La disruption : ce sujet concerne aujourd’hui toutes les entreprises et organisations. Mais comment s’y préparer ? Comment faire évoluer votre entreprise vers une culture de la disruption ?
Ce qu’est la disruption et en quoi elle diffère de l’innovation
La disruption est un bouleversement intégral d’un business model ou d’un produit, de manière à répondre de façon totalement inédite à une attente du client. De ce point de vue, c’est une forme extrême d’innovation. En réalité, l’innovation jalonne les développements évolutifs des produits, alors que la disruption s’accompagne d’une transformation profonde en termes d’acteurs, d’intervenants, d’entreprises et/ou de mode de transaction. La disruption améliore le fonctionnement d’un marché en le changeant radicalement.
L’intégration et ensuite l’amélioration d’une caméra dans les smartphones ont été un cas de disruption pour le secteur des petits appareils photographiques (Minolta etc.). Le phénomène pourrait se reproduire à l’égard des équivalents hauts de gamme, à moyen terme.
La disruption n’est pas un phénomène récent. L’histoire nous renvoie aux Pampers de Procter & Gamble, qui ont chamboulé le marché des langes, tout comme le lancement des surgélateurs a profondément perturbé la livraison de glace à domicile, une activité pourtant bien établie, il y a une centaine d’années. Il y a toujours eu des cas de disruption. En revanche, la technologie et l’Internet en ont sensiblement accéléré le rythme dans de nombreux secteurs. Les entreprises doivent en prendre conscience.
Variantes de disruption
Il y a, à mon avis, trois façons pour une entreprise de subir une disruption. Raison de plus d’être vigilant.
- La disruption externe à votre marché : c’est le tristement célèbre effet ‘Kodak’. Des entreprises extérieures à votre marché classique l’envahissent et répondent à un besoin de vos clients d’une façon totalement inédite, ce qui provoque un départ rapide de votre clientèle.
- La disruption interne de nouveaux marchés : une entreprise investit et définit de nouveaux domaines, perturbant de ce fait les marchés des autres. C’est l’exemple historique du lancement des langes Pampers.
- La disruption interne de votre marché : dans ce cas de figure, l’entreprise perturbe ses propres activités et produits et cannibalise ses ventes avec une manière totalement nouvelle et différente de répondre aux besoins du marché.
Cette dernière forme de disruption est aussi la plus dure, dans la mesure où le ‘système immunitaire’ de l’organisation va s’attaquer aux efforts consentis pour changer et bouleverser complètement les activités de l’organisation. Les décisions prises dans le passé ont conduit à la situation actuelle, qu’il est difficile de changer. Par ailleurs, les dirigeants et les autres membres de l’organisation ne voient pas certaines choses et ne comprennent donc pas la nécessité d’une disruption interne. Cette attitude finit pas les exposer à une disruption en provenance de l’extérieur (voir Point a).
Comment élaborer une culture de la disruption : les 9 stratégies
Il est particulièrement malaisé d’élaborer une culture de la disruption. Dans certains domaines, cela semble même surréaliste, puisque les organisations doivent parfois se changer totalement pour se soumettre à leur propre disruption.
Voici toutefois quelques stratégies que les entreprises peuvent mettre en œuvre pour être mieux préparées à la disruption:
- L’implication de la direction générale: Forcément, puisque le personnel et les business units en place n’apprécieront guère les technologies disruptives. C’est la raison pour laquelle, comme dans le cas des fusions et acquisitions, l’investissement dans des technologies disruptives nécessite l’implication de la direction de l’entreprise et ne peut pas être délégué à d’autres personnes.
- Investir dans des laboratoires et élaborer une culture de l’expérimentation : Les entreprises devraient créer des entités séparées au sein desquelles des petites équipes et des start-up peuvent travailler et développer des idées. Par ailleurs, ces mêmes entreprises devraient s’intéresser à l’acquisition de start-up et d’équipes qui travaillent à la marge des besoins des clients.
- Séparer les laboratoires et le travail de routine : Le travail dans les laboratoires et dans les start-up du groupe devrait pour bien faire être totalement séparé des activités quotidiennes, dans la mesure où le travail visant la disruption du ou des produits en place est susceptible de provoquer une résistance active et le rejet des personnes qui s’investissent dans ces projets.
- Réfléchir comme un investisseur en capital-risque et multiplier les placements : Les entreprises devraient multiplier les placements à risque et les développer par la suite pour accroître leur potentiel de disruption. Une partie de ces placements pourraient également concerner des domaines ‘extrêmes’, qui ne sont pas liés aux activités actuelles et dans lesquels les prévisions sont particulièrement hasardeuses.
- Examiner le système de rémunération : Si l’organisation récompense essentiellement le maintien du statu quo et l’obtention de résultats, il sera difficile d’instaurer une culture de la disruption. Les produits, technologies et idées disruptifs sont par définition difficiles à prévoir. On évitera donc d’inciter les gens à travailler uniquement sur des ‘placements sûrs’.
- Investir dans la diversité de pensée : Une bonne façon de contourner les angles morts dans une organisation est d’investir dans la diversité de pensée. Celle-ci régit une culture qui accepte que l’on exprime des points de vue et des idées différents, pour les soumettre à un débat et une analyse en toute clarté et ouverture d’esprit. Il ne suffit pas d’avoir un personnel diversifié, car les idées toutes aussi diversifiées qui en émaneront doivent aussi être gérées. Une approche consiste à mettre en place un cadre de ‘débat d’innovation’, où il ne s’agit pas de discuter des idées, mais de les soumettre à un débat très structuré pour s’assurer que toutes les parties prenantes s’expriment à leur sujet.
- S’exposer aux idées provenant de l’extérieur : Les collaborateurs et dirigeants doivent être exposés fréquemment à des idées émanant de l’extérieur, pour préserver leur ouverture d’esprit et leur connexion aux marchés. Cela peut se faire via des conférences, des salons, des événements TED etc. De ce fait, le personnel est constamment exposé à des idées fortes et nouvelles, qu’il peut éventuellement combiner. D’autres possibilités sont des stages internes ou externes, y compris pour la direction, permettant les échanges de savoirs et d’idées avec des organisations relevant d’autres secteurs.
- Promouvoir un leadership du ‘Je ne sais pas’ : La disruption implique l’élimination des présupposés et la découverte de nouveaux domaines. La principale qualité des dirigeants, en la matière, et la capacité de dire ‘Je ne sais pas’. C’est un exercice particulièrement difficile pour des dirigeants confirmés, car ils sont convaincus de devoir avoir réponse à tout. Cela ne signifie toutefois pas que personne ne doit avoir la moindre idée ou la moindre contribution à apporter. Ce qu’il faut en retenir, c’est que les disruption leaders doivent être capables de passer rapidement d’un ‘leadership du contenu’ à un ‘leadership du processus’, dans des domaines qu’ils connaissent mal.
- Prévoir systématiquement la disruption lors des réunions stratégiques et celles du conseil d’administration : La disruption figure souvent à l’agenda de l’un ou l’autre atelier pratique et les idées se retrouvent sur des post-it rassemblés dans un classeur. Ensuite, les gens retournent à leur boulot habituel. Ce n’est évidemment pas la bonne façon de procéder. La mise en œuvre d’une culture de la disruption implique que cette thématique soit constamment activée. La disruption doit donc devenir un sujet récurrent lors des évaluations stratégiques et des réunions du conseil de l’illustration. C’est la seule façon d’y donner la priorité requise.
Ouvrez la voie et préparez votre organisation
Beaucoup de secteurs comprennent que la disruption n’est pas simplement ‘intéressante’, mais plutôt un élément de survie essentiel dans le climat économique actuel. La préparation de l’organisation et de sa culture à la disruption est une démarche qui cadre parfaitement dans le cercle d’influence et qui, dès lors, doit devenir centrale dans l’activité de l’équipe de direction.
En savoir plus :
Lars Sudmann soutient des conseils d’administration et des organisations dans les domaines du leadership numérique, de l’innovation et du développement stratégique. Cet ancien directeur de Procter & Gamble est par ailleurs chargé de cours dans des universités et a notamment été l’invité de BBC.com, Fast Company, Inc. et Trends/Tendance. Visionnez sa conférence TEDx sur l’innovation et la disruption, ou contactez-le directement sur www.lars-sudmann.com pour plus d’informations.