Manifeste de la faune citadine

February 14, 2020 by
BECI Community

Après avoir exploré les stratégies de résilience des grandes métropoles du monde dans son livre Désir de villes, Nicolas Gilsoul a retranscrit ses rencontres avec leur nouvelle vie animale. Son second tome, Bêtes de villes, raconte l’histoire de ce bestiaire fabuleux qui devient citadin pour sa survie et pour celle des hommes. 

 

Les bien-pensants s’entêtent à clamer que les animaux doivent vivre dans le monde sauvage, bien que les espaces se raréfient et se tarissent. Oscillant entre détachement et emprise, les hommes sont enjoints à s’aventurer dans la voie de la cohabitation avec des bêtes en tous genres qui pénètrent par les porosités de leurs réseaux urbains. « Comme pour nos forêts urbaines, il faut accompagner l’installation de la faune et lui permettre de se déployer dans nos villes », plaide Nicolas Gilsoul. « Il faut créer des corridors écologiques connectés pour que des animaux puissent venir chercher en ville ce qu’ils ne trouvent plus à l’extérieur, mais aussi facilement en ressortir. » 

Si Bruxelles laisse la plupart de ses espaces verts ouverts et accessibles aux chiens, contrairement à Paris qui est bridée par sa densité, elle dispose aussi de grands espaces boisés et d’une promenade verte qui les connecte entre eux en périphérie, ainsi que de parcs et de nombreux jardins privés en intérieur. « En apprenant à connaître les habitudes des animaux qui nous visitent, on peut changer le dessin de nos jardins et espaces publics pour canaliser et sécuriser leurs déplacements », argue-t-il. « Ça se joue au niveau politique, mais chacun peut agir localement. On peut retirer les grillages des haies pour voir passer les hérissons. S’il y a des jardins communicants, surtout au sud de Bruxelles, la plupart sont cloisonnés par de grands murs. On peut ouvrir des passages, mais aussi jouer sur le choix des végétaux et leur densité. Un simple jardin d’herbes peut ainsi devenir le paradis de certains passereaux, mais repousser les mouettes et goélands qui se sont installés au nord du canal. » Si les renards sont plus largement conviés en ville, il préconise d’apprendre aux habitants à préserver leur instinct sauvage, comme cela s’est fait pour les coyotes qui chassent les rats et souris dans Detroit. 

Observer le comportement animal permet aussi, selon lui, de partager leurs territoires. « Les oies ont transformé les berges des étangs d’Ixelles en plages de boue. En les repensant comme un milieu naturel et en y disséminant des hautes herbes, les promeneurs seraient amenés à mieux vivre la proximité de l’eau et de la vie animale. » 

 

Intervenir avec mesure 

L‘Union Internationale pour la Conservation de la Nature référence plus de 30.000 espèces animales et végétales menacées. Pour agir, les gestes posés doivent tenir compte des équilibres entre populations. Les abeilles domestiques massivement introduites en ville concurrencent les abeilles sauvages qui sont solitaires. L’erreur n’est pas neuve, comme le rappelle Nicolas Gilsoul : dans les années 90, on disait que la coccinelle était l’amie du jardinier. On en a fait venir de plus voraces d’Asie, qui sont devenues invasives et ont mangé nos pucerons mais aussi nos coccinelles. 

Il ajoute que pour réguler des populations nuisibles, il faut accueillir leurs prédateurs : « Une pétition s’est opposée à l’introduction de faucons dans le 10e arrondissement de Paris. Difficile pour certains de voir des pigeons tués en vol, davantage semble-t-il que les réseaux électrifiés qui leur tranchent les membres en toute discrétion sur les façades des bâtiments publics. Il faut changer de regard et se méfier de notre tendance à catégoriser les bêtes en bonnes et mauvaises ». Un cheval soignant dans les hôpitaux français, des moutons qui tondent les pelouses de Turin, des vautours qui cartographient les décharges sauvages à Lima… Les exemples de son livre démontrent que des espèces inattendues peuvent se révéler des alliés extrêmement efficaces. 

 

BECI Community February 14, 2020
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