Millennials : profession slasheurs. Voilà comment on pourrait qualifier cette génération qui a l’art de combiner plusieurs activités rémunérées. Par choix ou par nécessité, cette pratique devient de plus en plus fréquente chez les 25-35 ans.
Le terme slash fait écho au signe typographique servant à séparer plusieurs mots dans une séquence. Si les millennials apprécient la flexibilité d’organisation et l’autonomie, ils peinent toutefois à assumer une forme de travail qui peut parfois s’avérer isolante et instable. Les plus chanceux parviendront à trouver le dénominateur commun à toutes leurs casquettes pour combiner activités professionnelles et aspirations personnelles.
Les exemples de pluriactifs abondent dans le dossier du mois d’avril : musiciens-consultants tels que Fugu Mango, l’artiste-entrepreneuse et architecte d’intérieur Isabelle Derecque, ou encore la comédienne-écrivaine Adeline Dieudonné. Si au départ, on serait tenté de croire que le statut de « slasheur » s’expliquerait plutôt par le besoin de parvenir à un niveau de vie satisfaisant en combinant plusieurs activités et donc plusieurs salaires, on se rend compte que chez les millennials, il s’agit également de joindre l’utile à l’agréable. En faisant le choix de ne pas en faire, la génération Y se crée une vie professionnelle sur mesure : cumuler deux, trois activités lui permettent d’éviter les concessions. À l’inverse des salariés qui tentaient de concilier vie professionnelle et vie privée, ils mélangent tout : leur vie doit être en parfaite adéquation avec leur bien-être personnel.
Joindre l’utile à l’agréable
Cette pratique du slashing n’est pas récente : en 2007 l’auteur Marci Alboher publiait un livre intitulé « One Person/Multiple Careers : A new model for Work. Life Success ». Quelques années plus tard, Seth Godin, le pape américain du webmarketing vulgarisait le concept par une définition inspirée de son propre vécu : « Mon grand-père a fait le même travail toute sa vie, mon père a eu sept emplois différents tout au long de sa carrière et moi j’ai eu sept emplois en même temps ». Cette pratique incarne à la fois un espoir – maximisation du revenu, diversité des activités et baisse du chômage – et une inquiétude – une situation instable et fragile.
Une étude française du salon des microentreprises dénombrait 4,5 millions de travailleurs pluriactifs en 2015. Dans cette même étude, 31 % des slashers sondés (soit environ 1,4 million d’actifs) sont majoritairement freelances (10 %), auto-entrepreneurs (10 %), associés (6 %) ou dirigeants d’une entreprise (5 %). Aussi, 7 % des pluriactifs profitent de ce mode de fonctionnement pour tester une idée avant de créer une entreprise. « Plus aguerris, avec un réseau plus dense et efficace et des premières références, ils augmentent leurs chances de succès », commente Alain Bosetti.
Une chose est sûre : l’entrepreneuriat et le freelancing ont le vent en poupe dans nos sociétés. Mais de nombreuses questions se posent : Que faire des slasheurs ? Sont-ils une opportunité ou une menace ? À l’heure de l’open innovation « externe », les slasheurs représentent une énergie extérieure à exploiter afin de mobiliser de nouvelles compétences. Si le chantier demeure vaste, il encourage incontestablement les entreprises à revoir leurs pratiques managériales.