Licenciée en Relations publiques à la Erasmus Hogeschool Brussel, Siham Makrache a rejoint le Grand Casino Brussels VIAGE à son ouverture en juin 2010. Depuis lors, elle a progressé au sein du VIAGE, occupant un poste de direction où elle collabore avec plus de 200 personnes. Depuis 2019, elle est aussi présidente du réseau de femmes entrepreneures Artemis à Bruxelles.
Comment êtes-vous arrivée à occuper un poste de direction au Grand Casino Brussels VIAGE ?
« Voici bientôt quinze ans, j’ai répondu à une offre d’emploi. Elle stipulait qu’un centre de divertissement de 14.000 m², sur 7 étages, avec restaurant gastronomique, recrutait une personne pour s’occuper de l’événementiel. J’ai postulé en ne sachant pas qu’il s’agissait d’un casino. Si cela avait été le cas, je n’aurais probablement pas envoyé ma candidature. J’ai passé les interviews et j’ai été engagée. Mon premier poste était au département marketing, où je m’occupais uniquement des événements et de la communication interne. »
A-t-il été facile d’y faire sa place ?
« Il faut être passionnée, car c’est un domaine largement dominé par les hommes, que ce soit au niveau des équipes ou de la clientèle.
Affirmer ma position a été particulièrement compliqué, car certaines personnes ne toléraient pas mes décisions, surtout étant donné que j’étais très jeune. Mais ce n’était pas seulement une question d’âge : en tant que femme de couleur de 27 ans, je me retrouvais confrontée à des hommes beaucoup plus imposants physiquement. Cependant, étant issue d’une famille marocaine de six enfants, avec quatre filles et deux garçons, j’ai été élevée dans le respect des traditions. J’ai appris à me défendre et à me forger seule. J’ai développé un caractère fort et j’ai veillé à ne pas me laisser intimider.
J’ai aussi le grand avantage d’être polyglotte. Non seulement je suis parfaite trilingue (néerlandais, français et anglais), mais je parle aussi arabe, allemand et espagnol. Pour le reste, j’ai été confrontée aux obstacles habituels que chacun et chacune peut rencontrer en débutant sa carrière. »
Progressivement, vos responsabilités se sont multipliées. Avez-vous subi certaines discriminations, notamment comme femme ?
« J’ai affirmé ma personnalité avec courage. Les remarques du genre ‘Elle ne va pas nous dire ce qu’on doit faire’ sont devenues si fréquentes que je les ai perdues de vue.
J’ai gagné mes différentes promotions en mettant mes compétences au service du VIAGE et en travaillant 14 à 15h par jour.
Lorsqu’un homme occupe un poste à responsabilités, personne ne remet ses promotions en question. Mais lorsqu’il s’agit d’une femme, il y aura toujours des suspicions. »
Vous êtes jeune maman. Est-ce difficile de concilier vie professionnelle et vie privée ? Y a-t-il des astuces, des recettes miracles ?
« J’ai travaillé dix ans au sein du VIAGE avant d’avoir mon premier enfant. J’y étais présente du matin au soir et je ne m’imaginais pas être maman. Je ne voyais pas comment combiner le fait de devenir mère avec ma vie professionnelle. J’ai eu beaucoup de mal à annoncer que j’étais enceinte au CEO. Je ne savais pas comment l’annoncer. Je me sentais presque en faute. Je n’ai pas cru qu’il allait accepter que je sois moins disponible. Et au contraire, il m’a soutenue et félicitée. Il m’a assuré que j’avais ma place à part entière au casino. Comme femme, on se met parfois des pressions qui n’ont pas lieu d’être. »
Comment gérez-vous ce changement important dans votre vie ?
« Aujourd’hui, je suis maman de deux enfants, une fille de 4 ans et d’un garçon de 2 ans. L’avantage, c’est que je peux faire des ‘shifts’ coupés.
Comme c’est un métier qui vit jour et nuit, mes horaires sont flexibles et peuvent s’adapter facilement à ma vie de famille. L’envers du décor, ce sont les journées à rallonge car la vie au VIAGE ne dort jamais. J’organise aussi mes journées avec une partie en télétravail, mais c’est difficile pour moi de déléguer car le cœur de mon métier est d’être présente à tous les événements. Au final, je n’ai pas beaucoup de temps pour moi, même pour aller chez le coiffeur (elle sourit en touchant ses cheveux) ou faire du sport. »
Depuis 2019, vous êtes présidente d’Artemis Brussel, un réseau de femmes entrepreneures néerlandophones.
« Il regroupe, rien qu’à Bruxelles, entre 200 et 300 femmes actives, CEO et indépendantes. Même épuisée, je ne rate aucun des événements car ce sont des sources d’énergies positives incroyables. On se donne des conseils et astuces pour se débrouiller dans un monde d’hommes, se positionner, trouver un équilibre… Il est faux de croire que les femmes ne s’entendent pas entre elles. »
Quels conseils donneriez-vous à une femme qui est appelée à exercer des fonctions dirigeantes dans une entreprise ?
« Pour un homme, il n’y a pas de critères spécifiques pour postuler. Une femme, même si elle répond à tous les critères, va encore hésiter à postuler. On est toujours un peu trop prudente. Mon conseil est de toujours rester naturelle et fidèle à soi-même et surtout ne pas devenir ce que les autres attendent ou ce qu’on pense que les autres veulent. »
Quels sont les atouts qu’une femme manager peut apporter ?
« D’abord, il y a le charme. Avec un sourire, le message passe mieux. Il faut allier charme et d’intelligence. Cela nous rend plus courtoises, plus honnêtes, plus directes. On développe également un respect plus profond envers autrui. Peut-être est-ce un instinct maternel, mais il est difficile de déconnecter, et notre travail nous occupe constamment l’esprit, même au lit. Du moins, c’est mon cas. Le casino, c’est comme mon enfant ! J’étais là dès ses débuts et j’ai pu assister à son évolution. »
Propos recueillis par
Julien Semninckx, Journaliste indépendant chez BECI