Tout le monde veut être heureux, y compris au travail. Après tout, nous y passons la majeure partie de notre temps. Mais qu’est-ce qui fait que nous nous y sentons bien ? Nous avons donné la parole à deux expertes et à quelques travailleurs.
Ce n’est pas un scoop, le monde du travail est stressant et cela peut mener à de vrais problèmes de santé. Les chiffres le prouvent : le taux d’absentéisme lié au stress, au burnout ou à la charge mentale… augmente sans cesse.
Aujourd’hui, pour Griet Deca, Chief Happiness chez Tryangle, « La loi sur le bien-être au travail ne suffit plus à protéger les travailleurs. »
En cause, notamment, l’hyperconnectivé et la disparition de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. « On fait un peu de tout en permanence et cela a un effet très néfaste sur notre santé car notre cerveau n’est pas programmé pour être constamment sur-sollicité », explique Stéphanie van de Perre, coach, consultante et formatrice chez Growing Attitude. « Le perfectionnisme ressort aussi fortement comme élément de stress car il est difficilement compatible avec le rythme et la charge de travail imposés aux travailleurs. »
Pour Griet Deca, l’une des solutions est d’encourager un maximum d’entreprises à agir préventivement : « Le bonheur au travail doit être une des priorités des entreprises ». Stéphanie van de Perre, qui préfère parler de qualité de vie au travail, abonde : « Les entreprises doivent intervenir avant que les travailleurs se sentent mal. L’entreprise porte une responsabilité : faire en sorte que le collaborateur soit dans un environnement optimal pour mener à bien les tâches qui lui ont été confiées dans un contexte constructif. »
Des entreprises conscientes de leurs responsabilités
Nos deux expertes se réjouissent toutefois de voir que les entreprises sont de plus en plus sensibilisées à l’importance du bien-être et du bonheur au travail. « Même si cela va lentement, les mentalités changent », explique Griet Deca. La semaine du bonheur au travail, organisée en septembre par Tryangle, le prouve : « Énormément d’entreprises ont participé, organisé une action et signé notre manifeste du bonheur au travail. »
« De plus en plus d’entreprises investissent dans ce domaine, même si elles ne savent pas toujours par quel bout le prendre », ajoute Stéphanie van de Perre. Les entreprises ont compris les enjeux, mais aussi les bénéfices qu’elles peuvent en tirer. De nombreuses études démontrent le lien existant entre performance et qualité de vie au travail. « Le capital humain doit être valorisé et préservé. Se positionner comme une organisation attentive au bien-être de ses travailleurs est aussi un véritable outil de recrutement et de rétention des travailleurs. »
Mais qu’est-ce qui influe sur notre bien-être au travail ?
Stéphanie van de Perre identifie trois piliers de qualité de vie au travail. D’abord le management, c’est-à-dire tout ce qui touche à l’organisation, à la gestion des flux, à la charge de travail, au contenu de la fonction, à la communication et aux méthodes de management. Ensuite l’interpersonnel : l’ambiance entre les collaborateurs et avec la hiérarchie, ainsi que le soutien apporté par celle-ci.
Enfin, l’individu lui-même. Le travail qu’il réalise a-t-il du sens pour lui ? Est-il en adéquation avec ses valeurs ? Quelles sont ses possibilités d’évolution ? A-t-il un bon équilibre vie privée-vie professionnelle ? D’un collaborateur à l’autre, ces piliers peuvent avoir une importance différente.
En tant que Chief Happiness, Griet Deca constate que ce qui rend les gens malheureux au travail, c’est d’abord l’impression d’être un numéro, sans aucune vue sur l’ensemble de l’organisation. « Quand on ne trouve pas de sens à son travail, on ne peut pas y trouver de bonheur », explique-t-elle. Autre point important : la communication destructive, entre collègues mais surtout avec son responsable. Notre experte insiste aussi sur l’importance de cultiver l’aspect humain et de ne pas penser uniquement performance et productivité.
« Au travail, on doit aussi pouvoir parler de la pluie et du beau temps, de ses vacances et de ses enfants. » Stéphanie van de Perre confirme que la formation des managers aux soft skills est un domaine dans lequel les entreprises devraient encore investir : « Certaines personnes, expertes dans leur domaine, se retrouvent parfois à la tête d’une équipe et responsables du bien-être de celle-ci sans y avoir été formé. Les sensibiliser à l’importance de leur rôle et leur donner des outils pour y parvenir est donc nécessaire. »
Trouver le juste milieu
Quand on parle de bien-être ou de bonheur au travail, le grand défi est de trouver le juste milieu, tant du côté des entreprises que des travailleurs. On ne vit pas chez les Bisounours ; il y aura toujours des aspects du travail moins roses que les autres.
Et Stéphanie van de Perre d’expliquer : « Chaque individu doit avoir une balance positive entre ce qu’on appelle les ‘stresseurs’ (tous les éléments qui lui prennent de l’énergie) et les ‘donneurs’ (tout ce qui donne de l’énergie). » Chacun devrait faire l’exercice de savoir comment il se sent, en prenant aussi en compte sa vie privée. « Si vous avez de gros stresseurs à la maison, cela aura forcément un impact sur le travail et inversement. »
Cet exercice peut aussi se faire en entreprise : chaque collaborateur reçoit un bilan personnalisé tandis que la hiérarchie reçoit un reporting anonymisé de l’état énergétique de ses collaborateurs et des points d’attention sur des thématiques spécifiques. « De quoi donner aux organisations et aux travailleurs des pistes pour avancer… », conclut Stéphanie van de Perre.
Griet Deca (Tryangle)
Stéphanie van de Perre (Growing Attitude)
La parole aux travailleurs
- Maëlle, 35 ans, organisatrice d’évènements : « Je suis heureuse au travail quand on clôture un gros projet et que celui-ci s’est bien passé. Après des semaines de rush et de stress, je me dis que je vais enfin pouvoir souffler. »
- Axelle, 27 ans, employée administrative : « Je ne suis pas très heureuse dans mon travail car son contenu n’est pas très valorisant. Par ailleurs, mon responsable sous-estime en permanence le temps que prennent les tâches qu’il me confie et ne comprend pas que je sois si souvent débordée. »
- André, 55 ans, responsable logistique : « J’ai toujours aimé mon travail jusqu’à l’arrivée il y a deux ans d’une nouvelle responsable qui, du haut de ses 30 ans, pense tout savoir et nous impose des changements qui n’ont aucune valeur ajoutée. Je suis loin d’être réfractaire au changement, mais j’estime que notre expérience et notre savoir-faire devraient aussi être pris en compte. »
- Cassandra, 38 ans, comptable : « Ce que j’apprécie le plus dans mon travail, c’est que mon équilibre vie privée-vie professionnelle soit respecté. Par ailleurs, j’ai une relation de confiance avec mon patron, qui ne va jamais rechigner à m’octroyer une journée de télétravail si, pour des raisons personnelles, je dois rester à la maison. Il sait qu’il peut compter sur moi pour que mon travail soit fait. »
- Alain, 50 ans, community manager : « Le bonheur au travail dépend de nombreux facteurs. Pour moi, le plus important est une bonne entente et une collaboration collégiale et sincère avec mes collègues directs, la reconnaissance, le respect et la transparence de la hiérarchie, et enfin un travail dans lequel je crois et qui est plaisant. »
- Amélie, 42 ans, marketeer : « Les relations avec mes collègues et avec mon management sont très importantes pour moi. Il faut que je trouve un sens dans leur manière de travailler et que je me sente respectée dans nos échanges. J’ai besoin de savoir clairement ce que mon manager attend de moi tout en pouvant également innover en me sentant soutenue par lui. »