grande entreprise ou une boite de conseil. Dans le domaine audiovisuel ou en économie circulaire, de nombreuses initiatives ont été prises pour stimuler les entreprises. Et dans un monde très masculin, le soutien à l’entrepreneuriat féminin est fondamental.
Marchés publics
Qu’en est-il de l’accès aux marchés publics bruxellois ?
Il faut avouer que c’est une matière de prime abord complexe. Les règles sont là. On gagne en transparence dans la compétition, mais on perd en lisibilité et donc en accessibilité. Et à force de pousser le public à détailler son cahier de charges afin de coter impartialement les offres, il faut noter que le degré d’exigence devient très élevé, parfois inabordable. Pour autant, il s’agit plus d’un sentiment que d’une réalité. La nouvelle règlementation offre des possibilités, en ce compris pour les petites entreprises, pour autant qu’on les sensibilise et qu’on les forme, but du projet de Beci.
Peut-on chiffrer l’ensemble des commandes publiques bruxelloises, régionales et locales ?
Au niveau belge uniquement, la commande publique porte sur plus de 50 milliards, soit 10 à 15 % du PIB, pour environ 20.000 appels. Dans le cadre de l’économie circulaire, le bureau d’études Vito a estimé que, sur les 3.233 marchés bruxellois stricto sensu répertoriés pour l’année 2016, 56 % ont compté la soumission d’une entreprise bruxelloise et 41 % leurs ont été attribués[1]. C’est trop peu quand on sait que beaucoup d’institutions privées, comme les hôpitaux notamment, sont tenues aux règles en matière de marchés publics. On doit travailler l’amont et l’aval dans ce domaine.
Quels sont les secteurs d’activités ou les services les plus recherchés par le public ?
Tout est marché ! De la fourniture de bureau à la construction d’un pont ou d’un tunnel, en passant par les véhicules des services d’urgence ou l’acquisition d’œuvres d’art… L’observatoire des prix va éditer un guide de bonnes pratiques et mettre en lumière les entreprises qui réalisent des marchés avec satisfaction afin d’en inspirer d’autres, autant que les donneurs d’ordres. Désormais, les marchés sont rendus publics dès qu’ils atteignent 30.000 euros, et les factures envoyées par e-mail sont acceptées afin d’accélérer de 30 % le temps de paiement, souvent critiqué.
Continuer les efforts
Faut-il aller plus loin ? Si oui, comment ?
L’ouverture des marchés stimule la concurrence, permet d’identifier de nouveaux acteurs et stimule le changement. « Pas toujours les mêmes », entend-on souvent. Et c’est vrai qu’il y a une lutte à mener contre les ententes commerciales. Il y a trop souvent cette impression d’une répartition de certains marchés de travaux, par exemple. On provoque le changement par la transparence. Plus d’offres, un meilleur service, un juste prix, notamment par l’action de Beci et ses partenaires. Identifier les freins, les rencontrer et accompagner les entreprises qui jouent le jeu : c’est le cœur de l’action.
L’économie sociale entre dans la danse, avec quelles limites ?
Elargir l’accès aux marchés publics à l’économie sociale est une volonté politique qui vise à appuyer un secteur ayant d’autres objectifs que financiers. On parle des ASBL et autres coopératives ayant pour finalité la mise au travail, par exemple. Cependant, il ne faut pas qu’on fausse la concurrence avec des prix cassés. J’exclurais donc celles qui bénéficieraient de plus de subsides que ce que peuvent obtenir les entreprises classiques.
Marchés publics : nouveautés et retour d’expérienceLa nouvelle réglementation relative aux marchés publics est entrée en vigueur ce 30 juin 2017. Quels sont les principaux changements ?
Si l’accès à la procédure négociée est élargi, les modalités de négociation sont quant à elles plus encadrées, ce qui, en soi, est plutôt une bonne chose. La procédure négociée ayant été très peu balisée par le passé, elle avait pu créer un certain flou juridique autour de ce qui était permis ou non. Les nouvelles contraintes permettent à cet égard d’augmenter la sécurité juridique de la procédure de négociation en tant que telle. Il est ainsi désormais prévu qu’à certaines conditions, le pouvoir adjudicateur pourra faire régulariser les offres si celles-ci comportent des irrégularités, avant l’entame des négociations. Les offres finales ne seront quant à elles plus négociées. La sélection qualitative se veut simplifiée par le recours au « DUME » (Document Unique de Marché Européen). Cela étant, selon les premiers retours d’expériences, l’utilisation de ce formulaire, à remplir par les soumissionnaires, n’est pas si simple et pose en réalité de nouvelles questions juridiques. Enfin, on notera que, sous l’impulsion de la jurisprudence européenne et des directives qui l’ont implémentée, les modifications de marché en cours d’exécution sont désormais limitées à des cas bien spécifiques, énumérés dans les règles générales d’exécution.
Virginie Dor, Partner, CMS De Backer
Marchés publics : les seuils applicables au 1er janvier 2018
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Programme de séminaires
29.03.2018 Identifier les marchés / les marchés en environnement (Bruxelles Environnement) 04.2018 Répondre à un cahier des charges / travailler avec CityDev et la SLRB (CCBC) 05.2018 L’appréciation de votre offre / vendre à l’administration et au CIRB (Agoria)
06.2018 Allotissement et sous-traitance / les sols pollués : pour un milliard de plus (Beci) 09.2018 Financements et mises en condition / marchés en travaux publics et mobilité (CCN)
Info et inscriptions : Caroline Coutelier, 02 643 78 13 — cco@beci.be
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[1] http://www.circulareconomy.brussels/category/leviers/marche-public/