La mise en œuvre d’une politique ESG (environnement, social, gouvernance) est un processus long. Afin d’accompagner les PME, Grant Thornton et BECI ont mis sur pied une série de webinaires mensuels hébergés par la plateforme CONNECTS et destinés aux PME. Ouvertes à tous, les sessions regroupent de nombreux experts et responsables d’entreprises. Au-delà des concepts théoriques et outils méthodologiques, les intervenants partagent expérience pratique, conseils et idées.
Une politique de gouvernance bien établie est essentielle dans la mise en place d’un parcours ESG. Non seulement en tant qu’objectif fondamental de celui-ci, mais aussi comme un moyen de mener un tel plan à bien. Isabelle Derison, Partner chez Grant Thornton, l’avait déjà rappelé lors de l’une de nos précédentes sessions : « La gouvernance, c’est avant tout la mise en place des fondamentaux nécessaires à la réussite de votre démarche ESG ».
Quels risques et opportunités de gouvernance sont importants pour mon organisation ? Comment puis-je m’assurer que j’applique le principe de ‘double matérialité’ lorsque je conçois mes plans de gouvernance ? Pour répondre à ces questions, notre sixième webinaire a examiné en profondeur la dimension de l’ESG.
La matérialité « G »
Isabel a commencé par souligner comment la gouvernance d’entreprise contribue réellement à sa durabilité en favorisant un meilleur leadership. Et ce, par le biais de politiques et de processus au niveau du conseil d’administration et de l’entreprise, entrainant à son tour une meilleure navigation stratégique et un meilleur contrôle. Mais comment y parvenir ? « Il s’agit de promouvoir une culture de l’éthique et de l’intégrité, de favoriser la conformité, la responsabilité et la transparence des rapports – un autre aspect très important. Ce qui est en jeu ici, c’est d’équilibrer les intérêts de toutes les parties prenantes de l’entreprise, qui constituent un groupe beaucoup plus large que les seuls actionnaires », poursuit-elle.
Dans sa quête d’une meilleure gouvernance, une entreprise peut examiner de nombreux problèmes potentiels et risques auxquels elle est soumise. La corruption, l’évasion fiscale, les comportements anticoncurrentiels, la diversité et la structure du conseil d’administration, la rémunération, la protection des données, la sécurité des produits, le code de conduite de la direction ne sont que quelques exemples. « Ces exigences sont généralement motivées par trois grands principes. Le premier découle des valeurs propres à l’entreprise. Viennent ensuite les meilleures pratiques largement reconnues au sein du monde des affaires et les attentes de la société. Et enfin, bien sûr, les lois et règlements », poursuit Isabel, expliquant également que ces principes se confondent souvent.
« La gouvernance consiste à mettre une organisation en place qui permette à une entreprise d’entrer dans un processus ESG approfondi et d’en atteindre les objectifs. Cela dit, la portée d’une bonne gouvernance va bien au delà de l’ESG et concerne l’entreprise dans son ensemble »
Isabel Derison, associée chez Grant Thornton
Fraude ESG et lanceurs d’alerte
L’associée de Grant Thornton insiste aussi sur l’exposition au risque de fraude ESG. En effet, à mesure que les obligations de reporting ESG – la directive Corporate Sustainability Reporting (CSRD) en fait partie – sont plus nombreuses, les risques associés le sont aussi. Pensez aux entreprises tentées par ou victimes de fausses allégations sur leurs produits ou services, telles que le caractère ‘bio’ d’un aliment, la ‘neutralité carbone’ d’une activité, une pêche préservant les dauphins ou encore un bilan trompeur en matière de réduction des émissions de CO2. La dissimulation des conditions de travail est un autre acte répréhensible qui peut se transformer en un risque commercial grave pour tout business.
Comment une entreprise doit-elle s’assurer qu’elle traite de manière adéquate cette pléiade de risques ? Pour Isabel, « toute entreprise doit évaluer sa propre chaîne d’approvisionnement en conséquence ». Elle évoque à cet égard un certain nombre d’outils et de processus tels que les codes de conduite, les sessions de formation, des systèmes de contrôle interne solides, une fonction d’audit qui fonctionne et des programmes d’incitation réalistes. Pour terminer, Isabel brosse à grands traits une nouvelle loi sur les lanceurs d’alerte, qui oblige toute entreprise belge employant 250 personnes ou plus à mettre en place un canal d’alerte actif pour leurs travailleurs. La mesure est entrée en vigueur le 15 janvier, au lendemain de ce webinaire.
« Plusieurs indicateurs clés de performance ESG entrent désormais en ligne de compte lors des discussions sur les bonus des dirigeants. C’est un outil très intéressant mais vous devez vous assurer qu’un cadre approprié et des ressources d’audit sont en place »
« Votre rapport non financier devient aussi important que votre rapport financier »
Romy de Maeyer, spécialiste du développement durable chez Proximus
Ce que l’on dit, ce que l’on fait
Il revenait ensuite à Romy de Maeyer, spécialiste du développement durable chez Proximus, de nous éclairer sur la matrice de matérialité de l’opérateur téléphonique. Cet exercice de cartographie est principalement motivé par deux considérations : répertorier ce qui est important pour les parties prenantes de l’entreprise et ce qui est essentiel à son succès commercial, au premier rang desquels figurent la conduite des affaires et l’éthique. « Il s’agit de là de prouver que vos actes sont en adéquation avec vos dires », souligne Romy. Elle confirme, du même coup, qu’une gouvernance et une conformité solides sont des conditions préalables à une entreprise forte.
Conformément à la CSRD, l’approche chez Proximus se structure sur 4 niveaux : la gouvernance (en particulier la surveillance au niveau du conseil d’administration et le rôle de la direction), la stratégie (qui examine l’impact des risques et des opportunités sur l’activité, la stratégie et la planification financière), la gestion des risques (y compris les processus d’identification, d’évaluation et de traitement actif) et les mesures et objectifs (y compris la fixation de ces derniers et l’établissement de données afin de mesurer les réalisations). Ces principes se traduisent à leur tour par une série de codes de conduite et de politiques garantissant le respect des règles internes ainsi que des dispositions juridiques. En tant que très grande entreprise, Proximus organise des formations et des séances d’information pour son personnel. Elle dispose également de son propre compliance office, composé de professionnels qui maitrisent ces règles et se chargent de leur bonne application au sein du groupe. Cette équipe travaille sous la supervision du comité d’audit.
Pour répondre efficacement à l’urgence imposée par les problèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance, les entreprises devraient-elles également lier la rémunération de leurs dirigeants à la performance non financière ? Pour Romy de Maeyer, « c‘est de plus en plus le cas dans les grandes entreprises. Nous le faisons également chez Proximus. Plusieurs indicateurs ESG entrent désormais en ligne de compte lors de la discussion sur les bonus. C’est un outil très intéressant, mais il faut s’assurer qu’un cadre approprié et des ressources d’audit sont en place ».
« Bien intégrée en interne, la gouvernance est très proche de la culture. Elle reflète une série de valeurs partagées qui permettent aux gens de travailler ensemble »
Joost Visser, CEO de Connects
Governance by design
Joost Visser, CEO de CONNECTS, fut le troisième intervenant de la journée. Il a expliqué comment, grâce à la technologie, sa plateforme collaborative rend très concrets les concepts de transparence et de responsabilité – deux conditions préalables à l’instauration de la confiance. « Vous ne pouvez pas rejoindre anonymement notre plateforme. Chaque utilisateur est lié à une entreprise et vous devez être invité à nous rejoindre soit par une entreprise validée au sein du réseau, soit par le réseau lui-même », poursuit-il. Cette approche de validation par les pairs, inspirée du modèle blockchain, est très importante aux yeux du fondateur.
Ce dernier explique ensuite comment la propriété, la sécurité et l’accès, le traitement, la confidentialité et le contrôle des données sont au cœur du modèle économique de CONNECTS. C’est ce qu’il appelle Governance by Design. « Les piliers de notre cadre de gouvernance sont les conditions d’utilisation, l’accord de licence et de service du réseau et les conditions d’entrée dans la communauté », ajoute-t-il, illustrant ainsi comment un modèle de gouvernance peut être inclus dans l’objectif même d’une plateforme numérique.
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à propos de l’auteur
Philippe Beco, BECI Journalist